
Macron tel qu’en lui-même, la France dans tous ses états
Le président a offert à celle-ci une cible déjà copieusement criblée : Élisabeth Borne. Si la première ministre garde la « confiance » du président, elle doit encore faire ses preuves. Selon le président, c’est elle qui aurait « souhaité engager sa responsabilité » en recourant au 49.3 (comme si elle avait pu mettre en œuvre cette procédure sans son accord…) Elle doit à présent « continuer à élargir cette majorité autant qu’elle le pourra », annonce Emmanuel Macron, sans trop paraître y croire car il ajoute : « J’espère qu’elle y arrivera »... Comment en effet ce qui s’est avéré être une mission impossible au lendemain des législatives de juin 2022, pourrait-il être réalisé dans l’atmosphère quasi insurrectionnelle de ce printemps 2023, à l’Assemblée comme dans la rue ? Par un réflexe de salut public, un retournement de l’opinion excédée et effrayée par l’état du pays ? Pari risqué… mais dont on ne jurerait pas qu’Emmanuel Macron ne saurait l’envisager.
Que va faire le président de la République des quatre années restantes de son second quinquennat ? Assurant qu’il n’a pas « droit à l’immobilisme », il énumère les chantiers : l’école, l’hôpital, l’écologie, l’ordre républicain, la réindustrialisation... Mais la loi sur l’immigration, un des sujets qui préoccupent le plus les Français, se voit reportée et découpée en « plusieurs textes » … probablement pour être plus discrètement enterrée. Après avoir fait adopter à la hussarde un allongement de l’âge de la retraite rejetée par une majorité de Français dans sa forme actuelle, le président Macron va-t-il faire passer à la trappe une demande identitaire et sécuritaire exprimée par quasiment autant de citoyens ?
Selon un sondage Odoxa-Backbone consulting réalisé pour Le Figaro (23 mars) au lendemain de l’intervention télévisée du président, celle-ci a eu des effets contre-productifs auprès du trois-quarts (76%) des quelque dix millions de Français qui l’ont suivie, et « semble avoir aggravé le climat social. » Le président a donné l'impression de ne pas comprendre leurs préoccupations (71%) et de ne pas prendre « la mesure de la gravité de la situation » (70%). Enfin, et peut-être surtout, tant le pouvoir a besoin d’une incarnation, Emmanuel Macron est perçu comme n'ayant été ni rassurant (79%), ni modeste (78%).
Et ce qui devait arriver arriva : les manifestations du 23 mars ont tourné à l’émeute dans plusieurs villes de France, capitale en tête. Faut-il pour autant tout faire endosser à Macron et à sa (paramétrique) réforme des retraites ? L’embrasement qui a pris prétexte des propos présidentiels et du recours à l’article 49,3 révèle une crise sociale et politique bien plus profonde, souligne Vincent Trémolet de Villers dans son éditorial du Figaro (en lien ci-dessous) : la « grande déglingue (…) d’un pays hanté par son déclin économique, sa fragmentation culturelle, son vieillissement (…), un pays qui donne l’impression, lui aussi, de vouloir prendre sa retraite… »
