Le revirement de l'Union européenne sur l'immigration et l'exemple du Danemark
L'annonce est venue de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen : la Commission va proposer une nouvelle législation pour favoriser les expulsions de migrants en situation irrégulière. « La Commission présentera une nouvelle proposition de législation » comprenant des « obligations claires de coopération pour les personnes renvoyées », afin de « rationaliser efficacement le processus de retour », écrit la présidente de la Commission dans une lettre adressée aux vingt-sept États membres, le 14 octobre. Elle relève qu'en moyenne moins de 20 % des décisions d'expulsion de migrants en situation irrégulière dans un pays membre de l'UE sont suivies d'effet, et promet une coopération renforcée avec les pays tiers concernés, ainsi que le durcissement de l'octroi de visas à des pays récalcitrants. « Nous avons besoin d'un nouveau cadre législatif pour renforcer notre capacité d'agir », a encore expliqué la présidente de la Commission dans cette lettre (Francetvinfo, 14 octobre).
Ce revirement spectaculaire répond à la demande de plusieurs pays de l'Union européenne, eux-mêmes sous pression de leurs populations. On a pu le vérifier quelques jours plus tard, lors du sommet européen qui s'est tenu à Bruxelles (17 octobre). À cette occasion, les chefs des vingt-sept États membres « se sont montrés largement favorables […] à l'instauration d'une loi "en urgence" visant à "accélérer" les expulsions concernant les migrants en situation irrégulière », rapporte CNews (17 octobre). Ce n'est pas du goût de Mediapart (18 octobre) pour qui « l'extrême droite a confisqué l'agenda du sommet européen ». Constatant que les « débats sur l'immigration réclamés par l'Italie, la Hongrie ou la Pologne ont dominé le sommet européen jeudi à Bruxelles », Mediapart y voit une « confirmation du glissement toujours plus à droite des équilibres du Conseil ».
Rappelons que le Conseil européen réunit les chefs d'État ou chefs de gouvernement des vingt-sept États membres de l'Union européenne. Peut-on leur reprocher de prêter l'oreille aux appels pressants de leurs concitoyens à une régulation de l'immigration ? Les premiers ministres d'Italie ou de Hongrie ne sont plus du tout isolés sur ce registre. « Le revirement de l'Allemagne à la rentrée a accéléré ce changement de paradigme », explique le Figaro (16 octobre). « La réintroduction de contrôles aux frontières et l'expulsion de demandeurs d'asiles [...] décidées par Olaf Scholz, sans prévenir ses partenaires, après l'attentat à l'arme blanche de Solingen, fin août, ont créé un choc. » La Croix (15 octobre) souligne elle aussi que la Pologne du Premier ministre libéral Donald Tusk a exigé dans la foulée la « suspension temporaire du droit d'asile pour les migrants irréguliers ». Alors que l'Union européenne a adopté en mai dernier un Pacte sur l'asile et la migration pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l'UE qui devait entrer en vigueur à l'été 2026, une quinzaine d'États européens le jugent trop mou. Ils ont adressé fin mai une lettre à la Commission européenne pour lui demander d'explorer « de nouvelles solutions ». Or, relève encore la Croix, « tous les signataires sont loin d'être dirigés par l'extrême droite : parmi eux se trouve par exemple le Danemark, au gouvernement social-démocrate… »
L'exemple du Danemark est particulièrement instructif. C'est le gouvernement de centre gauche danois qui a ouvert la voie, il y a déjà six ans, au durcissement de l'accueil des migrants, rappelle l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF, 17 octobre). La Première ministre Mette Frederiksen est massivement soutenue par son peuple qui réclame un arrêt de l'immigration, constate le journal britannique The Spectator (voir l'article en lien). C'est son engagement sur cette voie qui lui a permis de rester au pouvoir. L'extrême droite, le « Parti du peuple danois », a quasiment disparu de la scène politique – passant de 21 % des voix en 2015 à 2,6 % en 2022.
Copenhague publie régulièrement des statistiques pour démontrer le bien-fondé de sa politique. Par exemple, que les crimes violents commis par des immigrés du Moyen-Orient sont 7 fois au-dessus de la moyenne danoise. Concernant l'assimilation, la loi « anti-ghetto » impose aux municipalités un plafond de 40 % de logements sociaux – pour éviter la concentration de populations immigrées « non occidentales » dans un même quartier. C'est cette loi qui est la cible d'une plainte auprès de la Cour de justice européenne à Luxembourg : une douzaine d'habitants de Copenhague – soutenus par des ONG comme l'Open Society de George Soros – s'estiment discriminés. Car cette loi les oblige à déménager pour chercher un nouveau logement social ailleurs... D'autre part, tous ceux à qui l'on refuse une demande d'asile sont envoyés dans un centre de détention à deux heures de la capitale et l'immigration légale est soumise à un salaire annuel minimum de 50 000 euros. La Première ministre l'a déclaré sans ambages : sans cette politique, c'est le généreux modèle social danois qui courrait à sa perte…