Culture
Madone de Têtu censurée : Bilal Hassani est-il vierge de tout soupçon ?
Bilal Hassani ressemble à ces créatures qui ont poussé trop vite sous la serre humide du divertissement télévisuel. Le jeune influenceur de 22 ans, maniéré et efféminé, vient de danser devant 4 millions de téléspectateurs pendant 11 semaines sur TF1. En 2019, il était propulsé au concours de l’Eurovision et sa chanson Roi représentait la France. Il en fera une autre, intitulée Monarchie absolue.
Malgré ses titres réacs, Bilal Hassani est un révolutionnaire. De l’apparence, et donc des repères. La sienne vise d’ailleurs à « bousculer les codes », comme on dit. Le chanteur se pose en icône sociétale de la transidentité dont – qui sait ? – Christiane Taubira pourrait s’emparer si elle se lance dans la course à l’Élysée. Son culte pour l’androgynie dérange les attardés de l’ancien monde et lui vaut encore d’être cyberharcelé. Bref, qu’on le trouve attachant ou agaçant, Bilal Hassani « ne laisse pas indifférent », comme dit Le Monde. Á l’ère du clic, il faut cliver et comme Zemmour, on l’aime on ne l’aime pas. Pour vous faire une idée, regardez sa vidéo Bonsoir Paris en 21 langues. C'est – comment dire ? – délicieusement crispant.
Le 26 novembre, Têtu le désigne « personnalité de l’année ». Le sacre plutôt. Car, pour fêter ça, le magazine LGBT en fait sa couverture sous les traits d’une Madone. Après le roi, la reine. Normal puisque Bilal Hassani pulvérise la frontière entre les sexes. La chose aurait pu s’arrêter là. Mais Têtu – dont l’audience est confidentielle – veut marquer le coup via une campagne d’affichage dans le métro et les gares. Et là, le magazine se retrouve dans une bien curieuse posture :
LCI raconte : « Bilal Hassani, le finaliste de "Danse avec les stars", pose en Une d’un numéro événement habillé en Madone. L’auréole, les doigts levés, le regard tourné vers le ciel… Une atmosphère mystique non règlementaire, selon Mediatransports. La société, qui gère l’espace publicitaire de la RATP et de la SNCF, a en effet retoqué le visuel en question. »
Le plus cocasse, c’est que Têtu est éconduit pour prosélytisme religieux, catholique en l’occurrence ! La mise en scène est jugée « confessionnelle ». « Dans nos contrats avec les opérateurs de transports et en l’espèce la SNCF et la RATP, il nous est impossible d’afficher des visuels où sont présentes des références religieuses », argumente la régie dans Arrêt sur images, à l’origine de cette révélation. Ce veto rappelle le refus essuyé en 2015 par Les Prêtres, le trio musical monté par Mgr Jean-Michel di Falco, alors évêque de Gap. La régie publicitaire de la RATP avait demandé que la mention « au bénéfice des chrétiens d'Orient » ne figurât point sur l’affiche annonçant leur venue à l’Olympia.
De quoi, dans cette histoire, Bilal Hassani est-il le nom ? Pas du prosélytisme religieux. L’argument « confessionnel » est un prétexte. Á l’approche de Noël, la régie ne veut pas offrir à la militance catholique une occasion de se victimiser et de se ranger sous l’étendard zemmourien. Á Villepinte, le candidat promit de « chasser des classes de nos enfants le pédagogisme, l'islamo-gauchisme et l'idéologie LGBT », un thème récurrent de ses ouvrages.
L’autre hypothèse serait que Mediatransports n’ait pas compris le sens de cette affiche. Pourtant, que la Madone fasse l’objet d’un détournement ne fait aucun doute. En êtes-vous si sûr ? Car s’agit-il d’une Madone ? Photographié par Christopher Barraja et habillé par Simon Pylyser, Bilal Hassani apparaît auréolé, les cheveux longs, dans une forme de représentation christique. Cet effet, semble-t-il, n’était pas recherché au départ, précisa Thomas Vampouille, rédacteur en chef de Têtu, invité de Touche pas à mon poste. « Au début, on était parti sur une représentation de Marie. Finalement, beaucoup l'ont pris pour Jésus, pour cette ambiguïté, qui lui va très bien », ajouta-t-il.
L'iconographie chrétienne fascine toujours, et ce n'est pas le moindre des paradoxes du moment. Elle dit quelque chose de pur, d'inaltérable, fait pour grandir l'âme. Tant qu'on la parodie, c'est qu'elle existe. Censurer la pop culture qui la détourne ou la parasite, ce serait censurer la culture qui sous-tend aussi la foi. Sur cette affiche, Bilal Hassani éloigne-t-il ou rapproche-t-il de Dieu l'œil qui le regarde ? On conviendra au moins qu'il le questionne.
Dans Charlie Hebdo, le rédacteur en chef de Têtu se dit étonné par la nature des réactions. Celles-ci ne viennent pas seulement « de la part de tradi-cathos et autre manif pour tous, mais de comptes de jeunes, de religion chrétienne, ou bien de religion musulmane, qui s’offusquent que l’on puisse s’en prendre à une religion ».
Thomas Vampouille assure que cette affiche « n’était pas une attaque contre des catholiques » mais visait « des conservateurs qui s’étaient opposés à la PMA ». On appréciera la nuance et son art aussi de manier les images et les mots, quand il ajoute : « C’était plus un clin d’œil qu’un doigt d’honneur?! »
Malgré ses titres réacs, Bilal Hassani est un révolutionnaire. De l’apparence, et donc des repères. La sienne vise d’ailleurs à « bousculer les codes », comme on dit. Le chanteur se pose en icône sociétale de la transidentité dont – qui sait ? – Christiane Taubira pourrait s’emparer si elle se lance dans la course à l’Élysée. Son culte pour l’androgynie dérange les attardés de l’ancien monde et lui vaut encore d’être cyberharcelé. Bref, qu’on le trouve attachant ou agaçant, Bilal Hassani « ne laisse pas indifférent », comme dit Le Monde. Á l’ère du clic, il faut cliver et comme Zemmour, on l’aime on ne l’aime pas. Pour vous faire une idée, regardez sa vidéo Bonsoir Paris en 21 langues. C'est – comment dire ? – délicieusement crispant.
Le 26 novembre, Têtu le désigne « personnalité de l’année ». Le sacre plutôt. Car, pour fêter ça, le magazine LGBT en fait sa couverture sous les traits d’une Madone. Après le roi, la reine. Normal puisque Bilal Hassani pulvérise la frontière entre les sexes. La chose aurait pu s’arrêter là. Mais Têtu – dont l’audience est confidentielle – veut marquer le coup via une campagne d’affichage dans le métro et les gares. Et là, le magazine se retrouve dans une bien curieuse posture :
LCI raconte : « Bilal Hassani, le finaliste de "Danse avec les stars", pose en Une d’un numéro événement habillé en Madone. L’auréole, les doigts levés, le regard tourné vers le ciel… Une atmosphère mystique non règlementaire, selon Mediatransports. La société, qui gère l’espace publicitaire de la RATP et de la SNCF, a en effet retoqué le visuel en question. »
Le plus cocasse, c’est que Têtu est éconduit pour prosélytisme religieux, catholique en l’occurrence ! La mise en scène est jugée « confessionnelle ». « Dans nos contrats avec les opérateurs de transports et en l’espèce la SNCF et la RATP, il nous est impossible d’afficher des visuels où sont présentes des références religieuses », argumente la régie dans Arrêt sur images, à l’origine de cette révélation. Ce veto rappelle le refus essuyé en 2015 par Les Prêtres, le trio musical monté par Mgr Jean-Michel di Falco, alors évêque de Gap. La régie publicitaire de la RATP avait demandé que la mention « au bénéfice des chrétiens d'Orient » ne figurât point sur l’affiche annonçant leur venue à l’Olympia.
De quoi, dans cette histoire, Bilal Hassani est-il le nom ? Pas du prosélytisme religieux. L’argument « confessionnel » est un prétexte. Á l’approche de Noël, la régie ne veut pas offrir à la militance catholique une occasion de se victimiser et de se ranger sous l’étendard zemmourien. Á Villepinte, le candidat promit de « chasser des classes de nos enfants le pédagogisme, l'islamo-gauchisme et l'idéologie LGBT », un thème récurrent de ses ouvrages.
L’autre hypothèse serait que Mediatransports n’ait pas compris le sens de cette affiche. Pourtant, que la Madone fasse l’objet d’un détournement ne fait aucun doute. En êtes-vous si sûr ? Car s’agit-il d’une Madone ? Photographié par Christopher Barraja et habillé par Simon Pylyser, Bilal Hassani apparaît auréolé, les cheveux longs, dans une forme de représentation christique. Cet effet, semble-t-il, n’était pas recherché au départ, précisa Thomas Vampouille, rédacteur en chef de Têtu, invité de Touche pas à mon poste. « Au début, on était parti sur une représentation de Marie. Finalement, beaucoup l'ont pris pour Jésus, pour cette ambiguïté, qui lui va très bien », ajouta-t-il.
L'iconographie chrétienne fascine toujours, et ce n'est pas le moindre des paradoxes du moment. Elle dit quelque chose de pur, d'inaltérable, fait pour grandir l'âme. Tant qu'on la parodie, c'est qu'elle existe. Censurer la pop culture qui la détourne ou la parasite, ce serait censurer la culture qui sous-tend aussi la foi. Sur cette affiche, Bilal Hassani éloigne-t-il ou rapproche-t-il de Dieu l'œil qui le regarde ? On conviendra au moins qu'il le questionne.
Dans Charlie Hebdo, le rédacteur en chef de Têtu se dit étonné par la nature des réactions. Celles-ci ne viennent pas seulement « de la part de tradi-cathos et autre manif pour tous, mais de comptes de jeunes, de religion chrétienne, ou bien de religion musulmane, qui s’offusquent que l’on puisse s’en prendre à une religion ».
Thomas Vampouille assure que cette affiche « n’était pas une attaque contre des catholiques » mais visait « des conservateurs qui s’étaient opposés à la PMA ». On appréciera la nuance et son art aussi de manier les images et les mots, quand il ajoute : « C’était plus un clin d’œil qu’un doigt d’honneur?! »