Qui est Liz Truss, nouvelle « dame de fer » britannique ?
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Qui est Liz Truss, nouvelle « dame de fer » britannique ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°1689, Publiée le 12/09/2022
Qui est Liz Truss, la troisième femme après Margaret Thatcher (1979-1990) et Teresa May (2016-2019) à devenir Première Ministre britannique, élue par les membres du Parti conservateur au second tour contre l'ancien ministre des Finances Rishi Sunak et dont la réception officielle a été le dernier acte public de la Reine Elizabeth II ? Partisane affichée du libre-échange et de la réduction des impôts, capable à l'occasion de s’habiller exprès comme la « dame de fer », des comparaisons ont inévitablement été faites entre Truss et sa « Première Ministre préférée ». Mais que devrions-nous réellement attendre de la part de celle qui succède au flamboyant Boris Johnson, destitué au mois de juillet suite au scandale du « Partygate » autour du non-respect par « Bojo » des restrictions sanitaires qu'il avait lui-même imposées à l’Angleterre pendant la pandémie ?

Ironiquement, le background de Liz Truss, née en 1975 et élevée par des activistes de gauche, n’est pas celui d’une « true blue » conservatrice classique. Opposée comme ses parents au thatchérisme pendant sa jeunesse, elle a commencé son activité politique à Oxford en tant que libérale-démocrate (elle aurait même fait un discours à la conférence annuelle des libéraux-démocrates en 1994 appelant à l'abolition de la monarchie) avant de rejoindre le parti conservateur en 1996, dont on considère actuellement qu’elle représente l’aile droite. Entre 2014 et son élection comme Première ministre, Truss a occupé plusieurs postes gouvernementaux, notamment celui de ministre de l'Éducation (2012), de secrétaire au Commerce international (2019-2021) et, plus récemment, de secrétaire aux Affaires étrangères (2021-2022).

Malgré cette expérience politique considérable, Liz Truss se trouve confrontée à des défis majeurs. En commençant par la question de sa légitimité à la fois auprès des députés conservateurs (qui avaient majoritairement voté en faveur de Sunak) et d'un électorat britannique qui, selon les sondages, soutiendrait actuellement le parti travailliste de Keir Starmer. Cependant, le challenge le plus évident pour le gouvernement de Truss concerne l’économie, où se profile une triple menace : la perspective imminente d’une récession, un taux d’inflation historiquement élevé et surtout une crise énergétique jamais vue. Ses premières mesures officielles, annoncées au Parlement quelques heures avant le décès de la Reine, ont donc logiquement concerné la question brûlante des prix de l'énergie. Truss a promis de limiter la facture énergétique du ménage britannique moyen à 2 500£ par an, chiffre garanti pour les deux prochaines années, au lieu d’appliquer le plafond de 3 549£ stipulé par l'agence Ofgem en fonction des prix du marché, censé entrer en vigueur le 1er octobre (hausse brutale, le chiffre ayant été de 1 277£ avant le 1er avril). Dans ses grandes lignes, cette proposition du gouvernement correspond à un consensus entre conservateurs et travaillistes face à une « pauvreté énergétique » croissante et potentiellement dévastatrice qui plane sur la population ainsi que les entreprises britanniques. Les deux partis sont pourtant en désaccord sur la manière de financer cette mesure, dont on estime le coût à 150 milliards de livres. Les travaillistes ont proposé de taxer les entreprises du secteur de l'énergie qui ont réalisé de très importants bénéfices depuis que l'invasion de l'Ukraine en février a provoqué une hausse spectaculaire des prix. Liz Truss a choisi de ne pas appliquer de telles taxes, les jugeant préjudiciables aux investissements ; le gel des prix sera donc financé par des emprunts d’État. L'application d'une telle stratégie de la part d'une inconditionnelle du libre-échange peut surprendre, mais la justification des emprunts comme élément du « Trussonomics » est qu'ils seraient à la fois le meilleur moyen de stimuler la croissance et de faire face à l'inflation galopante.

En termes de politique étrangère, Liz Truss s'est fait connaître en tant que ministre pour ses propos combatifs non seulement envers la Russie (à Moscou, Sergei Lavrov et Dimitri Peskov ont accueilli sa nomination très froidement) mais aussi la Chine, qualifiant notamment de « génocide » ses actions contre les Ouïgours du Xinjiang et traitant l'Empire du Milieu de « menace », paroles impensables à l’époque d’or des relations sino-britanniques sous David Cameron (2010-2016). En ce qui concerne l'Europe, Mme Truss a d'abord voté contre le Brexit, mais s'est ensuite ralliée à la ligne dure de Boris Johnson, s'opposant à Bruxelles en proposant d'annuler le protocole sur l'Irlande du Nord, une prise de position unilatérale critiquée par l'UE mais aussi par l'« Irlandais » Joe Biden… Quant aux relations franco-britanniques, dans ce qui a été largement perçu comme une gaffe diplomatique, Liz Truss a répondu de manière ambiguë, lorsqu'on lui a demandé le 25 août si elle considérait Emmanuel Macron comme un ami ou un ennemi : « Le jury est toujours en train de délibérer. [...] Si je deviens Première ministre, je le jugerai sur ses actes et pas sur ses mots ».

Image : Wikimedia https://www.nationalarchives.gov.uk/doc/open-government-licence/version/3/
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