
L’invasion des poulpes a déjà commencé
Comment expliquer cette soudaine déferlante sous-marine ? Plusieurs hypothèses circulent mais aucun avis tranché ne se dégage encore. Les uns notent la baisse (tout aussi inexpliquée) de la population de seiches, elles aussi grandes amatrices de mollusques et autres crustacés. D'autres y voient la conséquence de l'arrêt de l'activité économique au cœur de la pandémie, en 2020. Enfin, certains invoquent des courants plus chauds et des hivers plus doux qui auraient favorisé la reproduction en masse des poulpes. Dans le Morbihan, les volumes pêchés d'Octopus vulgaris sont cette année vingt fois supérieurs à la précédente. Du jamais vu.
Pour autant, faut-il parler d'invasion ? En fait, il s'agit plutôt d'un retour sur nos côtes. Une prolifération du même genre avait déjà été observée dans les années 1950-1960. Entre eaux plus chaudes, réduction du nombre de prédateurs et nourriture abondante, l'espèce adapte très rapidement sa capacité de reproduction à son écosystème. Mais l'hiver très froid de 1962-1963, durant lequel les rivières comme la mer avaient gelé près des côtes, avait apparemment entraîné la mort de toute la population de poulpes. Son grand retour sur nos côtes remonte en fait à quelques années : déjà, en 2016, une étude publiée dans la revue scientifique Current biology montrait que la population mondiale de céphalopodes avait globalement augmenté sur les soixante dernières années.
Après un été historiquement chaud sur la côte Atlantique, comment protéger les fonds de mers ? Cela passera sans doute par un assouplissement le plus rapide possible de la réglementation, de façon à pouvoir pêcher tous ces poulpes. Et ce part tous les moyens – chalut, casier, drague – afin qu'ils cessent de dévorer tout ce qu'ils croisent. Leur valeur commerciale (environ 6 euros le kilo) pourrait inciter les pêcheurs à en pêcher et en vendre de plus en plus pour améliorer leurs revenus, ou compenser les pertes engendrées par leur appétit dévastateur. Ainsi, en 2021, ce sont près de 200 tonnes de poulpes qui ont fini à la criée de Quiberon. Soit 72 fois plus qu'en 2020. De quoi approvisionner les restaurants du sud de l'Europe, dont les clients sont décidément friands de poulpe : chaque année, 130 000 tonnes de poulpes sauvages sont consommés en Europe, soit deux fois plus qu'il y a dix ans.