International
Mondial-2022 : peut-on déjà parler de Qatarstrophe ?
Au Qatar, où l’on aime les dattes, c’est plutôt un avocat qui serait utile. Car il n’y a pas grand-monde pour dire du bien du pays organisateur de la 22e Coupe du monde de football qui commence dimanche. En Europe, on va jusqu’à en faire un État toxique à peine plus fréquentable que la Corée du nord ou l’Afghanistan des Talibans.
Malgré son carnet de chèques, le confetti gazier échoue à persuader l’opinion qu’il mérite d’héberger un tel événement. Les ONG bien relayées par les media dénoncent et annoncent sans relâche un désastre social et environnemental, comme si les pelouses chauffées de ses stades cyclopéens climatisés abritaient des nécropoles et que le ballon, sous l’œil impudique de la caméra, allait faire des faux rebonds sur les ossements de dizaines de milliers de travailleurs migrants, bangladais, indiens, népalais ou philippins, qui, dans des conditions harassantes, par des températures brûlantes et pour des salaires de misère (1000 riyals qataris, 280 euros environ) vont permettre à nos canapés de passer un bon moment.
Depuis l'Uruguay, organisateur du premier Mondial masculin (1930) dans seulement trois stades, jamais un pays aussi petit n'avait accueilli le tournoi de la FIFA, lequel exige huit enceintes de 40 000 à 80 000 places sur un territoire ensablé grand comme l'Île-de-France.
Et jamais, non plus, l’hôte d'une grande compétition internationale n'avait été à ce point décrié, dès l'attribution du tournoi fin 2010. De sorte que le Qatar affronte une situation paradoxale : la notoriété qu’il a conquise à grands frais ne l’empêche pas de se voir constamment exposé aux pressions. Sans doute parce qu’il en a aussi exercé. Selon l’enquête récemment publiée par le quotidien britannique The Sunday Times, Doha stipendia des pirates indiens pour pourrir les boites mails de personnalités critiques à son endroit. Parmi les cibles figurent la sénatrice UC de l’Orne Nathalie Goulet, qui travaille sur l’islam radical, ou plus étonnant, l'ancien président de l'UEFA, Michel Platini, qui avait pourtant apporté au Qatar les quatre voix européennes, conformément au vœu de Nicolas Sarkozy, alors président de la République.
En mai, au Forum économique de Davos, le Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani se plaignait que son pays fût victime de « discrimination ». Aux yeux de l’émir, certains « ne peuvent pas accepter qu'un pays arabe et musulman » organise le tournoi. Pour la presse locale, la campagne anti-Qatar « confirme l'arrogance de pays occidentaux » s’agrippant à leur « monopole ».
Cet argument n’est pas convaincant.
La mauvaise image du pays ne serait-elle pas plutôt due à la résistance qu’offre la mentalité bédouine aux mœurs promues en Occident ? Le Qatar apparaît plus comme un État policier que policé, et il enchaîne aussi les maladresses ou les provocations. À deux jours du coup d’envoi, les autorités décident ainsi que l’on ne vendrait plus de bière autour des stades, au grand dam du brasseur Budweiser, parrain de la Coupe du monde depuis trois décennies. Tant pis pour le million de supporters venus faire la fête. L'émirat s’était pourtant engagé à assouplir sa législation.
Les éléments de langage laissent aussi à désirer, à l’image des propos tenus ce mois-ci par l'ancien footballeur maison et « ambassadeur » du Mondial. Lors d'une interview sur la chaîne publique allemande ZDF, Khalid Salman qualifia l'homosexualité de « dommage mental ». Un incident diplomatique s'ensuivit et l’ambassadeur d’Allemagne à Doha fut convoqué. Tout juste Salman regretta-t-il sur Twitter que son propos eût été « sorti de son contexte » (sic) sans se demander quel contexte pourrait bien les justifier aujourd’hui... Salman ne renia rien, affirmant même que la religion et la culture conservatrice du Qatar « ne changeraient pas pour le championnat ».
Conséquence : la guerre des mots et des images se déporte sur les symboles. L’Allemagne et plusieurs sélections européennes comme l’Angleterre souhaitent que leurs capitaines portent un brassard à bandes colorées, en soutien à la lutte contre les discriminations, dans ce pays où l'homosexualité est criminalisée. Mais le front occidental n’est pas uni. Les Bleus refusent de s’aligner sur Berlin. Le capitaine Hugo Lloris eut une réponse singulièrement polémique : « Lorsqu'on accueille des étrangers en France, on a souvent l'envie qu'ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J'en ferai de même lorsque j'irai au Qatar. »
Malgré son carnet de chèques, le confetti gazier échoue à persuader l’opinion qu’il mérite d’héberger un tel événement. Les ONG bien relayées par les media dénoncent et annoncent sans relâche un désastre social et environnemental, comme si les pelouses chauffées de ses stades cyclopéens climatisés abritaient des nécropoles et que le ballon, sous l’œil impudique de la caméra, allait faire des faux rebonds sur les ossements de dizaines de milliers de travailleurs migrants, bangladais, indiens, népalais ou philippins, qui, dans des conditions harassantes, par des températures brûlantes et pour des salaires de misère (1000 riyals qataris, 280 euros environ) vont permettre à nos canapés de passer un bon moment.
Depuis l'Uruguay, organisateur du premier Mondial masculin (1930) dans seulement trois stades, jamais un pays aussi petit n'avait accueilli le tournoi de la FIFA, lequel exige huit enceintes de 40 000 à 80 000 places sur un territoire ensablé grand comme l'Île-de-France.
Et jamais, non plus, l’hôte d'une grande compétition internationale n'avait été à ce point décrié, dès l'attribution du tournoi fin 2010. De sorte que le Qatar affronte une situation paradoxale : la notoriété qu’il a conquise à grands frais ne l’empêche pas de se voir constamment exposé aux pressions. Sans doute parce qu’il en a aussi exercé. Selon l’enquête récemment publiée par le quotidien britannique The Sunday Times, Doha stipendia des pirates indiens pour pourrir les boites mails de personnalités critiques à son endroit. Parmi les cibles figurent la sénatrice UC de l’Orne Nathalie Goulet, qui travaille sur l’islam radical, ou plus étonnant, l'ancien président de l'UEFA, Michel Platini, qui avait pourtant apporté au Qatar les quatre voix européennes, conformément au vœu de Nicolas Sarkozy, alors président de la République.
En mai, au Forum économique de Davos, le Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani se plaignait que son pays fût victime de « discrimination ». Aux yeux de l’émir, certains « ne peuvent pas accepter qu'un pays arabe et musulman » organise le tournoi. Pour la presse locale, la campagne anti-Qatar « confirme l'arrogance de pays occidentaux » s’agrippant à leur « monopole ».
Cet argument n’est pas convaincant.
La mauvaise image du pays ne serait-elle pas plutôt due à la résistance qu’offre la mentalité bédouine aux mœurs promues en Occident ? Le Qatar apparaît plus comme un État policier que policé, et il enchaîne aussi les maladresses ou les provocations. À deux jours du coup d’envoi, les autorités décident ainsi que l’on ne vendrait plus de bière autour des stades, au grand dam du brasseur Budweiser, parrain de la Coupe du monde depuis trois décennies. Tant pis pour le million de supporters venus faire la fête. L'émirat s’était pourtant engagé à assouplir sa législation.
Les éléments de langage laissent aussi à désirer, à l’image des propos tenus ce mois-ci par l'ancien footballeur maison et « ambassadeur » du Mondial. Lors d'une interview sur la chaîne publique allemande ZDF, Khalid Salman qualifia l'homosexualité de « dommage mental ». Un incident diplomatique s'ensuivit et l’ambassadeur d’Allemagne à Doha fut convoqué. Tout juste Salman regretta-t-il sur Twitter que son propos eût été « sorti de son contexte » (sic) sans se demander quel contexte pourrait bien les justifier aujourd’hui... Salman ne renia rien, affirmant même que la religion et la culture conservatrice du Qatar « ne changeraient pas pour le championnat ».
Conséquence : la guerre des mots et des images se déporte sur les symboles. L’Allemagne et plusieurs sélections européennes comme l’Angleterre souhaitent que leurs capitaines portent un brassard à bandes colorées, en soutien à la lutte contre les discriminations, dans ce pays où l'homosexualité est criminalisée. Mais le front occidental n’est pas uni. Les Bleus refusent de s’aligner sur Berlin. Le capitaine Hugo Lloris eut une réponse singulièrement polémique : « Lorsqu'on accueille des étrangers en France, on a souvent l'envie qu'ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J'en ferai de même lorsque j'irai au Qatar. »