International
Présidentielle américaine : Donald Trump devrait-il concéder la défaite au nom de l’intérêt général ?
Le 1er décembre, Quin Hillyer, un éditorialiste du Washington Examiner, a commenté une importante déclaration du Procureur Général, William Barr. Celui-ci assurait ne pas avoir identifié – « à ce stade » – de fraudes suffisamment massives pour renverser les résultats décomptés dans les fameux « swing states » (états pivots). Alors que le Président Trump soutient toujours que des fraudes massives remettent en question l’élection, le journaliste recommande de suivre la voie qui lui semble le mieux servir l’intérêt général : concéder la victoire à Biden pour permettre une transition fluide et éviter d’aggraver la tension vive dans le pays. Il se fait la voix de la frange « légaliste » du Parti Républicain et évoque la tradition du compromis entre les deux grands partis qui se partagent le pouvoir.
La tension est palpable. Certains juristes de l’équipe de Trump vont jusqu’à demander l’application de la loi martiale pour obliger l’examen des plaintes en profondeur et empêcher tout débordement de violence. En l’occurrence, l’Attorney General Barr, ministre de Trump, ne dit pas qu’il n’y a pas eu de fraudes, mais qu’elles sont limitées dans leur impact et exposées à des poursuites civiles plutôt que criminelles. L’éditorialiste du Washington Examiner réclame de ses vœux une concession qui n’empêche pas de futurs procès pour punir les fautifs. En creux, il interprète la déclaration du Procureur Barr comme un signe que les plaintes déposées ne seront pas examinées par la Cour Suprême fédérale, alors que les cours des états visés ont jusqu’à présent refusé de les prendre en compte, pour des motifs procéduriers, et que les échéances sont très proches.
La tradition de compromis est bien ancrée au niveau fédéral et il est rare que la Cour Suprême accepte de passer outre les avis de ses « petites sœurs ». N’oublions pas que le système de gouvernement états-unien repose sur un équilibre fragile lié directement à sa nature fédérale et à l’autonomie laissée aux états pour légiférer et gérer le maintien de l’ordre. La jurisprudence ne va donc pas dans le sens d’une implication directe et décisive de la Cour Suprême. La guerre de Sécession a marqué l’histoire du pays. Donald Trump se démarque de ses prédécesseurs… Il a d’ailleurs régulièrement fait montre de sa volonté de nettoyer le « swamp » (littéralement le « cloaque » de l’état profond), ce qui lui vaut bien des ennemis mais aussi la prise de distance de partenaires qui jugent que poursuivre le combat serait contraire à l’intérêt national.
Quin Hillyer, éditorialiste conservateur, fait justement référence à l’histoire américaine récente et prend l’exemple de Nixon qui concéda sa défaite en 1960 face à Kennedy, alors que des fraudes mafieuses dans l’Illinois et le Texas avaient permis à ce dernier de l’emporter. La raison d’État devait l’emporter… Kennedy est reconnu comme un des présidents ayant le plus marqué de son empreinte le 20ème siècle, avec à son actif, la gestion de la crise cubaine et le lancement du programme spatial. L’Amérique n’a pas perdu au change, finalement, semble dire le journaliste… Il oublie néanmoins la suite des événements historiques. L’étoile Kennedy n’a pas brillé longtemps et s’est éteinte de manière dramatique. Ceux qui l’ont assassiné étaient probablement ceux qui l’avaient fait élire. Les mêmes n’hésiteront pas à éliminer son frère quelques années après. Et Nixon, que Hillyer prend en exemple, amer d’avoir concédé une défaite qu’il savait injuste, se sentira autorisé une fois au pouvoir à espionner ses adversaires (l’affaire du Watergate n’étant qu’une tricherie de cour d’école comparée à l’élection de 1960). Il semble que la référence historique, citée dans l’article auquel on renvoie ci-dessous, devrait plutôt conduire à une conclusion inverse : la concession de 1960 eut des conséquences terribles sur le court-terme et, combinée à la guerre du Vietnam, provoqua une dépression morale et économique dans les années 70.
Contrairement à une idée répandue de ce côté de l’Atlantique, le président américain a des pouvoirs limités, certainement plus que ceux du président français. On connaît l’impétuosité de Trump : a-t-il la volonté de tout faire pour pousser la plus haute autorité judiciaire fédérale à statuer sur les plaintes en inconstitutionnalité des élections contestées, ou va-t-il se retirer du combat pour tenter de revenir en 2024 ? Certains républicains, à l’image de Quin Hillyer, préfèrent préserver l’unité nationale et se concentrer sur d’autres batailles comme les sénatoriales en mettant en avant que l’histoire américaine est pavée d’événements similaires.
Le laisser-faire ne serait-il pas une option plus risquée sur le moyen terme ? Quelle légitimité aurait Joe Biden avec de tels soupçons ? En jetant un voile sur l’étendue des fraudes, la culture du compromis, qui a ses avantages, encourage les fraudeurs à tous les excès. Repousser un combat est rarement une voie vers la victoire.
La tension est palpable. Certains juristes de l’équipe de Trump vont jusqu’à demander l’application de la loi martiale pour obliger l’examen des plaintes en profondeur et empêcher tout débordement de violence. En l’occurrence, l’Attorney General Barr, ministre de Trump, ne dit pas qu’il n’y a pas eu de fraudes, mais qu’elles sont limitées dans leur impact et exposées à des poursuites civiles plutôt que criminelles. L’éditorialiste du Washington Examiner réclame de ses vœux une concession qui n’empêche pas de futurs procès pour punir les fautifs. En creux, il interprète la déclaration du Procureur Barr comme un signe que les plaintes déposées ne seront pas examinées par la Cour Suprême fédérale, alors que les cours des états visés ont jusqu’à présent refusé de les prendre en compte, pour des motifs procéduriers, et que les échéances sont très proches.
La tradition de compromis est bien ancrée au niveau fédéral et il est rare que la Cour Suprême accepte de passer outre les avis de ses « petites sœurs ». N’oublions pas que le système de gouvernement états-unien repose sur un équilibre fragile lié directement à sa nature fédérale et à l’autonomie laissée aux états pour légiférer et gérer le maintien de l’ordre. La jurisprudence ne va donc pas dans le sens d’une implication directe et décisive de la Cour Suprême. La guerre de Sécession a marqué l’histoire du pays. Donald Trump se démarque de ses prédécesseurs… Il a d’ailleurs régulièrement fait montre de sa volonté de nettoyer le « swamp » (littéralement le « cloaque » de l’état profond), ce qui lui vaut bien des ennemis mais aussi la prise de distance de partenaires qui jugent que poursuivre le combat serait contraire à l’intérêt national.
Quin Hillyer, éditorialiste conservateur, fait justement référence à l’histoire américaine récente et prend l’exemple de Nixon qui concéda sa défaite en 1960 face à Kennedy, alors que des fraudes mafieuses dans l’Illinois et le Texas avaient permis à ce dernier de l’emporter. La raison d’État devait l’emporter… Kennedy est reconnu comme un des présidents ayant le plus marqué de son empreinte le 20ème siècle, avec à son actif, la gestion de la crise cubaine et le lancement du programme spatial. L’Amérique n’a pas perdu au change, finalement, semble dire le journaliste… Il oublie néanmoins la suite des événements historiques. L’étoile Kennedy n’a pas brillé longtemps et s’est éteinte de manière dramatique. Ceux qui l’ont assassiné étaient probablement ceux qui l’avaient fait élire. Les mêmes n’hésiteront pas à éliminer son frère quelques années après. Et Nixon, que Hillyer prend en exemple, amer d’avoir concédé une défaite qu’il savait injuste, se sentira autorisé une fois au pouvoir à espionner ses adversaires (l’affaire du Watergate n’étant qu’une tricherie de cour d’école comparée à l’élection de 1960). Il semble que la référence historique, citée dans l’article auquel on renvoie ci-dessous, devrait plutôt conduire à une conclusion inverse : la concession de 1960 eut des conséquences terribles sur le court-terme et, combinée à la guerre du Vietnam, provoqua une dépression morale et économique dans les années 70.
Contrairement à une idée répandue de ce côté de l’Atlantique, le président américain a des pouvoirs limités, certainement plus que ceux du président français. On connaît l’impétuosité de Trump : a-t-il la volonté de tout faire pour pousser la plus haute autorité judiciaire fédérale à statuer sur les plaintes en inconstitutionnalité des élections contestées, ou va-t-il se retirer du combat pour tenter de revenir en 2024 ? Certains républicains, à l’image de Quin Hillyer, préfèrent préserver l’unité nationale et se concentrer sur d’autres batailles comme les sénatoriales en mettant en avant que l’histoire américaine est pavée d’événements similaires.
Le laisser-faire ne serait-il pas une option plus risquée sur le moyen terme ? Quelle légitimité aurait Joe Biden avec de tels soupçons ? En jetant un voile sur l’étendue des fraudes, la culture du compromis, qui a ses avantages, encourage les fraudeurs à tous les excès. Repousser un combat est rarement une voie vers la victoire.