
OQTF, un État schizophrène ?
Depuis quelques années, le sujet des OQTF (obligations de quitter le territoire français) anime le débat public. Le faible taux de réalisation de ces mesures est sans cesse cité pour illustrer ce qui serait un angle mort de la politique migratoire française. L'IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) détaille, dans un rapport d'octobre 2023 (lien en sélection ci-dessous), les mécanismes qui expliquent cette apparente impuissance publique sur la question des expulsions.
Chaque année, l'État vote un budget pour le programme « Asile, Immigration, Intégration ». Ce budget est en hausse constante depuis plusieurs années (+7,3 % entre 2023 et 2024) et représente globalement 2 milliards d'euros par an. Sur ces 2 milliards, presque la moitié (960 millions en 2023) sont versés à des associations. C'est colossal ! En 2015, ce montant était seulement d'environ 10 millions d'euros ! Ces associations (Cimade, France terre d'asile, Utopia 56, Mrap, etc.) s'impliquent principalement auprès des étrangers présents sur le sol français et menacés de reconduction à la frontière. Selon Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'IFRAP, elles militent pour un accueil inconditionnel des migrants par une assistante juridique en multipliant les recours. Ces associations envahissent les préfectures et les tribunaux et ont une réelle efficacité en complexifiant, retardant et paralysant chaque décision d'expulsion ou de reconduction à la frontière.
Parallèlement, l'État consacre seulement 64 millions d'euros pour l'éloignement des migrants en situation irrégulière, chiffre largement insuffisant selon le Sénat. 57 autres millions sont dirigés vers les centres de rétention administrative qui accueillent les étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement. Pourtant, on déplore depuis des années le manque de place et de moyens de ces centres.
Cette différence de financements entre les dispositifs pour l'exécution des OQTF et les associations d'aide aux migrants explique l'absence de résultats du gouvernement. 22 % des OQTF étaient réalisées en 2012 contre 6,9 % en 2022 d'après France Bleu. L'État subventionne ainsi généreusement celles qui le mettent en échec sur un domaine régalien : la politique migratoire. Cela pose aussi la question de l'efficacité de la dépense publique. Les Français seraient-ils en train de financer l'impuissance publique ?
Cette situation étonnante d'un État apparemment schizophrène peut conduire à des drames. En 2008, la famille Mogouchkov est fortement incitée à quitter la Russie en raison de sa dérive salafiste. Elle s'installe alors en France. En 2014, la famille est sur le point d'être expulsée mais des associations (principalement la Cimade) mettent une telle pression, en invoquant la scolarisation des enfants, que la préfecture d'Ille-et-Vilaine fait marche arrière. En 2018, le père de famille est finalement expulsé mais revient en France dès l'année suivante. En 2019, l'un des fils est impliqué dans un projet d'attentat contre l'Élysée. Le 13 octobre 2023, un autre fils, Mohammed Mogouchkov assassine le professeur Dominique Bernard à Arras.
La Cimade aura reçu plus de 6 millions d'euros de subvention publique en 2022 par le ministère de l'Intérieur et la Préfecture. Plus d'un millier d'associations sont ainsi financées chaque année. Pourquoi ces arbitrages ? Pourquoi l'État se décharge-t-il du régalien sur des associations militantes ? Et surtout, quand l'État sortira-t-il de cette schizophrénie onéreuse et meurtrière ?