La « main invisible » a tiré l'oreille de Mickey
Adam Smith, le grand théoricien du libéralisme économique, est né il y a 300 ans, en juin 1723. À l'aube de l'ère industrielle, il a parlé de la « main invisible » qui régit les marchés. Cette métaphore explique comment le développement économique et la politique gouvernementale sont puissamment influencés par les choix individuels des consommateurs. Plus une société devient prospère, plus les individus gagnent en influence… Les Américains comprennent les avantages du capitalisme. Et pourtant ! Une multinationale de premier plan, Disney, vient de découvrir qu'imposer un agenda idéologique ( « woke » en l'occurrence) à ses clients avait des conséquences néfastes pour ses actionnaires… Dans son rapport annuel aux autorités financières (la SEC) qui clôturait l'année fiscale au 30 septembre dernier, The Walt Disney Company reconnaît que sa situation financière est soumise à un risque significatif à cause de ses « positions sociales et environnementales qui ne sont pas bien perçues (sic) voire même rejetées par une part importante de ses clients ». Les patrons de Mickey admettent même que leur réputation est mise à mal. Le PDG Bob Iger, revenu aux affaires récemment, déclare lui-même vouloir « calmer les choses » et revenir aux fondamentaux : proposer des divertissements qui fassent rêver les clients sans les forcer à ingurgiter des messages idéologiques.
C'est un tournant important initié par un géant de l'économie mondiale rappelle Jonathan Turley pour The Hill (voir en lien). Disney, comme d'autres grands groupes, semblaient décider jusqu'à cette année à poursuivre leur « mission évangélisatrice » en ignorant superbement les retours négatifs de leurs clients. Les 4 derniers films produits par la firme et projetés en 2023 ont été des flops retentissants : près d'1 milliard de dollars de pertes… Le dernier « Indiana Jones » et « La petite sirène » affichant les pires performances. Pire… Les acteurs eux-mêmes font du zèle en se moquant des contes de fée qui ont fait la fortune de la firme. La starlette qui joue le « remake » de « Blanche Neige » (sortie prévue en 2025) a choqué les aficionados en se moquant de l'histoire d'amour qui est au cœur de l'histoire… Le résultat est sans appel : Disney reconnaît avoir perdu 14 % de son audience. Comment se fait-il qu'il ait fallu attendre un tel désastre pour provoquer une réaction de la direction de l'entreprise ? L'intérêt des actionnaires passe après celui de cadres qui voient dans leur militantisme un excellent moyen de s'afficher en parangons de vertu devant leurs pairs. Ils y gagnent des honneurs et des promotions. Le cas d'Alissa Heinerscheid, la Vice-Présidente du marketing de Bud Light (voir LSDJ 1963) qui a fait perdre des milliards à sa société, est parlant : en utilisant l'image d'un transsexuel pour rendre sa petite bière « inclusive » en opposition totale avec sa clientèle, son initiative a été saluée par nombre de ses confrères malgré le désastre économique.
L'hubris de nombreux journalistes « en vue » est un piège pour les médias. La confiance du public continue de tomber et la presse perd toujours plus de lecteurs. Mickey envoie un signal d'alarme mais les « grands médias » n'entendent pas, à l'image d'un Dingo en train de scier la branche sur laquelle il est assis. Au diable l'objectivité, « tout journalisme est de l'activisme ! » a proclamé Nikole Hannah-Jones du New York Times. Là encore, si les auditeurs s'en vont, la ligne activiste reste très profitable aux journalistes qui ont besoin du soutien de leur microcosme pour être reconnus.
Les milieux académiques sont particulièrement touchés par cet aveuglement idéologique encouragé par l'entre soi… Les grandes universités américaines sont sous le feu des critiques pour avoir purgé de leurs équipes enseignantes tous les éléments non ouvertement progressistes. On a sans doute atteint un point de non-retour avec la situation en Palestine. Les campus ont été perturbés par de nombreuses manifestations en soutien au Hamas où le cri de « mort aux Juifs » a été entendu. Les directrices de Harvard et de Penn University ont été interrogées au Congrès il y a quelques jours : « Appeler au génocide des Juifs est-il contraire aux règles internes de vos écoles ? ». La question était simple. La réponse des deux éminentes universitaires a provoqué un scandale : « Cela dépend du contexte »… La présidente de l'université de Pennsylvanie a d'ores et déjà dû démissionner.
La « tragédie des biens communs » (déjà décrite par Aristote) est un concept souvent employé pour les enjeux écologiques : les populations ont tendance à surexploiter des ressources pour leurs intérêts individuels sans prise en compte du bien commun. Cette tentation tragique n'est pas limitée aux travailleurs… Dans les multinationales, les universités et les grands médias, au-delà des convictions idéologiques, certaines élites poursuivent leurs intérêts au détriment des institutions qu'elles sont censées servir…