Référendum en Irlande : le peuple irlandais rejette le progressisme de ses élites
Cela devait passer « comme une lettre à la poste »… Le Premier Ministre irlandais, Leo Varadkar a dû admettre lapidairement que « le gouvernement s'était trompé ». Le référendum du 8 mars dernier proposait une révision de la Constitution, jugée par les élites libérales comme « arriérée et sexiste ». Pour engager la République d'Irlande sur la voie d'une véritable libération – promesse de lendemains enchantés – il fallait débarrasser le pays des traces sexistes qui entachaient sa Constitution. D'abord, redéfinir la famille – toujours liée au mariage. Pour briser ces chaînes insupportables, le gouvernement proposait d'élargir la famille à « toutes autres relations durables »… Presque 68 % des votants ont répondu « Non ». La seconde proposition était de faire disparaître le terme de « mère » pour le remplacer par une référence vague à la « personne en charge ». 74 % des votants ont là aussi rejeté l'amendement proposé. Et la participation de 44 % des électeurs était plutôt élevée par rapport aux moyennes irlandaises !
Tout avait été fait pour que le référendum se transforme en triomphe libéral. Organisé très rapidement, donc sans donner d'espace aux débats civiques et philosophiques, il a eu lieu le jour même de la « Journée internationale des femmes ». Tous les grands partis du pays, de la coalition gouvernementale comme de l'opposition, soutenaient le projet que portaient aussi les riches ONG internationalistes et que recommandait la Commission des Droits de l'Homme irlandaise. Les sondages prédisaient une victoire facile, dans la lignée de l'acception du mariage homosexuel (2015) et de la légalisation de l'avortement (2018). Les élites de Dublin semblaient sonnées par le choc le soir de 8 mars et ont fait apparaître leur amertume, voire leur profond mépris pour les Irlandais. Une sénatrice du Fine Gael (gouvernement) a eu recours à l'habituel « Nous n'avons pas été suffisamment clairs »… La responsable du Sinn Féin (opposition), Mary Lou McDonald a carrément déclaré « Si nous sommes élus, nous reviendrons sur le langage sexiste de la Constitution ». D'autres membres du gouvernement se sont contentés d'assurer que cette anomalie électorale ne remettrait pas en cause la « marche vers l'égalité ».
Les Irlandais avaient parfaitement compris de quoi il retournait selon Theo McDonald qui s'indigne pour UnHerd (voir l'article en lien). Les promoteurs du « Oui » étaient au contraire très confus sur les conséquences d'une telle réforme. Des ministres ont été incapables d'exclure publiquement que la polygamie serait associée aux « relations durables ». L'un d'entre eux a même admis qu'un arrangement bigame pouvait être une « relation durable acceptable ». Aveuglé par les sondages et la forte progression du « progressisme » dans la société irlandaise, le gouvernement comptait sur un « Oui » massif pour lancer le calendrier électoral de 2024 (élections européennes puis locales) sous les meilleurs auspices. La claque est sévère pour les élites dublinoises. À part les riches quartiers « bobos » du sud de la capitale, le reste du pays a massivement voté « Non ». Le comté de Donegal – à la pointe nord-ouest de l'île – a rejeté la nouvelle définition de la famille à 80 % et l'abolition du statut de la « mère » à 83 %... Loin d'être un vote facile, ce référendum a révélé les profondes fractures du pays et une réaction face à l'ultra-libéralisme du pouvoir irlandais.
L'estrade et les préparatifs festifs ont été discrètement démontés. Les abords du Dublin Castle sont restés silencieux, contrairement aux scènes de jubilation lors des votes de 2015 (mariage homosexuel) et de 2018 (légalisation de l'avortement). Il faut dire que la police avait – cette fois – interdit l'entrée sauf aux touristes. Il y a donc des résultats démocratiques qui méritent des festivités, d'autres non… Concernant l'effacement de la référence à la « mère » dans la Constitution, le passage jugé « sexiste » par les partisans du « Oui » précise qu'une « mère ne doit pas être forcée par la nécessité économique à quitter son foyer pour travailler ». Car « l'État reconnaît que par son rôle au foyer, la femme apporte un soutien à l'État sans lequel le bien commun ne peut être atteint ». C'est là en effet insupportable pour les libéraux : nul ne doit faire obstacle à la domination de l'économie sur la société, surtout pas la maternité. Qui est pour les plus « éveillés » des progressistes une tare de la nature…