Origines du covid-19 sous la loupe à Washington
Santé

Origines du covid-19 sous la loupe à Washington

Par Peter Bannister. Synthèse n°1846, Publiée le 14/03/2023 - Photo : Ureem2805 / Wikimedia Commons
Au cours des dernières semaines, nous assistons à un retour spectaculaire de l'idée selon laquelle la pandémie du covid-19 serait née d'une fuite à l'Institut de virologie de Wuhan (WIV). Longtemps décriée comme « complotiste » ou l'invention de Donald Trump, l'hypothèse de la fuite de laboratoire fait actuellement l'objet d'une audition du Congrès à Washington (peu commentée en France) sur l'origine du virus, dont la première séance s'est tenue mercredi dernier. Le 10 mars, la Chambre des représentants et le Sénat américains ont voté 419-0 en faveur de la déclassification des informations des services de renseignement sur le sujet. L'attention s'est à nouveau portée sur Anthony Fauci, accusé d'avoir détourné l'attention du public de la possibilité d’une fuite du laboratoire de Wuhan afin d'éviter des questions potentiellement embarrassantes concernant les recherches « gain de fonction » sur les coronavirus des chauves-souris au WIV, menées avec un financement public américain par l'intermédiaire de l'EcoHealth Alliance de Peter Daszak.

Ces soupçons ne sont évidemment pas nouveaux, ayant déjà été évoqués par les sénateurs Rand Paul et Roger Marshall lors d’échanges houleux avec le Dr Fauci, ainsi que par la journaliste australienne Sharri Markson, auteure du livre What Really Happened in Wuhan? (HarperCollins, septembre 2021). Ce qui a donné un nouvel élan au débat, c'est l'évaluation du FBI du 28 février (sur la base de renseignements non encore divulgués), selon laquelle l'hypothèse d'une fuite accidentelle du covid-19 à partir d'un laboratoire était plus probable que celle d'une origine naturelle. Une opinion en accord avec celle du ministère américain de l'Energie émise 2 jours plus tôt.

Parmi les intervenants à l'audition sur les origines du covid-19 figurait l'ancien rédacteur scientifique du New York Times, Nicholas Wade, auteur d'un long essai publié en mai 2021 qui a marqué le début de la réhabilitation de l'hypothèse de la fuite de laboratoire. Soulignant l'existence dans le SARS-CoV2 d'un « site de clivage de la furine » crucial pour l'infection humaine par le virus – facile à créer en laboratoire mais absent dans les coronavirus de chauve-souris, Wade a cité le prix Nobel David Baltimore, ancien président de CalTech, qui regardait ce site de clivage comme une preuve irréfutable (« smoking gun ») de l'origine du virus en laboratoire. Si Baltimore a tempéré son opinion par la suite, le même argument a été avancé par le virologue Robert Redfield, directeur du Centre américain de contrôle des maladies (CDC) au début de la pandémie. Devant la commission du Congrès, Redfield s'est dit inquiété par l’existence du site de clivage de la furine dans le génome du SARS-CoV2 ainsi que par la présence étrange d’un codon d’arginine fréquent chez les humains. Il avait donc insisté auprès d'Anthony Fauci en janvier 2020 sur la nécessité d'étudier la possibilité d'une fuite de laboratoire, mais Fauci aurait exclu Redfield de ses discussions ultérieures avec les chercheurs internationaux en raison de la nécessité de produire un récit unifié des origines (naturelles) du covid-19. Une suppression d’opinions divergentes critiquée par Redfield comme anti-scientifique. Ce récit unifié a été exprimé dans l'article influent « The Proximal Origin of SARS-CoV2 », publié dans Nature Medicine le 17 février 2020; l'hypothèse d’une fuite de laboratoire y est jugée improbable.

L'objectivité de ce papier est pourtant remise en question dans un mémorandum du 5 mars du sous-comité du Congrès sur la pandémie. Tout est une question de timing ici. Citant des courriels du 8 et 12 février 2020 obtenus des National Institutes of Health (NIH), le mémorandum affirme que l'auteur principal de « Proximal Origin », le Dr Kristian Andersen (Scripps Research), a bien été « incité » (prompted) à l'écrire par Fauci, Francis Collins (directeur du NIH) et Jeremy Farrar du Wellcome Trust britannique dans le but de réfuter toute théorie d’une fuite de laboratoire. Les courriels cités contredisent donc l'affirmation ultérieure de Scripps (18 août 2020) selon laquelle le Dr Fauci n'avait pas influencé Andersen et qu'« à tout moment, le Dr Andersen a objectivement pesé toutes les preuves dont il disposait. » Dans son témoignage écrit, Nicholas Wade a également souligné qu'Andersen, ainsi que ses collègues Michael Farzan et Robert Garry (Université de Tulane), avaient d'abord privilégié la piste du laboratoire dans des courriels envoyés le 31 janvier 2020. Ils ont pourtant fait volte-face dans les 3 jours précédant la rédaction de « Proximal Origin » (4 février) suite à leur participation à une conférence téléphonique organisée par Farrar avec Fauci et d'autres spécialistes le 1er février. Wade a fait remarquer que le 21 mai 2020, les docteurs Andersen et Garry ont reçu une subvention de 9 millions de dollars pour leurs recherches, de l'agence du Dr Fauci. Une belle récompense pour services rendus, diraient certains.

Quant à Fauci lui-même, il se dit ouvert à toute hypothèse sur les origines du covid-19, mais tout en soulignant que même un virus « manipulé un peu » en laboratoire serait d'origine naturelle...
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