
Témoignages de Fatima et Hauwa, enlevées et transformées en bombes humaines par Boko Haram
«J'ai une bombe, n'approchez pas» : la présence d’esprit de Fatima l’a miraculeusement sauvée. Sinon, on n’aurait retrouvé d’elle que quelques lambeaux de chair et des bouts de tissu tachés de sang comme après tous ces « attentats-suicides » qui endeuillent Maiduguri et les localités voisines quasiment chaque semaine.
Fatima avait environ 14 ans -elle ne se souvient plus précisément de son âge- lorsqu’elle a été arrachée à sa famille lors d’une attaque des islamistes, chez elle, il y a trois ans. Elle raconte l’horreur, les coups, les nuits blanches, les larmes des femmes violées. Elle refuse les deux « époux » qu’on lui assigne. Finalement, probablement droguée, elle se retrouve emmenée de nuit à moto, en compagnie d’une petite fille de 2 ou 3 ans qu’elle n’a jamais vue auparavant. On les dépose au bord d’une route avec ordre de continuer en marchant. « Je savais que j’allais rencontrer un barrage avec des soldats, que c’était là que je devrais presser le bouton qui déclencherait la bombe.» Elle porte un hijab qui recouvre une ceinture explosive. Destinée à endormir toute méfiance des soldats, la fillette inconnue serre sa main… Ignorant la langue dans laquelle les soldats lui intiment l’ordre de s’arrêter, elle a la présence d’esprit de crier en anglais : « Je suis étudiante, j’ai une bombe sur moi ! Attention, n’approchez pas.» Mais les islamistes qui suivent la scène de loin tirent, les soldats répliquent. Miraculeusement indemne, Fatima est finalement délivrée de sa ceinture explosive par un soldat. S’en suivront cinq mois d’interrogatoires dans un centre de détention, à Maiduguri, avant qu’elle puisse enfin retrouver sa famille.
Promise au même sort après avoir été « mariée » à deux djihadistes et avoir donné naissance à un enfant qui ne survivra pas, Hauwa a également a été épargnée après être restée de longues minutes immobiles, les bras levés, sur le marché de la ville de Bama où l’explosion de sa ceinture aurait dû faire un carnage. «Cela m’a semblé une éternité. Je priais, sans bouger les lèvres.» Elle aussi a retrouvé sa famille après avoir été interrogée. Mais comment raconter l’indicible ? «Je n’ai personne à qui parler de ce que j’ai vécu, dit-elle. Mes parents sont au courant mais ils évitent le sujet, sans doute pour me préserver.»