La révolte des pêcheurs français condamnés à rester à quai
Après les agriculteurs (cf. LSDJ n° 2100) et les apiculteurs (cf. LSDJ n°2105), les pêcheurs ! Depuis le 22 janvier, 450 navires de pêche français de plus de 8 mètres de long ont interdiction de pêcher sur toute la façade atlantique française jusqu'au 20 février, pour protéger les dauphins. Cette interdiction résulte du plan d'action pour « la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d'une pêche durable et résiliente » présenté par la Commission européenne le 21 février 2023. Ce plan, assorti d'une interdiction progressive du chalutage de fond dans toutes les aires marines protégées entre 2024 et 2030, révolte les professionnels de la pêche : pêcheurs, grossistes, mareyeurs (France Bleu Loire Océan, 11 février). Mis à exécution par le gouvernement français et durci par un arrêt du Conseil d'État (23 décembre 2023) sous la pression des associations écologistes, ce mois sans pêche dans le golfe de Gascogne est un véritable coup de poignard pour les professionnels de la pêche qui subissent déjà, comme les paysans, la hausse des prix pétroliers, la concurrence organisée par l'Union européenne et les « prix d'appel » de la grande distribution qui incitent les consommateurs français à se détourner de la pêche française. Résultat : 84 % des produits de la mer consommés en France sont importés, un désastre économique doublé d'une aberration écologique, beaucoup d'importations venant de contrées lointaines.
L'interdiction en cours paraît d'autant plus révoltante à ces marins-pêcheurs qu'il venaient d'équiper leurs bateaux de balises destinées à éloigner dauphins et marsouins. Quant à l'indemnisation (partielle) promise le 1er février au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, elle attend le « feu vert » de l'Union Européenne. Elle aurait dû, selon la promesse du ministre, être versée le 5 février… Ne voyant rien venir, le CNPMEM demande à présent l'intervention du Premier ministre pour que Bruxelles valide le plan d'indemnisation français, rapporte Ouest-France (6 février).
Succédant à d'autres indemnisations promises mais restées en souffrance, ce retard place les patrons-pêcheurs dans des situations financières inextricables. Où trouver l'argent pour faire des avances aux équipages ? En outre, soulignait le 5 février José Jouneau, président du comité régional des pêches maritimes (COREPREM), « ce n'est pas l'argent public qui va calmer tout le monde. Il y en a ras le bol de passer pour des assistés. On dévalorise le métier même des gens qui travaillent. » Il avait pour auditeurs attentifs le député européen François-Xavier Bellamy (LR), membre de la commission pêche au Parlement européen et ardent défenseur des pêcheurs français à Bruxelles, et le sénateur de la Vendée Bruno Retailleau (LR). Ils avaient répondu, ce 5 février, à l'invitation de Yannick Moreau, maire des Sables-d'Olonne et président de l'Association nationale des élus des littoraux (ANEL) pour dialoguer avec des pêcheurs de la région Pays de la Loire, rencontre résumée par Boulevard Voltaire (5 février).
François-Xavier Bellamy dénonce la « mise en danger de toute une filière pour une espèce qui n'est même pas en décrue. » On a certes trouvé des cadavres de dauphins et de marsouins échoués sur les plages, mais le Conseil international pour l'exploration de la mer (Ciem) ne signale pas de baisse des populations de dauphins en Atlantique Nord Est, la fourchette de mortalité due aux prises accidentelles étant de 0,53 % à 1,57 % dans la mer Celtique et le golfe de Gascogne. « Ce ne sont pas les dauphins, mais les pêcheurs qui disparaissent. Cela fait 30 ans que j'assiste à l'euthanasie de la pêche en Vendée » abonde Bruno Retailleau. Le sénateur LR pointe le travail de sape de ces « ONG très introduites au Parlement européen », mais accuse aussi de passivité Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui, lors des négociations sur les quotas, « moment le plus crucial pour l'avenir de nos pêcheurs, se pose quelques heures à Bruxelles et repart sans soutenir sa filière alors que c'est son job ! » En outre, ajoute Bruno Retailleau, « il n'a pas produit d'argumentation au Conseil d'État et n'a pas daigné se déplacer au moment de l'audience » au terme de laquelle 450 chalutiers français ont été bannis pour un mois du golfe de Gascogne. Il faut réagir : « Il est encore temps de sauver la pêche » assure Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, dans une tribune publiée par le site Mediabask (11 février, en lien ci-dessous).