Origines du covid-19 : un chercheur chinois serait-il passé aux aveux ?
Suite à la publication de notre sélection n°1931 concernant l'Institut de virologie de Wuhan (IVW) comme source possible du Covid-19 et l'implication de l’armée chinoise dans ses recherches, de nouveaux éléments potentiellement convergents ont été apportés par la journaliste et réfugiée chinoise Jennifer Zeng. Le 27 juin, elle a publié un entretien datant de septembre 2021 avec un lanceur d'alerte anonyme ayant parlé en mars-avril 2020 avec Chao Shan, jeune chercheur à Wuhan. Ce dernier lui aurait révélé qu'il avait reçu 4 souches complètes de coronavirus modifiés génétiquement de son supérieur en février 2019 afin de les tester sur des animaux (dont des « souris humanisées ») pour voir dans quelle mesure ces virus pourraient infecter d'autres espèces. Pris par un sentiment de « grande culpabilité » un an plus tard, en voyant les morts au début de la pandémie, Chao Shan aurait contacté le lanceur d’alerte en qualifiant le SARS-CoV2 d’ « arme biologique ».
Selon l’interlocuteur de Jennifer Zeng, Chao Shan aurait été « très ému [...] il disait qu'il avait vu beaucoup de gens mourir, et il se sentait vraiment coupable parce que ces souches venaient de ses mains » (on présume que Chao aurait vu le génome du SARS-CoV2). « Il ne les a pas créées, mais il a aidé […] à les perfectionner [...] pour en faire plus probablement une bonne arme biologique. « Arme biologique », c'est lui qui l'a dit. [...] Le virus lui-même est une arme, c'est le but de cette souche [...] Le virus a été libéré exprès. C'est ce qu'il dit. » Chao Shan aurait aussi exprimé des soupçons en voyant ses collègues virologues participer à des inspections sanitaires dans les hôtels des athlètes aux Jeux militaires mondiaux de Wuhan en octobre 2019, devinant que le véritable objectif était de les infecter pour qu'ils ramènent le virus dans leur pays d'origine.
Si le lanceur d’alerte a contacté Jennifer Zeng en août 2021, c’est qu’il supposait que Chao Shan avait disparu ou avait été réduit au silence, mais il apparaît aujourd'hui que Chao a été promu à Wuhan, devenant même directeur adjoint du laboratoire P4 de l'IVW. Jennifer Zeng a attendu presque 2 ans avant de publier l’entretien à son sujet, pour des raisons qu'elle ne veut pas divulguer, mais qui sont probablement liées à la sécurité de ses sources.
La question cruciale qui se pose, compte tenu du caractère explosif de ces supposés aveux, est celle de la crédibilité de l'interlocuteur de Zeng, qui essaie elle-même de rester prudente dans ses affirmations. S’agit-il d'une conversation réelle avec Chao Shan ou d’une histoire fabriquée ? Une comparaison de son CV et les informations fournies à Jennifer Zeng lors de l’entretien montre que son interlocuteur n’avait que des connaissances assez vagues de son parcours professionnel, se trompant notamment sur son âge. Pour Zeng, cela milite contre l'idée qu’on aurait inventé une histoire au sujet de Chao Shan : un récit fabriqué (à des fins peu claires, étant donné le danger éventuel pour son auteur) aurait probablement été beaucoup mieux construit afin de le rendre convaincant.
Il convient de préciser que, même si les informations citées par Jennifer Zeng proviennent de Chao Shan, l'hypothèse d’une dissémination délibérée du pathogène en tant qu’ « arme biologique » lors des Jeux militaires mondiaux reste très spéculative, étant donné que le chercheur n'a pas participé lui-même aux activités de contrôle sanitaire présumées lors de ces Jeux. Par contre, Chao a bien effectué des expériences sur des souris humanisées ; Research Gate l’identifie comme le co-auteur d’articles scientifiques avec Shi Zheng-Li, la « Batwoman » de Wuhan, le virologue américain Ralph Baric (pionnier des techniques de manipulation génétiques utilisées à l'IVW) et Yan Zhu - l'un des 3 chercheurs cités par le Wall Street Journal comme de possibles « patients zéro » du covid-19. Un lien avec la recherche militaire semble également plausible : de 2015 à 2019 Chao Shan travaillait au laboratoire de Galveston au Texas au sein de l'équipe de Pei Yong-Shi, lui-même associé à des scientifiques de l'armée.
Si les propos de Jennifer Zeng n'ont pas été largement diffusés dans les médias occidentaux, ils ont été très répandus ailleurs, notamment en Israël et surtout par des sources indiennes telles que WION ou le Times of India (le journal anglophone avec la plus grande distribution au monde), sur un ton assez agressif. L'éventuel impact diplomatique sur les relations entre l’Inde et la Chine reste à voir dans un contexte déjà tendu entre les deux géants asiatiques. Quant à Chao Shan lui-même, l’incertitude plane sur son sort suite à la parution des propos qui lui sont attribués. En l'absence d'un démenti formel de la part du chercheur de Wuhan - ou de nouvelles indiquant qu'il a quitté la Chine, il ne serait pas illogique de craindre pour sa vie.