Quand les classes moyennes meurent de désespoir
Économie

Quand les classes moyennes meurent de désespoir

Par Judikael Hirel. Synthèse n°1449, Publiée le 06/12/2021
Cela correspond à un décès toutes les cinq minutes aux États-Unis. Morts du Covid ? Pas du tout : ce sont les chiffres inédits des décès par overdose. Les autorités américaines en ont dénombré plus de 100 000 l'an passé, soit une augmentation de 28,5% par rapport à la même période l'année précédente, notamment du fait des ventes illégales de fentanyl, un puissant opiacé, rendu tristement célèbre par le décès de Michael Jackson.

Pour la première fois depuis le début du XXe siècle, l’espérance de vie baisse aux États-Unis, comme l’ont constaté les économistes Anne Case et son mari Angus Deaton, prix Nobel d’économie 2015. Et les causes n’en sont ni une guerre, ni une pandémie, mais le désespoir des classes moyennes américaines, des moins diplômés, déclassés. La raison : la mondialisation de l’économie, entraînant la disparition de l’emploi industriel qualifié. Cette perte de statut fait que les Blancs non-hispaniques, non diplômés, nés depuis les années 1960, meurent précocement, en milieu de vie, de mort violente due à la drogue, à l’alcool ou au suicide. Ils sont « morts de désespoir », estiment Anne Case et Angus Deaton. À tel point que les décès par overdose, notamment du fait du boom de la consommation d’Oxycontine ou de Fentanyl, sont désormais largement passés devant ceux par armes à feu outre-atlantique. Tout un symbole…

Nous dirigeons-nous vers une situation aussi dramatique dans l’Hexagone, un suicide médicamenteux par désespoir des classes moyennes ? Peut-on faire le parallèle avec la France des Gilets Jaunes ? L'analyse de ces économistes américains recoupe tout autant les constats des derniers livres d’un Eric Zemmour que ceux de Christophe Guilluy, auteur de Fractures françaises. Pour ce géographe, la rupture dans l’Hexagone se fait entre la France périphérique, rassemblant les perdants économiques et culturels du modèle globalisé, et celle des grandes métropoles, regroupant les gagnants de la mondialisation. "On organise une société avec un modèle économique ultra-inégalitaire qui ne bénéficie qu’aux 20?% les plus aisés, expliquait-il récemment dans les colonnes du Figaro. Malheureusement, les classes moyennes et populaires ne sont plus intégrées économiquement et géographiquement ni respectées par le monde politique et le monde culturel. L’essentiel des précepteurs d’opinion considère ces catégories comme des losers, des « déplorables ». "La mortalité par désespoir n’est pas une question de chômage mais de déclassement”, résument parfaitement dans leur ouvrage Angus Deaton et Anne Case.
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“La mortalité par désespoir n’est pas une question de chômage mais de déclassement”
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