International
Réactions russes face à la contre-offensive ukrainienne
Depuis le succès inattendu de la contre-offensive ukrainienne actuellement en cours dans la région de Kharkiv, de nombreux commentateurs occidentaux se demandent si la dynamique de la guerre en Ukraine aurait changé de manière décisive en faveur de Kyiv. Certains parlent ouvertement du plus grand revers militaire subi par les troupes russes depuis 1943, y voyant le deuxième échec opérationnel majeur de la part de la Fédération (après la tentative bâclée de prendre la capitale ukrainienne au début de la guerre). Effectivement trompée par les annonces d'une grande contre-offensive ukrainienne ciblant Kherson, l’armée russe avait envoyé quelques-unes de ses unités les plus performantes au sud du pays, fragilisant ses défenses autour de Kharkiv dans le nord-est, où les ukrainiens ont réalisé une percée assez spectaculaire. D'autres analystes ont été plus circonspects dans leur lecture de la situation actuelle, craignant que les difficultés rencontrées en ce moment par les forces russes n'incitent Vladimir Poutine à intensifier le conflit. Notamment en engageant des armements non encore utilisés, dont des armes nucléaires tactiques.
La variété des réactions russes face aux derniers événements au front a été particulièrement intéressante à observer. La position officielle reste bien évidemment inchangée : lors d'un récent entretien pour BFM TV, le porte-parole de l'ambassade russe Alexandre Makogonov a (sans surprise) qualifié le retrait des forces russes de la région de Kharkiv de « regroupement tactique », parlant d’un « petit recul » dont la gravité a été gonflée hors de toute proportion par les responsables ukrainiens. Soutenant que le soutien à la guerre reste stable en Russie (à 75-80%), Makogonov a réaffirmé les objectifs de « démilitarisation » et de « dénazification » de l'Ukraine, soulignant (en citant Poutine) que « la Russie n'a encore rien commencé de sérieux ».
Les diplomates tels que Makogonov n'ont toutefois pas pu masquer les critiques croissantes de la campagne militaire à l'intérieur de la Russie. L'exemple le plus frappant est sans doute l'appel lancé par 65-70 députés municipaux de Moscou, de Saint-Pétersbourg et d'autres régions pour demander la démission de Poutine, jugeant ses actions préjudiciables à l'avenir de la Russie. D'autres voix n'accusent pas directement le président mais restent très critiques envers les opérations en Ukraine. Lors d'un débat télévisé animé par le célèbre propagandiste Vladimir Solovyov, dont des extraits ont été diffusé au niveau international par le service Russian Media Monitor, l'ancien député d'État Boris Nadezhdin a appelé de manière provocante la Russie à s'engager dans des négociations. Estimant que Poutine a été induit en erreur en croyant que l'Ukraine se rendrait rapidement, Nadezhdin a dit qu'il serait désormais impossible pour la Russie de gagner en appliquant des « méthodes de guerre coloniales ».
Nadezhdin a été violemment repris par d'autres participants sur le plateau et ridiculisé par Solovyov lui-même. Des propos dissidents ne sont pourtant pas seulement venus de ceux qui sont favorables à la paix mais aussi d’ultra-nationalistes très mécontents du progrès sur le terrain. Le très suivi Igor Girkin (nom militaire Strelkov), qui a revendiqué le lancement des opérations séparatistes russes dans le Donbass en 2014, a comparé les revers actuels à la défaite des forces tsaristes à Mukden en 1905 devant les Japo. Accusant le Kremlin d’habiter la « planète des poneys roses », Girkin, comme d'autres partisans de la ligne dure tels que le leader du parti communiste Gennadi Zhuganov, préconise la loi martiale et la mobilisation. Le président tchétchène Ramzan Kadyrov s'est montré tout aussi combatif dans sa réponse à la contre-offensive ukrainienne sur sa chaîne Telegram le 11 septembre :
« Moi, Ramzan Kadyrov, affirme officiellement que toutes ces villes seront reprises. Nos combattants s'y trouvent déjà et ils sont spécialement préparés pour ce travail [...]. Une bonne dizaine de milliers d'autres sont prêts à les rejoindre. Nous irons jusqu'à Odessa, vous verrez très vite des résultats concrets. »
Trois jours plus tard, le site kavkaz.realii (la branche caucasienne de Radio Free Europe) a obtenu un document détaillant un projet de résolution pour la mobilisation à partir du 1er octobre des hommes tchétchènes nés entre 1995 et 2004.
Pour l’instant, le Kremlin n'envisage pas officiellement la mobilisation générale – considérée par beaucoup comme potentiellement impopulaire et peu efficace, étant donné qu’il manque les centres de formation et les équipements militaires pour rendre les conscrits opérationnels. Pour l'heure, il semble plus probable que la Russie étendra ses opérations contre les infrastructures civiles, comme semblent annoncer les attaques du 11 septembre contre les centrales électriques ukrainiennes. Des actions contre les cibles énergétiques explicitement réclamées par Margarita Simonyan de Russia Today dans l'émission de Solovyov et sur sa propre chaîne Telegram – frappes considérées comme des crimes de guerre par la loi internationale.
La variété des réactions russes face aux derniers événements au front a été particulièrement intéressante à observer. La position officielle reste bien évidemment inchangée : lors d'un récent entretien pour BFM TV, le porte-parole de l'ambassade russe Alexandre Makogonov a (sans surprise) qualifié le retrait des forces russes de la région de Kharkiv de « regroupement tactique », parlant d’un « petit recul » dont la gravité a été gonflée hors de toute proportion par les responsables ukrainiens. Soutenant que le soutien à la guerre reste stable en Russie (à 75-80%), Makogonov a réaffirmé les objectifs de « démilitarisation » et de « dénazification » de l'Ukraine, soulignant (en citant Poutine) que « la Russie n'a encore rien commencé de sérieux ».
Les diplomates tels que Makogonov n'ont toutefois pas pu masquer les critiques croissantes de la campagne militaire à l'intérieur de la Russie. L'exemple le plus frappant est sans doute l'appel lancé par 65-70 députés municipaux de Moscou, de Saint-Pétersbourg et d'autres régions pour demander la démission de Poutine, jugeant ses actions préjudiciables à l'avenir de la Russie. D'autres voix n'accusent pas directement le président mais restent très critiques envers les opérations en Ukraine. Lors d'un débat télévisé animé par le célèbre propagandiste Vladimir Solovyov, dont des extraits ont été diffusé au niveau international par le service Russian Media Monitor, l'ancien député d'État Boris Nadezhdin a appelé de manière provocante la Russie à s'engager dans des négociations. Estimant que Poutine a été induit en erreur en croyant que l'Ukraine se rendrait rapidement, Nadezhdin a dit qu'il serait désormais impossible pour la Russie de gagner en appliquant des « méthodes de guerre coloniales ».
Nadezhdin a été violemment repris par d'autres participants sur le plateau et ridiculisé par Solovyov lui-même. Des propos dissidents ne sont pourtant pas seulement venus de ceux qui sont favorables à la paix mais aussi d’ultra-nationalistes très mécontents du progrès sur le terrain. Le très suivi Igor Girkin (nom militaire Strelkov), qui a revendiqué le lancement des opérations séparatistes russes dans le Donbass en 2014, a comparé les revers actuels à la défaite des forces tsaristes à Mukden en 1905 devant les Japo. Accusant le Kremlin d’habiter la « planète des poneys roses », Girkin, comme d'autres partisans de la ligne dure tels que le leader du parti communiste Gennadi Zhuganov, préconise la loi martiale et la mobilisation. Le président tchétchène Ramzan Kadyrov s'est montré tout aussi combatif dans sa réponse à la contre-offensive ukrainienne sur sa chaîne Telegram le 11 septembre :
« Moi, Ramzan Kadyrov, affirme officiellement que toutes ces villes seront reprises. Nos combattants s'y trouvent déjà et ils sont spécialement préparés pour ce travail [...]. Une bonne dizaine de milliers d'autres sont prêts à les rejoindre. Nous irons jusqu'à Odessa, vous verrez très vite des résultats concrets. »
Trois jours plus tard, le site kavkaz.realii (la branche caucasienne de Radio Free Europe) a obtenu un document détaillant un projet de résolution pour la mobilisation à partir du 1er octobre des hommes tchétchènes nés entre 1995 et 2004.
Pour l’instant, le Kremlin n'envisage pas officiellement la mobilisation générale – considérée par beaucoup comme potentiellement impopulaire et peu efficace, étant donné qu’il manque les centres de formation et les équipements militaires pour rendre les conscrits opérationnels. Pour l'heure, il semble plus probable que la Russie étendra ses opérations contre les infrastructures civiles, comme semblent annoncer les attaques du 11 septembre contre les centrales électriques ukrainiennes. Des actions contre les cibles énergétiques explicitement réclamées par Margarita Simonyan de Russia Today dans l'émission de Solovyov et sur sa propre chaîne Telegram – frappes considérées comme des crimes de guerre par la loi internationale.