International
Once again ?
Pour la première fois depuis 20 ans, les Américains ne savent toujours pas le nom de leur prochain président en dépit d’une participation record – 66,9% contre 59,2% en 2016. Le dépouillement se poursuit dans sept États-clés et pourrait durer plusieurs jours. Un ancien juriste de la Maison Blanche, conseiller de Joe Biden, estime que si Donald Trump « arrive devant la Cour suprême avec la riche idée que des bulletins de vote adressés légalement par des électeurs éligibles (…) ne comptent plus, il risque l'une des défaites les plus embarrassantes qu'un président ait jamais subies devant la plus haute juridiction du pays ».
Une bataille judiciaire se profile – qui va plonger le pays dans une crise constitutionnelle. Quelle que soit l’issue du scrutin, l’image de la première puissance mondiale risque d’en ressortir abîmée. Après les émeutes raciales et l’éruption du Covid, les crises aux États-Unis se succèdent et se cumulent. L’Allemagne, porte-avions US en Europe, en oublie son discours diplomatique vernissé et parle de « situation très explosive ». À l'avenir, « nous devrons faire beaucoup plus pour nos propres intérêts, (…) et surtout avec les autres Européens », préconise Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre de la Défense (CDU). « Il est clair qu'en tant qu'Union européenne, (…) nous avons toutes les raisons d'insister (…) pour que l'Europe développe sa propre puissance », renchérit Olaf Scholz, vice-chancelier (SPD).
Le sens de l’histoire, croyance du communisme, disparut en 1989. La Destinée manifeste (Manifest Destiny) en est-elle au même point ? Ce discours de 1845 est considéré comme le point de départ de l’universalisme américain. Que ce pays apparaisse de plus en plus comme un anti-modèle ne peut nous laisser indifférent. Les États-Unis développèrent une conception expansionniste de la nation. Ils cherchent toujours à impliquer le monde dans leur épopée. Ce nationalisme inclusif corrode les identités, les pétrit à son image. L’Europe est ainsi une préfecture de l’empire ; les spasmes du Nouveau monde affectent toujours un Vieux continent sans horizon.
Le pays de tous les excès a le mérite d’étaler ses clivages, d’en faire un commerce politique. Les dictatures ne s'embarrassent pas d'un pareil spectacle. Donald Trump est-il le mieux armé pour perpétuer le mythe de la Destinée manifeste ? « Sleepy Joe » incarne une bien-pensance recluse et repue. Sans carburant spirituel, l’Amérique pourra-t-elle vaincre le dragon chinois à l’heure où Wuhan rouvre ses discothèques et ses restaurants, sans masque ? Vu par la droite chrétienne, il se joue un duel entre le bien et le mal, entre l’évangélisme conquérant et le communautarisme dissolvant. Aux yeux de ses soutiens religieux, Donald Trump est rien de moins que l’élu de Dieu, la réincarnation du roi perse Cyrus, le grand libérateur choisi par le Très-Haut pour affranchir le peuple juif au VIe siècle avant J.-C. Il y a cinq ans, l’influent pasteur Paula White-Cain, devenue conseiller spirituel de Donald Trump, fit un pacte avec lui pour le propulser à Washington et engager l’Amérique sur la voie du combat spirituel théorisé par Charles Peter Wagner (1930-2016). Ce missionnaire évangélique avait défini trois niveaux d’action contre les forces de Satan : le niveau du sol, le niveau occulte et le niveau stratégique. Depuis 2016, la Maison Blanche héberge un projet dopé par une eschatologie victorieuse. L’assassinat de Qassem Soleimani, la reconnaissance de Jérusalem et la récente nomination d’un juge anti-avortement à la Cour suprême en sont des épisodes. La droite religieuse avait uni ses forces sous l’étendard du milliardaire new-yorkais, au point de considérer qu’un chrétien ne peut voter Démocrates. Qu’adviendra-t-il si elle perd cette bataille ? Les hommes peuvent-ils désavouer un envoyé du Ciel ? En Caroline du nord, Donald Trump avait relaté cet échange : « Someone said to me the other day, “you're the most famous person in the world by far.” I said, “no I'm not” ... they said, “who's more famous ?” I said, “Jesus Christ” ».
Une bataille judiciaire se profile – qui va plonger le pays dans une crise constitutionnelle. Quelle que soit l’issue du scrutin, l’image de la première puissance mondiale risque d’en ressortir abîmée. Après les émeutes raciales et l’éruption du Covid, les crises aux États-Unis se succèdent et se cumulent. L’Allemagne, porte-avions US en Europe, en oublie son discours diplomatique vernissé et parle de « situation très explosive ». À l'avenir, « nous devrons faire beaucoup plus pour nos propres intérêts, (…) et surtout avec les autres Européens », préconise Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre de la Défense (CDU). « Il est clair qu'en tant qu'Union européenne, (…) nous avons toutes les raisons d'insister (…) pour que l'Europe développe sa propre puissance », renchérit Olaf Scholz, vice-chancelier (SPD).
Le sens de l’histoire, croyance du communisme, disparut en 1989. La Destinée manifeste (Manifest Destiny) en est-elle au même point ? Ce discours de 1845 est considéré comme le point de départ de l’universalisme américain. Que ce pays apparaisse de plus en plus comme un anti-modèle ne peut nous laisser indifférent. Les États-Unis développèrent une conception expansionniste de la nation. Ils cherchent toujours à impliquer le monde dans leur épopée. Ce nationalisme inclusif corrode les identités, les pétrit à son image. L’Europe est ainsi une préfecture de l’empire ; les spasmes du Nouveau monde affectent toujours un Vieux continent sans horizon.
Le pays de tous les excès a le mérite d’étaler ses clivages, d’en faire un commerce politique. Les dictatures ne s'embarrassent pas d'un pareil spectacle. Donald Trump est-il le mieux armé pour perpétuer le mythe de la Destinée manifeste ? « Sleepy Joe » incarne une bien-pensance recluse et repue. Sans carburant spirituel, l’Amérique pourra-t-elle vaincre le dragon chinois à l’heure où Wuhan rouvre ses discothèques et ses restaurants, sans masque ? Vu par la droite chrétienne, il se joue un duel entre le bien et le mal, entre l’évangélisme conquérant et le communautarisme dissolvant. Aux yeux de ses soutiens religieux, Donald Trump est rien de moins que l’élu de Dieu, la réincarnation du roi perse Cyrus, le grand libérateur choisi par le Très-Haut pour affranchir le peuple juif au VIe siècle avant J.-C. Il y a cinq ans, l’influent pasteur Paula White-Cain, devenue conseiller spirituel de Donald Trump, fit un pacte avec lui pour le propulser à Washington et engager l’Amérique sur la voie du combat spirituel théorisé par Charles Peter Wagner (1930-2016). Ce missionnaire évangélique avait défini trois niveaux d’action contre les forces de Satan : le niveau du sol, le niveau occulte et le niveau stratégique. Depuis 2016, la Maison Blanche héberge un projet dopé par une eschatologie victorieuse. L’assassinat de Qassem Soleimani, la reconnaissance de Jérusalem et la récente nomination d’un juge anti-avortement à la Cour suprême en sont des épisodes. La droite religieuse avait uni ses forces sous l’étendard du milliardaire new-yorkais, au point de considérer qu’un chrétien ne peut voter Démocrates. Qu’adviendra-t-il si elle perd cette bataille ? Les hommes peuvent-ils désavouer un envoyé du Ciel ? En Caroline du nord, Donald Trump avait relaté cet échange : « Someone said to me the other day, “you're the most famous person in the world by far.” I said, “no I'm not” ... they said, “who's more famous ?” I said, “Jesus Christ” ».