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Massoud Pezeshkian, nouveau président iranien réformiste sans pouvoir ou presque

Par Stanislas Gabaret - Publié le 16/07/2024 - Le président iranien élu, Masoud Pezeshkian, salue ses partisans aux côtés de Sayyid Hassan Khomeini, petit-fils de l'ancien dirigeant iranien, l'ayatollah Khomeini, le 6 juillet 2024 (Photo de Morteza Nikoubazl / NurPhoto via AFP)
L'élection du nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, le 6 juillet, issu du parti réformiste, a provoqué de nouvelles attentes de la part de certains États occidentaux. Ses pouvoirs sont toutefois particulièrement limités.

Le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, 69 ans, élu avec 53,3 % des voix, a donné quelques raisons d'espérer aux États occidentaux sur une possible ouverture du régime iranien. Issu des Réformites, un parti réputé plus modéré sur les questions de morale et moins anti-occidental, Massoud Pezeshkian s'est montré très critique à l'égard de la répression organisée par la police morale des femmes refusant de porter le voile fin 2023 et au début de l'année. Pour autant, durant sa campagne, il n'a pas fait de promesses de réformes concrètes auprès de la population et a soigneusement évité de faire de s'engager à faire des changements sur l'épineux sujet du voile des femmes. Ceci s'explique avant tout par les faibles pouvoirs dont il dispose, au profit du Guide suprême des Iraniens.

En Iran, le président est contrôlé par l'ayatollah. Sa marge de manœuvre est très inférieure à celle d'un président français ou américain. La fonction de Massoud Pezeshkian, prévue par la constitution iranienne, est surtout exécutive : signer les décrets émis par l'assemblée des Gardiens de la révolution, rendre des comptes réguliers à l'ayatollah et représenter le pays à l'étranger. Le président iranien travaille sous le contrôle direct de l'ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême du peuple iranien, qui est à la fois chef religieux et politique du pays. Massoud Pezeshkian doit s'assurer le soutien de ce dernier pour occuper son poste et doit obtenir celui d'autres institutions du pays, en particulier le Conseil des Gardiens et le Conseil des Experts.

Pour comprendre la fonction limitée du président iranien, il faut analyser celle du Guide suprême. Élu en 1989 par le Conseil des Experts pour un mandat à vie, Ali Khamenei, 85 ans, est le deuxième Guide suprême de l'Iran depuis la mort de Sayyid Ruhollah Khomeini, le meneur de la révolution iranienne. Chef de la politique étrangère et des armées, Ali Khamenei a les prérogatives pour déclencher une guerre et décide en grande partie de la politique d'enrichissement de l'uranium tant décriée par l'OTAN. Khamenei contrôle aussi toute l'activité du président élu, qu'il peut destituer s'il estime qu'il a commis une violation de la constitution de 1979. L'ayatollah nomme aussi la tête du pouvoir judiciaire, les directeurs des médias d'État et valide les candidatures des prétendants à la présidence de la république iranienne.

En plus du contrôle du guide suprême, l'action du président est aussi encadrée par l'assemblée législative iranienne, Majles, qui peut destituer le président, si elle l'estime nécessaire. Une telle procédure fut mise en œuvre contre le premier président iranien, Abolhassan Benisadr, élu en 1980 et destitué un an plus tard, le 21 juin 1981. Le motif avancé pour sa destitution était notamment sa contestation du pouvoir des mollahs, dont celui de Mohammed Beheshti, l'architecte de la période post-révolutionnaire en Iran. Massoud Pezeshkian, sera investi officiellement le 30 juillet et hormis la question morale, il a exprimé son souhait d'améliorer les relations entre l'Iran et les puissances étrangères.

Une des raisons derrière son discours d'apaisement est l'appauvrissement massif du pays, causé par les sanctions internationales, imposées en particulier par les États-Unis. Aujourd'hui, l'inflation iranienne s'élève encore à 40 %, les exportations de gaz sont en baisse et la voiture officielle, Pride, qui coûtait en moyenne 1.6 fois le salaire annuel d'un iranien il y a dix ans, en coûte trois fois plus aujourd'hui. L'exception dans la politique d'apaisement demeure sans surprises Israël, que l'Iran refuse toujours de reconnaître comme État. D'ores et déjà, Pezeshkian a déclaré vouloir « poursuivre avec fermeté son soutien à la résistance contre le régime illégitime sioniste  », apportant ainsi son soutien à la guerre menée par le Hezbollah face à Israël au sud Liban.

Bien que réformateur, Pezeshkian demeure un soutien fervent des Gardiens de la révolution et ses positions récentes à l'égard des États-Unis sont alignées avec celles de Khomeini. En 2019, Pezeshkian condamnait la classification des Gardiens comme groupe terroriste par les États-Unis et a qualifié le gouvernement américain de « terroriste » à la suite la destruction d'un drone américain par l'armée iranienne. Les intentions affichées de Massoud Pezeshkian sur la politique étrangère ou la morale sont certes moins radicales et rigoristes que son prédécesseur Ibrahim Raisi, mort dans un accident d'hélicoptère fin mai. Mais rien ne garantit que ses positions n'influencent le pays durant ses années de présidence.

Au lendemain de l'élection, les États-Unis ont déclaré ne pas attendre de changement de politique en Iran et ne souhaitent pas alléger la pression à l'égard de Téhéran. Aucun État européen n'a félicité officiellement Massoud Pezeshkian pour son élection non plus.

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Can Iran’s first reformist president in decades bring change ?
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