Ocean Viking, un fiasco exemplaire
Politique

Ocean Viking, un fiasco exemplaire

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1752, Publiée le 24/11/2022 - Photo : Shutterstock
Deux semaines après l’accostage à Toulon de l’Ocean Viking, le 11 novembre (cf. LSDJ n°1743), une évidence politique s’impose : c’est un fiasco emblématique de l’impuissance de l’État à réguler l’immigration. La veille du débarquement des migrants, le ministre de l’Intérieur, Gerald Darmanin, avait annoncé que ceux-ci ne pouvant pas sortir du centre administratif d’accueil, « ils ne seront donc pas légalement sur le territoire national » avant le contrôle médical et l’entretien destiné à déterminer lesquels « seraient éligibles à l’asile » en France. Le ministre ajoutait : « Tous ceux qui ne pourront pas avoir l’asile repartiront directement dans leurs pays d’origine ».

Les jours suivants ont infligé un démenti cinglant à ce scénario. 230 des 234 migrants de l’Ocean Viking se sont évaporés dans la nature. Quatre d’entre eux, venus d’Érythrée, ont échappé d’emblée aux contrôles, le Juge des libertés et de la détention ayant annulé leur maintien dans la zone d'attente temporaire pour vice de procédure ; une vingtaine de mineurs supposés, confiés à l’Aide sociale à l’enfance, ne s’y sont pas attardés, faute d’un moyen légal de les retenir ; quant aux adultes restés dans la « zone d’attente temporaire » installée dans la presqu’île de Giens pour être auditionnés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils ont été libérés au bout de quatre jours par le juge de liberté de Toulon confronté à l’impossibilité de la juridiction de Toulon de régler près de 200 dossiers dans les délais très courts impartis par la loi (malgré la mobilisation exceptionnelle de cinq juges et de 26 avocats désignés en commission d’office). Outre la masse de dossiers à traiter en quelques jours, le manque d’interprètes n’avait manifestement pas été anticipé ! Résultat : même les migrants venus du Pakistan, du Bangladesh, du Mali, de Syrie, d’Égypte et du Maroc dont la demande d’asile avait fait l’objet d’un « avis défavorable » de l’Ofpra, avis débouchant théoriquement sur une procédure d’expulsion, sont en liberté... et peuvent légalement entamer une procédure de demande d’asile classique. Finalement, le 22 novembre, Gérald Darmanin a annoncé que deux Maliens avaient été expulsés et reconduits dans leur pays : 2 sur 234... Ce fiasco est un message tonitruant envoyé à tous ceux que tente le mirage d’un avenir meilleur sur notre sol ou ailleurs en Europe.

Cette situation ubuesque est essentiellement due au double ligotage juridique français et européen qui, au nom de la protection des droits individuels, prive les Français de choisir, par leurs élus et leur gouvernement, qui peut séjourner en France. Mais au lieu de désigner ce problème fondamental pour s’y attaquer à bras-le-corps, l’exécutif tente de le masquer en réactivant le « en même temps » macronien. D’un côté, Gérald Darmanin a assuré que la décision d’accueillir l’Ocean Viking était prise « à titre exceptionnel ». De l’autre, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a assuré que « la France ne serait pas la France » si elle ne l’accueillait pas… La France n’ayant pas vocation à n’être elle-même qu’exceptionnellement, il est donc clair que l’Ocean Viking a ouvert la voie à une armada de bateaux chargés de réfugiés après concertation avec des passeurs.

L’entente avec les passeurs ne fait aucun doute dans le cas de l’Ocean Viking comme lors de précédents sauvetages de l’association SOS Méditerranée. Après avoir effectué plusieurs sauvetages en Méditerranée, l’Ocean Viking est passé à 60 milles de Sfax, le deuxième port de Tunisie, réputé sûr au point qu’y sont installés des bureaux du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies, avec des équipes habilitées à enregistrer des demandes d’asile… Néanmoins le navire mettra le cap sur la Sicile, distante de quelque 800 milles, puis, confronté au refus de l’Italie de l’accueillir (en plus des 90 000 migrants débarqués dans la péninsule depuis le début de l’année), il naviguera encore 700 milles jusqu’à Toulon. Si l’Ocean Viking n’a pas fait escale à Sfax pour y débarquer ses passagers, souligne le député européen LR François-Xavier Bellamy dans une tribune au Figaro (en lien ci-dessous), « c’est pour une seule raison : SOS Méditerranée ne veut pas seulement sauver des vies, mais aider des migrants à entrer en Europe. » Sa conclusion : « Il n’y a qu’un seul moyen d’assurer que demain, plus un seul être humain ne trouve la mort en Méditerranée pour avoir cherché à atteindre l’Europe : c’est de garantir enfin ce principe simple, qu’il doit être impossible de s’établir en Europe si on a cherché à y entrer illégalement. » Mais cela exigera d’engager, comme l’Italie, un bras-de-fer avec Bruxelles, les associations humanitaires, et leurs alliés juristes tenants de la primauté des droits individuels sur le bien commun. Tant que le droit, en France et en Europe, n’aura pas été entièrement révisé à la lumière de la primauté du bien commun des nations, la maîtrise de l'immigration restera un leurre ou une chimère.
La sélection
Ocean Viking, un fiasco exemplaire
François-Xavier Bellamy : « En décidant d’accueillir l’Ocean Viking, la France crée un précédent inquiétant »
Le Figaro
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