International
Malaise malaisien
On le savait déjà : Twitter est une énorme bouche d’égout dont le flot déverse dans l’océan médiatique la diarrhée verbale de millions d’âmes noircies par la haine et la vindicte. La liberté d’expression y est quasi-totale, la politique de modération inexistante. Quelques heures après l’attentat de Nice, le réseau social se résolut toutefois à supprimer un message incendiaire, celui de l'ex-Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad.
Que disait-il ? « Au cours de leur histoire, les Français ont tué des millions de gens. Beaucoup étaient musulmans. Les musulmans ont le droit d'être en colère et de tuer des millions de Français pour les massacres du passé. »
Twitter réagit en deux temps : d’abord, la plateforme maintint le tweet avec un message d'avertissement, sous prétexte qu’il représentait un « intérêt pour le public ». Ensuite, elle le retira, mais sans suivre le gouvernement français qui avait réclamé la suspension du compte. Le message fut aussi supprimé par Facebook : « Nous n'autorisons pas les discours de haine et condamnons fermement tout soutien ou appel à la violence, au meurtre ou aux atteintes physiques », indiqua la filiale française du réseau social.
Cet épisode survient dans un contexte particulier : l’audition mercredi devant le Sénat américain des patrons des réseaux sociaux dominants, Facebook, Twitter et Google (YouTube). Les plateformes défendent la Section 230 du Communications Decency Act. Cette loi empêche les poursuites judiciaires liées aux contenus publiés par des tiers. Elle protège le statut d'hébergeur des réseaux, par opposition aux éditeurs que sont les media. La Section 230 est ainsi considérée comme le pilier de la liberté d'expression en ligne. Sauf que pour les sénateurs, c'est surtout un moyen pour les plateformes de ne pas prendre leurs responsabilités.
À quelques jours de la présidentielle, les deux camps s’écharpent pour des raisons différentes : les conservateurs accusent les réseaux de favoriser les libéraux (la gauche). Quant aux Démocrates, ils leur reprochent de laisser passer trop de contenus racistes, violents ou insultants. « Sans la Section 230, tous ces ″enfoirés″, ″racistes″, ″homophobes″, ″xénophobes″ et ″islamophobes″ seraient virés de la plateforme », affirme Hany Fari, chercheur à l'université de Berkeley.
Alors pourquoi censurer le message de l’ex-Premier ministre malaisien ? N’est-il pas couvert par la Section 230, reflet du 1er amendement de la Constitution américaine ? « Twitter ne saurait se rendre complice d'un appel au crime », avait indiqué le secrétaire d'État au numérique Cédric O. Dans ce contexte tendu, le réseau social argua que le tweet incriminé « viole [sa] politique en matière d'apologie de la violence ». En fait, Twitter veut rester libre de modérer les contenus sans avoir de comptes à rendre (encore moins à supprimer). Le message de l'ex-Premier ministre malaisien revêt effectivement un « intérêt pour le public ». Il montre que les terroristes reçoivent un soutien plus vaste qu’on ne le dit, y compris à l'échelon de dirigeants gouvernementaux. Même s’il se défend de cautionner la violence, Mahathir Mohamad se montre compréhensif envers son usage. Représente-t-il l'opinion dominante des pays musulmans ? Il est possible de le présumer, à défaut de l'affirmer.
Censurer ce genre de tweet est-il une solution ? Pas si sûr. Dans le cas de Samuel Paty, Twitter collabora volontiers aux démarches destinées à identifier les complices de l'assassin. On peut concevoir que le réseau social serve à neutraliser des criminels avant leur passage à l'acte. Le terrorisme artisanal est indétectable. On ne saurait se priver d'un mouchard. Et ce n'est pas parce que la Malaisie est l'un des géants mondiaux du latex que son ancien Premier ministre fait usage de la capote verbale.
Que disait-il ? « Au cours de leur histoire, les Français ont tué des millions de gens. Beaucoup étaient musulmans. Les musulmans ont le droit d'être en colère et de tuer des millions de Français pour les massacres du passé. »
Twitter réagit en deux temps : d’abord, la plateforme maintint le tweet avec un message d'avertissement, sous prétexte qu’il représentait un « intérêt pour le public ». Ensuite, elle le retira, mais sans suivre le gouvernement français qui avait réclamé la suspension du compte. Le message fut aussi supprimé par Facebook : « Nous n'autorisons pas les discours de haine et condamnons fermement tout soutien ou appel à la violence, au meurtre ou aux atteintes physiques », indiqua la filiale française du réseau social.
Cet épisode survient dans un contexte particulier : l’audition mercredi devant le Sénat américain des patrons des réseaux sociaux dominants, Facebook, Twitter et Google (YouTube). Les plateformes défendent la Section 230 du Communications Decency Act. Cette loi empêche les poursuites judiciaires liées aux contenus publiés par des tiers. Elle protège le statut d'hébergeur des réseaux, par opposition aux éditeurs que sont les media. La Section 230 est ainsi considérée comme le pilier de la liberté d'expression en ligne. Sauf que pour les sénateurs, c'est surtout un moyen pour les plateformes de ne pas prendre leurs responsabilités.
À quelques jours de la présidentielle, les deux camps s’écharpent pour des raisons différentes : les conservateurs accusent les réseaux de favoriser les libéraux (la gauche). Quant aux Démocrates, ils leur reprochent de laisser passer trop de contenus racistes, violents ou insultants. « Sans la Section 230, tous ces ″enfoirés″, ″racistes″, ″homophobes″, ″xénophobes″ et ″islamophobes″ seraient virés de la plateforme », affirme Hany Fari, chercheur à l'université de Berkeley.
Alors pourquoi censurer le message de l’ex-Premier ministre malaisien ? N’est-il pas couvert par la Section 230, reflet du 1er amendement de la Constitution américaine ? « Twitter ne saurait se rendre complice d'un appel au crime », avait indiqué le secrétaire d'État au numérique Cédric O. Dans ce contexte tendu, le réseau social argua que le tweet incriminé « viole [sa] politique en matière d'apologie de la violence ». En fait, Twitter veut rester libre de modérer les contenus sans avoir de comptes à rendre (encore moins à supprimer). Le message de l'ex-Premier ministre malaisien revêt effectivement un « intérêt pour le public ». Il montre que les terroristes reçoivent un soutien plus vaste qu’on ne le dit, y compris à l'échelon de dirigeants gouvernementaux. Même s’il se défend de cautionner la violence, Mahathir Mohamad se montre compréhensif envers son usage. Représente-t-il l'opinion dominante des pays musulmans ? Il est possible de le présumer, à défaut de l'affirmer.
Censurer ce genre de tweet est-il une solution ? Pas si sûr. Dans le cas de Samuel Paty, Twitter collabora volontiers aux démarches destinées à identifier les complices de l'assassin. On peut concevoir que le réseau social serve à neutraliser des criminels avant leur passage à l'acte. Le terrorisme artisanal est indétectable. On ne saurait se priver d'un mouchard. Et ce n'est pas parce que la Malaisie est l'un des géants mondiaux du latex que son ancien Premier ministre fait usage de la capote verbale.