
Pourquoi ce silence assourdissant sur les sénatoriales ?
Mais pour quoi faire ? À quoi sert donc le Sénat ? Après avoir douté de l’utilité du bicamérisme, les Français semblent reconnaître aujourd’hui qu’il est bon que la démocratie parlementaire dispose de deux assemblées. La Haute-Assemblée, réputée plus conservatrice que l’Assemblée nationale, présente une stabilité rassurante, notamment grâce à la durée de six ans du mandat sénatorial (contre cinq pour le président de la République et pour les députés). Contrairement à leur image quasi proverbiale, les sénateurs « planchent » sur la législation et y déploient une compétence qui s’est tragiquement raréfiée à l’Assemblée. Ils comptent encore dans leurs rangs quelques « figures » politiques (par exemple le chef des file des LR, le sénateur Bruno Retailleau – réélu dimanche dernier avec 70,8 % des voix en Vendée –, le sénateur LR Philippe Bas, ou Claude Malhuret, Président du groupe Les Indépendants - République et Territoires) dont on peine à trouver l’équivalent sur les bancs de l’Assemblée. Les commissions d’enquête sénatoriales sur l’affaire Benalla, la crise des « gilets jaunes », la gestion de la crise sanitaire ou sur la fraude aux prestations sociales, ont mis les sénateurs dans la lumière, et montré qu’ils pouvaient exercer une forme combattive quoique pondérée et trans-partisane de contre-pouvoir (« un travail d’opposition qui ne se laisse aller ni à la connivence ni à l’opposition pavlovienne » selon Bruno Retailleau). Enfin, à l’heure où l’on s’inquiète d’un pouvoir parisien déconnecté d’une « France périphérique », le Sénat regagne en légitimité en tant que représentant des collectivités territoriales.
Reste que le pouvoir du Sénat est fortement limité par la Constitution de la Vème République. S’il peut bloquer toute modification parlementaire de la Constitution et devenir un porte-parole de l’opposition, il ne peut que freiner les lois votées par la majorité de l’Assemblée nationale qui finissent par s’imposer au bout de la « navette » entre les deux chambres. C’est un cas de figure systématique depuis l’instauration du quinquennat qui, en faisant suivre l’élection présidentielle des législatives, supprime la perspective d’une cohabitation permettant à la majorité sénatoriale de se faire entendre de l’Assemblée. Encore faut-il que les sénateurs portent réellement un avis de sagesse sur des lois fondamentales comme par exemple celles de bioéthique (un sujet qui ne semble pas préoccuper outre-mesure le président du Sénat). Cette question de conviction (ou pas), et de courage politique, est évidemment fondamentale. Mais c’est une autre histoire… à suivre !