Offensive Israélienne à Rafah : envers et contre tous ?
Benyamin Netanyahu va-t-il finir par se couper complètement de la communauté internationale ? Sa volonté de mener une opération armée sur Rafah, cette ville du sud de Gaza abritant près d'1,4 millions de personnes, est en tout cas au cœur des divergences qui commencent à apparaître entre l'État hébreux et ses alliés historiques.
En tête de proue, les États-Unis. Malgré un soutien indéfectible depuis le 7 octobre, ils viennent tout juste d'user de leur veto au Conseil de sécurité de l'ONU sur un texte appelant à un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza. L'administration Biden ne serait plus tout à fait alignée sur les positions de M. Netanyahu. En coulisse, l'approche diplomatique serait privilégiée, à rebours du premier ministre israélien qui souhaite éradiquer le Hamas, quoi qu'il en coûte. Même si cela doit passer par une offensive sur Rafah.
Une telle attaque n'est pas souhaitée par les États-Unis, qui veulent gagner du temps dans les négociations autour des otages. Celles-ci ont d'ailleurs lieu au Caire entre le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et les services de renseignement égyptiens, autour d'un plan élaboré entre autres par le Qatar et les États-Unis. Selon Reuters, Joe Biden aurait redit jeudi au Premier ministre israélien « qu'une opération militaire à Rafah ne pouvait avoir lieu sans un plan crédible et applicable, visant à garantir la sécurité des civils palestiniens ». Pour Israël, il s'agit donc désormais de défier la volonté de leur plus gros soutien logistique, représentant presque 70 % des livraisons d'armes.
Et le locataire de la Maison blanche n'est pas le seul dirigeant inquiété par les velléités offensives de Benyamin Netanyahu. Fait assez rare pour être souligné, la plupart des pays semble cette fois s'aligner sur une position condamnant Israël. Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, s'est ainsi insurgé en demandant ironiquement si les Palestiniens allaient être évacués « sur la Lune ». Emmanuel Macron s'est quant à lui entretenu mercredi avec son homologue israélien et a, selon l'Élysée, réitéré « l'opposition ferme de la France à une offensive israélienne à Rafah, qui ne pourrait qu'aboutir à un désastre humanitaire d'une nouvelle magnitude, [...] et ferait peser un risque supplémentaire d'escalade régionale ». L'escalade régionale mentionnée par le président fait référence aux menaces à peine cachées de l'Égypte de rompre le traité de paix en vigueur si Rafah était visé.
Mais alors, qu'est-ce qui coince avec Rafah ? Il faut tout d'abord se rappeler que cette ville a longtemps été considérée comme un refuge, car plus épargnée que le reste de la bande de Gaza par les conflits. Conséquence directe, elle abrite désormais plus de la moitié de la population du territoire, ayant fui les conflits au nord. Selon les agences de l'ONU, la situation sur place est absolument catastrophique puisque que la ville accueille près de six fois sa capacité normale, répartie dans d'immenses camps. Les denrées alimentaires et l'eau potable sont devenues « extrêmement rares » dans le territoire palestinien et près de 9 enfants sur 10 souffriraient de maladies infectieuses.
L'ordre donné par Benyamin Netanyahu à ses armées d'attaquer ce qu'il considère comme « le dernier bastion du Hamas », fait donc peser une menace très forte sur une population civile acculée. Pour le moment, Tsahal s'en est tenu à un raid visant à libérer deux otages, le premier couronné de succès depuis le 7 octobre. Deux hommes ont ainsi pu être libérés, même si selon le Hamas, le commando aurait fait 67 victimes du coté palestinien. La situation pourrait de plus évoluer rapidement, et des frappes aériennes ont déjà touché la ville.
Dimanche soir, un ultimatum a été lancé. Si les otages israéliens détenus à Gaza n'étaient pas libérés d'ici au début du Ramadan, c'est-à-dire le 10 mars, « les combats continueront partout, y compris dans la région de Rafah », a déclaré le ministre israélien Benny Gantz, membre du cabinet de guerre. Son premier ministre a ajouté que « quiconque voulant nous empêcher de mener une opération à Rafah nous dit en fait de perdre la guerre. Je ne vais pas céder à cela ». Et ce, quitte à s'opposer aux Américains et à s'isoler encore un peu plus sur la scène internationale.