Politique
Du contrat antisocial de Rousseau
51 vs 49. On aurait cru à un second tour de présidentielle mais il s’agissait de la finale de la primaire écologiste. Hier soir, dans la petite péniche Metaxu amarrée sur le canal de l'Ourcq à Pantin, la tension se relâcha d'un coup lorsque Yannick Jadot se montra tout sourire. L'eurodéputé de 54 ans sera le candidat des Verts l'an prochain. Créditée d'environ 6 % des voix dans les sondages, son écurie EELV galopera au sein d’une gauche déjà bien pourvue en canassons, de l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon au maire de Paris PS Anne Hidalgo et à l'ancien ministre Arnaud Montebourg sans oublier le communiste Fabien Roussel.
Pour l’heure, Yannick Jadot doit unifier son propre camp. Car toute primaire divise. Les écologistes s’étaient fracturés en quatre blocs quasi égaux. Au premier tour, avec 27,7 % des voix, Jadot avait devancé de peu Sandrine Rousseau (25,14 %), qualifiée au détriment de l'ex-ministre Delphine Batho (22,32 %), chantre de la « décroissance » et du maire de Grenoble Éric Piolle (22,29 %), porteur d’un « arc humaniste » destiné à rassembler toutes les forces de gauche.
Au second tour, Jadot obtient 51,03% et Sandrine Rousseau 48,97 %. L’eurodéputé de 54 ans peut se féliciter d’avoir fait respecter son statut de favori, ce qui n’est pas si fréquent dans la pétaudière écolo. Ce parti est friand des retournements de situation, ce qui explique aussi la médiatisation de ses rendez-vous. On se souvent de Cécile Duflot battue en 2016 ou de Nicolas Hulot recalé en 2011. Jadot aurait donc toutes les raisons de se montrer triomphaliste. Et pourtant, il n’est que soulagé.
Jadot serait-il un homme du passé ? Il est surtout un homme tout court. Alice Coffin, porte-parole de Sandrine Rousseau, y voyait une raison suffisante pour qu’il se retirât de la course : « Je lui ai dit, répond-elle à Libération, que c'était contraire à ses combats et ses discours que d'être un obstacle à une candidature féministe à la présidentielle alors qu'un mouvement est en train de se créer dans le pays [...]. Ce n'est pas une agression, mais si on est vraiment féministe, on laisse la place. »
Jadot tint bon. Mais si on lui dit de laisser la place, c’est que le coup d’État symbolique est dans les têtes. Cette élection illustre la dynamique des positions extrémistes. Pas seulement parce qu’une primaire excite toujours les plus convaincus. Sandrine Rousseau surgit comme l’égérie d’une cause qui dépasse son parti : « On avait rien à perdre, et on perd à un point et demi : il y a quelque chose d'un début de victoire culturelle », souligne Elen Debost, une proche de la candidate.
Cette victoire fourbit les armes de la radicalité. Jadot fut même obligé de se situer sur ce terrain : « La vraie radicalité, c'est de rassembler », déclarait-il lors de son dernier meeting avant le second tour. Une belle phrase creuse. Au même moment, sa rivale « éco-féministe » estimait sur Mediapart que « la radicalité fait gagner ». Et elle ne lâchera rien pour se prémunir aussi du risque d’être lâchée par son parti, comme Ségolène Royal ou Benoit Hamon au PS.
Tous les candidats à la primaire jurèrent qu'ils se conformeraient à son résultat. Malgré cela, Sandrine Rousseau maintient la pression en indiquant qu’elle appellerait à voter pour le candidat des Verts seulement s'il se montre « capable d'entendre le mouvement qu'il y a derrière » elle. « Les courbes étaient en train de se croiser », ajouta l’économiste, persuadée qu’elle aurait gagné si le scrutin s'était prolongé.
Cette radicalité laisse perplexe car la participation était forte : 122670 inscrits à ce scrutin en ligne et 104000 voix exprimées. À l’échelle du pays, c’est peu. Mais quel parti politique, RN inclus, serait capable à ce jour de mobiliser ainsi ? Et autour d’une vision subversive, qui pis est : « Quand je dis que "oui, les riches doivent devenir moins riches, dans une société de transformation écologique", il faut assumer ça ». Les riches, ce ne sont pas les quelques Arnault et Bolloré que la France compte encore, mais les classes moyennes, majoritairement blanches, dont elle veut diminuer le train de vie. Son idéologie woke promet de s'inspirer du racisme à l'envers. Son avenir radieux serait-il celui de la nouvelle Afrique du Sud ?
Sur le fond, Rousseau et Jadot ne sont pas si différents. L'eurodéputé propose la création de 300000 emplois aidés dans les secteurs d'avenir, alors que sa rivale veut réduire le temps de travail à quatre jours par semaine… Au-delà de la comédie des tendances à laquelle une primaire se résume, il y a une radicalité décomplexée qui s'affirme dans l'écoféminisme. Ses préceptes inséminent une partie de la société, notamment de la jeunesse y compris des beaux quartiers, bien au-delà de la représentation des Verts. La PMA pour toutes dont le décret d'application vient de paraître, est un signe de l'influence tangible de cette militance. De Sandrine Rousseau, le très mesuré Pascal Perrineau affirme qu’elle « rompt totalement avec la manière dont les Français, et les Français de gauche, avaient l'habitude de faire société, autour de l'universalisme républicain ».
Une sorte de contrat antisocial.
Pour l’heure, Yannick Jadot doit unifier son propre camp. Car toute primaire divise. Les écologistes s’étaient fracturés en quatre blocs quasi égaux. Au premier tour, avec 27,7 % des voix, Jadot avait devancé de peu Sandrine Rousseau (25,14 %), qualifiée au détriment de l'ex-ministre Delphine Batho (22,32 %), chantre de la « décroissance » et du maire de Grenoble Éric Piolle (22,29 %), porteur d’un « arc humaniste » destiné à rassembler toutes les forces de gauche.
Au second tour, Jadot obtient 51,03% et Sandrine Rousseau 48,97 %. L’eurodéputé de 54 ans peut se féliciter d’avoir fait respecter son statut de favori, ce qui n’est pas si fréquent dans la pétaudière écolo. Ce parti est friand des retournements de situation, ce qui explique aussi la médiatisation de ses rendez-vous. On se souvent de Cécile Duflot battue en 2016 ou de Nicolas Hulot recalé en 2011. Jadot aurait donc toutes les raisons de se montrer triomphaliste. Et pourtant, il n’est que soulagé.
Jadot serait-il un homme du passé ? Il est surtout un homme tout court. Alice Coffin, porte-parole de Sandrine Rousseau, y voyait une raison suffisante pour qu’il se retirât de la course : « Je lui ai dit, répond-elle à Libération, que c'était contraire à ses combats et ses discours que d'être un obstacle à une candidature féministe à la présidentielle alors qu'un mouvement est en train de se créer dans le pays [...]. Ce n'est pas une agression, mais si on est vraiment féministe, on laisse la place. »
Jadot tint bon. Mais si on lui dit de laisser la place, c’est que le coup d’État symbolique est dans les têtes. Cette élection illustre la dynamique des positions extrémistes. Pas seulement parce qu’une primaire excite toujours les plus convaincus. Sandrine Rousseau surgit comme l’égérie d’une cause qui dépasse son parti : « On avait rien à perdre, et on perd à un point et demi : il y a quelque chose d'un début de victoire culturelle », souligne Elen Debost, une proche de la candidate.
Cette victoire fourbit les armes de la radicalité. Jadot fut même obligé de se situer sur ce terrain : « La vraie radicalité, c'est de rassembler », déclarait-il lors de son dernier meeting avant le second tour. Une belle phrase creuse. Au même moment, sa rivale « éco-féministe » estimait sur Mediapart que « la radicalité fait gagner ». Et elle ne lâchera rien pour se prémunir aussi du risque d’être lâchée par son parti, comme Ségolène Royal ou Benoit Hamon au PS.
Tous les candidats à la primaire jurèrent qu'ils se conformeraient à son résultat. Malgré cela, Sandrine Rousseau maintient la pression en indiquant qu’elle appellerait à voter pour le candidat des Verts seulement s'il se montre « capable d'entendre le mouvement qu'il y a derrière » elle. « Les courbes étaient en train de se croiser », ajouta l’économiste, persuadée qu’elle aurait gagné si le scrutin s'était prolongé.
Cette radicalité laisse perplexe car la participation était forte : 122670 inscrits à ce scrutin en ligne et 104000 voix exprimées. À l’échelle du pays, c’est peu. Mais quel parti politique, RN inclus, serait capable à ce jour de mobiliser ainsi ? Et autour d’une vision subversive, qui pis est : « Quand je dis que "oui, les riches doivent devenir moins riches, dans une société de transformation écologique", il faut assumer ça ». Les riches, ce ne sont pas les quelques Arnault et Bolloré que la France compte encore, mais les classes moyennes, majoritairement blanches, dont elle veut diminuer le train de vie. Son idéologie woke promet de s'inspirer du racisme à l'envers. Son avenir radieux serait-il celui de la nouvelle Afrique du Sud ?
Sur le fond, Rousseau et Jadot ne sont pas si différents. L'eurodéputé propose la création de 300000 emplois aidés dans les secteurs d'avenir, alors que sa rivale veut réduire le temps de travail à quatre jours par semaine… Au-delà de la comédie des tendances à laquelle une primaire se résume, il y a une radicalité décomplexée qui s'affirme dans l'écoféminisme. Ses préceptes inséminent une partie de la société, notamment de la jeunesse y compris des beaux quartiers, bien au-delà de la représentation des Verts. La PMA pour toutes dont le décret d'application vient de paraître, est un signe de l'influence tangible de cette militance. De Sandrine Rousseau, le très mesuré Pascal Perrineau affirme qu’elle « rompt totalement avec la manière dont les Français, et les Français de gauche, avaient l'habitude de faire société, autour de l'universalisme républicain ».
Une sorte de contrat antisocial.