Pourquoi ce silence assourdissant sur les sénatoriales ?
Politique

Pourquoi ce silence assourdissant sur les sénatoriales ?

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1080, Publiée le 29/09/2020
Serait-ce l’effet conjugué de la crise sanitaire et d’un scrutin indirect, complexe pour ne pas dire obscur ? Les médias ont largement fait l’impasse sur les élections sénatoriales de dimanche dernier. Le renouvellement partiel du Sénat (près de la moitié : 172 sièges sur 348) par les grands électeurs a consolidé Les Républicains (LR), premier groupe du Sénat avec 150 élus (dont 79 élus et réélus dimanche dernier, soit 6 de plus). La droite conforte sa majorité (ses alliés centristes perdent 10 de leurs 51 sièges mais pourraient voir des sénateurs élus sous la bannière divers centre les rejoindre), ce qui lui offre un tremplin pour les départementales et régionales de 2021. Le Parti socialiste perd 6 membres, passant de 71 élus à 65, mais reste le deuxième groupe du Sénat. Avec seulement 3 sièges concernés par le renouvellement sur 16, le groupe CRCE (communiste écologiste et citoyen) reste stable (15 membres au lieu de 16). Le groupe radical (RDSE) n’a plus que 12 sièges (contre 24). Les écologistes (EELV) confirment leur (relative) percée aux municipales : passant de 0 à 7 élus, les « Verts » font leur retour au Sénat (comme entre 2012 à 2017). En revanche, La République en Marche (LREM) qui n’avait que 23 sénateurs en perd 4, ce qui confirme la difficulté du parti présidentiel à s’implanter dans les territoires ruraux, et n’est pas de bon augure pour les échéances futures. Quant au Rassemblement national (RN), il conserve son seul sénateur, Stéphane Ravier, heureuse surprise pour celui-ci qui, ayant été battu lors des municipales à Marseille en juin, avait perdu de ce fait nombre de grands électeurs. Le 1er octobre devrait voir sans surprise la réélection du LR Gérard Larcher à la présidence du Sénat pour un quatrième mandat…

Mais pour quoi faire ? À quoi sert donc le Sénat ? Après avoir douté de l’utilité du bicamérisme, les Français semblent reconnaître aujourd’hui qu’il est bon que la démocratie parlementaire dispose de deux assemblées. La Haute-Assemblée, réputée plus conservatrice que l’Assemblée nationale, présente une stabilité rassurante, notamment grâce à la durée de six ans du mandat sénatorial (contre cinq pour le président de la République et pour les députés). Contrairement à leur image quasi proverbiale, les sénateurs « planchent » sur la législation et y déploient une compétence qui s’est tragiquement raréfiée à l’Assemblée. Ils comptent encore dans leurs rangs quelques « figures » politiques (par exemple le chef des file des LR, le sénateur Bruno Retailleau – réélu dimanche dernier avec 70,8 % des voix en Vendée –, le sénateur LR Philippe Bas, ou Claude Malhuret, Président du groupe Les Indépendants - République et Territoires) dont on peine à trouver l’équivalent sur les bancs de l’Assemblée. Les commissions d’enquête sénatoriales sur l’affaire Benalla, la crise des « gilets jaunes », la gestion de la crise sanitaire ou sur la fraude aux prestations sociales, ont mis les sénateurs dans la lumière, et montré qu’ils pouvaient exercer une forme combattive quoique pondérée et trans-partisane de contre-pouvoir (« un travail d’opposition qui ne se laisse aller ni à la connivence ni à l’opposition pavlovienne » selon Bruno Retailleau). Enfin, à l’heure où l’on s’inquiète d’un pouvoir parisien déconnecté d’une « France périphérique », le Sénat regagne en légitimité en tant que représentant des collectivités territoriales.

Reste que le pouvoir du Sénat est fortement limité par la Constitution de la Vème République. S’il peut bloquer toute modification parlementaire de la Constitution et devenir un porte-parole de l’opposition, il ne peut que freiner les lois votées par la majorité de l’Assemblée nationale qui finissent par s’imposer au bout de la « navette » entre les deux chambres. C’est un cas de figure systématique depuis l’instauration du quinquennat qui, en faisant suivre l’élection présidentielle des législatives, supprime la perspective d’une cohabitation permettant à la majorité sénatoriale de se faire entendre de l’Assemblée. Encore faut-il que les sénateurs portent réellement un avis de sagesse sur des lois fondamentales comme par exemple celles de bioéthique (un sujet qui ne semble pas préoccuper outre-mesure le président du Sénat). Cette question de conviction (ou pas), et de courage politique, est évidemment fondamentale. Mais c’est une autre histoire… à suivre !
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