International
Que faire des djihadistes de Daech expulsés par les Turcs ?
C’est un cadeau empoisonné que les autorités turques sont manifestement ravies de nous adresser… Le ministre de l'Intérieur turc ne dissimulait pas sa jubilation en l’annonçant, le 8 novembre : « Nous disons aux Européens : nous allons vous renvoyer les membres de l'État islamique que nous détenons. (...) Ce ne sont pas nos ressortissants, ce sont les vôtres que vous les ayez déchus ou non de leur nationalité. Nous ne sommes pas un hôtel pour les membres de Daech. » Le message est clair : accusés d’avoir laissé leur frontière poreuse aux djihadistes partis se battre en Syrie, et à présent d’utiliser des combattants islamistes comme supplétifs contre les Kurdes, les Turcs rappellent aux Occidentaux que nombre de ces islamistes sont leurs ressortissants et qu’ils les ont laissés filer. Entre 1 200 et 2 500 membres de Daech (djihadistes ou « activistes ») seraient détenus par les Turcs, dont 287 échappés de camps tenus par les Kurdes en Syrie, à la faveur de l'offensive d'Ankara contre ces derniers. 25 de ces djihadistes font d’ores et déjà l'objet d'une procédure d'expulsion de Turquie. Parmi eux, onze Français, quatre femmes radicalisées (sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour terrorisme) et leurs sept enfants, tous expulsés le 11 novembre.
Si la mise en scène turque a focalisé l’attention sur ces dernières expulsions, bien d’autres djihadistes et leurs familles les ont précédés, rapatriés dans la plus grande discrétion. Au terme d'un accord négocié entre la France et la Turquie en 2014, ces islamistes et membres de leurs familles sont escortés par des policiers français à bord de lignes régulières, arrêtés à la descente d'avion et pris en charge par la DGSI, le renseignement intérieur. Les enfants sont confiés à l'Aide sociale à l'enfance, le temps qu'un juge pour les enfants se prononce.
Juger en France des djihadistes de nationalité française ayant rejoint Daech est une revendication de nombreuses familles de victimes des attentats. Elles et leurs avocats sont rejoints par des magistrats engagés dans la lutte contre le terrorisme. Mais, en France comme ailleurs en Europe, l’opinion publique et les autorités n’y sont pas favorables, à cause du risque de récidive en cas de fuite ou de sortie de prison. Ces réticences expliquent aussi la pression mise par les Turcs sur les États occidentaux pour qu’ils récupèrent leurs ressortissants. On estime qu’environ 400 djihadistes français seraient détenus en Syrie et pourraient profiter de l’offensive turque pour s’échapper. Et il y aurait déjà entre 1 500 et 2 500 « revenants » en Europe.
La France a-t-elle d’autres choix que de juger elle-même les djihadistes de nationalité française ? Difficilement, estime Nicolas Bauer, chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ) et doctorant en droit à l’université de Strasbourg dans cette tribune du Figaro (en lien ci-dessous). On ne peut refuser leur retour qu’après les avoir déchus de leur nationalité. Encore faut-il pour cela qu’ils aient une autre nationalité pour ne pas devenir des apatrides : c’est la condition qu’exigent les conventions internationales. Jusqu’à présent, seul le Royaume-Uni a osé déchoir de leur nationalité nombre de ses djihadistes en présentant qu’il existe des « motifs raisonnables permettant de penser » que la personne peut acquérir une autre nationalité. C’est, remarque Nicolas Bauer, interpréter le droit international « avec souplesse » … Peut-être le Brexit permettra-t-il au Royaume Uni de garder cette ligne. Mais pour les pays membres de l’UE, la déchéance de nationalité ne résoudrait rien si les frontières extérieures de l’Europe n’étaient pas renforcées et, s’agissant au moins de la France, sans l’application aux condamnés du principe de la rétention de sûreté et de suivi socio-médico-judiciaire, en vigueur pour les criminels sexuels.
Si la mise en scène turque a focalisé l’attention sur ces dernières expulsions, bien d’autres djihadistes et leurs familles les ont précédés, rapatriés dans la plus grande discrétion. Au terme d'un accord négocié entre la France et la Turquie en 2014, ces islamistes et membres de leurs familles sont escortés par des policiers français à bord de lignes régulières, arrêtés à la descente d'avion et pris en charge par la DGSI, le renseignement intérieur. Les enfants sont confiés à l'Aide sociale à l'enfance, le temps qu'un juge pour les enfants se prononce.
Juger en France des djihadistes de nationalité française ayant rejoint Daech est une revendication de nombreuses familles de victimes des attentats. Elles et leurs avocats sont rejoints par des magistrats engagés dans la lutte contre le terrorisme. Mais, en France comme ailleurs en Europe, l’opinion publique et les autorités n’y sont pas favorables, à cause du risque de récidive en cas de fuite ou de sortie de prison. Ces réticences expliquent aussi la pression mise par les Turcs sur les États occidentaux pour qu’ils récupèrent leurs ressortissants. On estime qu’environ 400 djihadistes français seraient détenus en Syrie et pourraient profiter de l’offensive turque pour s’échapper. Et il y aurait déjà entre 1 500 et 2 500 « revenants » en Europe.
La France a-t-elle d’autres choix que de juger elle-même les djihadistes de nationalité française ? Difficilement, estime Nicolas Bauer, chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ) et doctorant en droit à l’université de Strasbourg dans cette tribune du Figaro (en lien ci-dessous). On ne peut refuser leur retour qu’après les avoir déchus de leur nationalité. Encore faut-il pour cela qu’ils aient une autre nationalité pour ne pas devenir des apatrides : c’est la condition qu’exigent les conventions internationales. Jusqu’à présent, seul le Royaume-Uni a osé déchoir de leur nationalité nombre de ses djihadistes en présentant qu’il existe des « motifs raisonnables permettant de penser » que la personne peut acquérir une autre nationalité. C’est, remarque Nicolas Bauer, interpréter le droit international « avec souplesse » … Peut-être le Brexit permettra-t-il au Royaume Uni de garder cette ligne. Mais pour les pays membres de l’UE, la déchéance de nationalité ne résoudrait rien si les frontières extérieures de l’Europe n’étaient pas renforcées et, s’agissant au moins de la France, sans l’application aux condamnés du principe de la rétention de sûreté et de suivi socio-médico-judiciaire, en vigueur pour les criminels sexuels.