Des pluies torrentielles au Sahara font (re)verdir les dunes
La vie renaît au Sahara, l'une des régions les plus désertiques du monde. La NASA a communiqué des images satellite magnifiques (voir notre sélection d'ABC News) qui montrent la spectaculaire apparition de verdure juste après le passage d'un cyclone extratropical dans le nord-ouest de l'Afrique. Les 7 et 8 septembre derniers, des pluies exceptionnelles ont en effet mouillé (voire inondé) des régions normalement désolées. Une large zone allant des confins désertiques du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie et de la Lybie a reçu des torrents d'eau qui ont fait revivre les lits des rivières. Démontrant l'extraordinaire vivacité de la nature, des buissons et des tiges d'arbres sont sortis d'une terre réputée stérile. Le phénomène est connu : d'avril à septembre, la « ceinture de pluie tropicale » de l'hémisphère nord (dont la largeur typique va de l'équateur jusqu'au tropique du Cancer) est active. Il arrive que les pluies aillent plus loin au nord et arrosent le Sahara. Dans ce cas, la nature semble capter avec voracité cette eau et on a déjà vu des dunes se couvrir de fleurs, comme pour vivre un très court et intense printemps…
On dirait une réminiscence du passé : on sait que le Sahara était une région verdoyante et couverte de lacs pendant une période qui n'est pas si ancienne (entre 8 000 et 3 000 ans avant notre ère). Depuis le milieu du XIXe siècle, de nombreuses peintures rupestres et des gravures attestant de cette vie luxuriante ont été découvertes. C'est comme si cette terre de sables et de rochers avait gardé la mémoire d'une vie antérieure. Le plus frappant est de constater que des lacs éphémères se remplissent. Sebkha el Melah est un site du centre algérien étudié de près par la NASA. Grâce aux pluies diluviennes du début septembre, l'eau a recouvert un tiers de cette surface d'ordinaire aride, d'après un relevé satellite du 16 octobre 2024. Un volume de 191 km2 d'eau pour une profondeur allant jusqu'à 2,2 mètres ! Il y a eu des centaines d'épisodes pluvieux depuis 2000 dans cette région, et celui de 2024 est seulement le troisième suffisamment intense pour que l'eau revienne dans le lac. Or, les conséquences s'inscrivent dans la durée : il faut près d'une année de sécheresse totale pour qu'une telle masse d'eau s'évapore. Après les pluies de 2008, le lac ne s'était totalement asséché qu'en 2012.
Les paléoclimatologues estiment majoritairement que ces phénomènes de pluies torrentielles étaient plus fréquents il y a quelques milliers d'années, ce qui expliquerait les traces de luxuriance retrouvées. Les scientifiques parlent de subtiles variations orbitales de la Terre (les cycles de Milankovitch), qui changent l'intensité de la radiation solaire et impactent donc le climat, et, plus spécifiquement ici, la localisation et la puissance des moussons : la ceinture de pluie tropicale atteint des régions plus septentrionales. Le réchauffement de l'Atlantique Nord semble accélérer le phénomène : les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines sont pointées du doigt. La fonte de la calotte glaciaire dans la région de l'Arctique est scrutée avec attention car elle entraîne une montée du niveau de l'océan. Or, là aussi, des découvertes déconcertantes viennent d'être publiées après l'analyse d'échantillons du sous-sol groenlandais prélevés à plus de 2 500 mètres sous la surface. Des fragments de bois (du saule en particulier), des fossiles d'insectes, de mousses et de champignons ont été retrouvés. Il y a 400 000 ans, cette région du Grand Nord était donc couverte d'une toundra. Cette découverte souligne d'un côté qu'il existe des cycles naturels qui bouleversent les paysages et les climats sur le long terme et d'un autre côté que la glace couvrant de larges parts des régions arctiques peut en effet disparaître : la fonte observée depuis deux décennies fait craindre des bouleversements d'autant plus catastrophiques qu'elle semble très rapide.
Environ 4 millions d'Africains ont été affectés par des inondations qui ouvrent aussi des perspectives très positives : le recul du désert et le retour de la vie dans des zones parmi les plus pauvres de la planète. Les scientifiques le reconnaissent eux-mêmes : la connaissance des évolutions climatiques et de leurs conséquences reste très limitée. Le réchauffement gagnant peu à peu la masse des océans, avec l'atténuation des différences entre les masses d'eau et l'affaiblissement des courants, la ceinture de pluie tropicale pourrait repartir vers l'équateur. Les découvertes semblent creuser un puits toujours plus profond vers l'origine de l'humanité et celle de notre planète. Comme les sables n'ont pas toujours recouvert le Sahara, la glace n'a pas toujours caché l'eau arctique ni le sol du Groenland (« terre verte » dans la langue des Vikings, qui s'y sont installés au Xe siècle).