Sciences

Une nouvelle source d'oxygène dans les profondeurs de l'océan Pacifique

Par Emma Bellavia. Synthèse n°2271, Publiée le 18/09/2024 - Crédits : Handout / National Oceanography Centre / Smartex project (NERC) / AFP
L'oxygène ne serait pas seulement produit par photosynthèse mais également grâce à une réaction chimique mettant en jeu des concrétions de métaux, appelées des nodules polymétalliques et prendrait place à 4 000 mètres de profondeur dans le Pacifique nord entre Hawaï et le Mexique ! Cette découverte, parue dans la revue scientifique Nature Géoscience en juillet 2024, remet en cause nos certitudes sur les débuts de la vie sur Terre, mais aussi sur la possibilité d'une forme de vie extraterrestre liée à l'apparition d'oxygène. Mais, que sait-on sur cette nouvelle source et comment cet oxygène est-il produit ?

La planète Terre, ou « planète bleue », porte plutôt bien son surnom puisque deux tiers de sa surface sont recouverts d'eau. À ce jour, moins de 20 % de ces océans ont été cartographiés. Des mondes encore inconnus restent donc à explorer. Quelque part entre le Mexique et l'île d'Hawaï, se trouve un monde fascinant qui s'étend sur plus de 7 000 kilomètres de long : la plaine abyssale de la zone de fracture géologique Clarion-Clipperton. À 4 000 mètres de profondeur, aucune plante ni algue ne peut survivre. Cependant, des poissons abyssaux se meuvent dans ces plaines. Leur ventre est imposant et leurs yeux sont protubérants. Comment parviennent-ils à subsister à de telles profondeurs ? Le phytoplancton, des microalgues présentes en surface, génère de l'oxygène par photosynthèse, mais également de la matière organique, permettant notamment à ces habitants des fonds marins de vivre. Des volcans océaniques sont aussi présents et s'étendent sur près de 60 000 kilomètres constituant la dorsale océanique. Près de ces massifs sous-marins, des vers abyssaux, les rifta pachyptila dansent au gré des courants. Ces vers marins survivent quant à eux grâce aux provisions fournies par une réaction chimique entre l'eau de mer et des roches volcaniques. Cette réaction se produit à des températures proches des 350 degrés. À ces profondeurs, des nodules polymétalliques sont aussi visibles sur le sol marin.

Ces derniers sont des concrétions minérales composées notamment de manganèse, de lithium ou encore de cuivre. Ils naissent de l'agrégation de minéraux présents dans l'eau de mer. Leur croissance est particulièrement lente, environ quelques centimètres par millions d'années. Ceux présent à ce jour à 4 000 mètres de profondeur ont entre 10 et 20 millions d'années. Ils ont une forme comparable à celle d'une pomme de terre et ont une taille comprise entre quelques millimètres et 30 centimètres de diamètre.

Les métaux présents dans les nodules polymétalliques sont très recherchés par les industriels, notamment pour la production de batteries de véhicules électriques ou encore de téléphones portables. Mais quelles seraient les conséquences de l'extraction de ces métaux sur la faune et la flore locale ? C'est dans l'objectif d'évaluer cet impact que l'Association écossaise pour les sciences marines (SAMS) est partie en expédition. Cette expédition a par ailleurs été financée par les sociétés The Metals Compagny et UK Seabed Resources. Les résultats de cette étude scientifique montrent un taux d'oxygène qui augmente avec le temps, indiquant une production d'oxygène dans cet endroit du Pacifique. La zone étant particulièrement sombre, l'hypothèse que l'oxygène soit produit par photosynthèse est exclue.

Les scientifiques font une autre découverte des plus surprenantes : en mesurant la tension électrique à proximité des nodules polymétalliques, ils constatent que les nodules sont vecteurs d'une tension électrique. Mais ce n'est pas tout ! Lorsqu'ils s'assemblent, la tension produite est du même ordre que celle d'une pile électrique, soit 1,5 volt. Le courant électrique généré par les nodules est alors en mesure de provoquer la séparation des molécules d'oxygène et d'hydrogène de l'eau, produisant ainsi le précieux oxygène. La réaction chimique prenant place ici est l'électrolyse de l'eau et dure seulement de quelques heures à quelques jours.

Face à la découverte d'une nouvelle source d'oxygène, de nouvelles questions sont soulevées. Conventionnellement, l'oxygène aurait été produit pour la première fois, par photosynthèse, il y a 3 millions d'années par des cyanobactéries. Des organismes plus complexes se seraient ensuite développés. Cette étude suggère que la vie liée à l'apparition de l'oxygène aurait pu débuter ailleurs que sur la terre ferme, non loin de la surface de l'eau. Ce processus de production d'oxygène prenant place sur notre planète, il n'est pas impossible que ce soit le cas également sur d'autres planètes océans comme Europe et Encelade, respectivement des lunes de Jupiter et de Saturne. Concernant l'impact de futures exploitations minières sur l'écosystème local, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Cela demande des recherches supplémentaires avec comme cap d'en connaître toujours plus sur ce qui prend place dans les profondeurs océaniques et sur la faune et la flore qui les peuplent.

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Exploration sous-marine : l’oxygène noir éclaire les abysses
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