Politique
L'heure de la vérité vraie
N’en jetez plus ! Sans surprise, Patrick et Isabelle Balkany ont à nouveau été condamnés pour avoir truandé le fisc. Il s’agit du second volet de cette saga judiciaire car, il y a un mois, le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) s’était vu offrir un séjour all inclusive à la prison de la Santé, où il est apparemment beaucoup mieux traité que Carlos Ghosn à Tokyo. Après ce jugement, l’opinion découvrit qu’Isabelle, condamnée elle aussi (mais sans mandat de dépôt), lui succédait à la mairie, en tant que première adjointe et, bien sûr, en parfaite conformité avec la loi. Dans un couplet moralisateur, Nicole Belloubet s'était émue de cette situation : « Je trouve que c'est choquant mais comment faire ? », avait déclaré le ministre de la Justice. Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, s’était aussi affligée du spectacle ainsi donné à la France entière, en précisant tout de même que « le Conseil des ministres [n'a] pas déclenché de processus de révocation » à l'égard du maire de Levallois-Perret. Quant à l'ex-ministre (LR) Éric Woerth (qui avait soutenu l'investiture de Patrick Balkany pour les législatives de 2017), il avait estimé qu’il « ne doit pas se représenter » pour les municipales de mars prochain. Car l’édile, réélu en 2014 à la tête de cette commune cossue des Hauts-de-Seine, pourrait très bien retourner aux urnes ! C’est mardi prochain (22 octobre) que la cour d'appel doit se prononcer sur sa demande de mise en liberté. L’article de L’Express explique bien les scénarios possibles et il n’est pas exclu que Patrick Balkany puisse être candidat de sa cellule !
Quelles leçons peut-on tirer de cet imbroglio politico-judiciaire ?
Au risque de froisser la conscience de certains lecteurs, il y a de quoi trouver cette histoire touchante. Les époux Balkany sont de remarquables storytellers : ils en font des tonnes, vous obligent à les suivre, à s’intéresser à leur vie : elle raconte son suicide, lui est une star en prison, alors que la politique, j’entends les intrigues des partis politiques, ne fabriquent que du dégoût et de l’indifférence. Patrick Balkany correspond tellement au cliché que Les Inconnus exploitent à fond dans leur parodie de la célèbre émission L’Heure de Vérité. Henri Langlois (Didier Bourdon) assume tout avec une effronterie où la vacuité et la préciosité du langage s’accouplent à la vulgarité et à la crapulerie des actes. Le voyou en col blanc. Une sorte de pistoleros des urnes, dépourvu de toutes les barrières du surmoi. Le fric des Riad et des 4x4, soit l’exacte sociologie de Levallois-Perret, avatar des années 80. Les morts de cette ancienne banlieue ouvrière, dont le magnifique cimetière perpétue la mémoire autour de Louise Michel, doivent se demander ce qui justifie encore leur présence en ces lieux. Qu’il serait plaisant de les faire parler !
Ce couple devrait être honni de tous. Ils ne sont mis au ban (et encore) que d’un système dont ils passent pour être les victimes, en jouant à merveille sur la rhétorique du complot judiciaire. Qu’ont-ils d’exceptionnel, Patrick et Isabelle ? Rien ou si peu. Mais une chose joue en leur faveur : ils restent ensemble. Il est là, leur devoir d’exemplarité et l’opinion y est sensible à l’heure où on divorce au moindre coup de grisou sentimental. Et ils ont raison de se battre : la politique n’illusionne plus personne et plus personne n’attend quoi que ce soit des politiques. La justice les rattrape mais qu’est-ce que la justice dans ce domaine ? La morale est récusée à tous les étages de la société. Au nom de quoi les Balkany se conformeraient-ils à un ordre puisque la cupidité, l’accumulation et la jouissance sont les principes de fonctionnement du monde économique ? Pourquoi se tenir à l’écart du festin quand il suffit d’y prendre part ? Les électeurs de Levallois le savent et ne leur en tiennent apparemment pas rigueur dès lors que la ville est gérée conformément à leurs intérêts. La moralisation de la vie publique n'est qu'un discours de surface dans la bouche de tous les Henri Langlois, n'en déplaise à Laurence Vichnievsky, aujourd'hui députée MoDem. L'ex-magistrate affirme que « si les femmes et hommes politiques sont plus souvent mis en examen que par le passé, ça ne tient pas à leurs vertus ou à leur corruption, mais parce que la société veut davantage de transparence et le journalisme d'investigation est plus en avant ». Peut-être. Mais la société fait-elle vraiment de la transparence sa priorité ? Ce concept creux et vicieux à la fois ne mobilise pas l'électeur, lequel veut flinguer son ennui avec des personnages de western : Pasqua, Chirac, Balkany, qu’étaient-ils d’autre ? Des Dalton aux Tontons flingueurs, c'est ça, la politique.
Quelles leçons peut-on tirer de cet imbroglio politico-judiciaire ?
Au risque de froisser la conscience de certains lecteurs, il y a de quoi trouver cette histoire touchante. Les époux Balkany sont de remarquables storytellers : ils en font des tonnes, vous obligent à les suivre, à s’intéresser à leur vie : elle raconte son suicide, lui est une star en prison, alors que la politique, j’entends les intrigues des partis politiques, ne fabriquent que du dégoût et de l’indifférence. Patrick Balkany correspond tellement au cliché que Les Inconnus exploitent à fond dans leur parodie de la célèbre émission L’Heure de Vérité. Henri Langlois (Didier Bourdon) assume tout avec une effronterie où la vacuité et la préciosité du langage s’accouplent à la vulgarité et à la crapulerie des actes. Le voyou en col blanc. Une sorte de pistoleros des urnes, dépourvu de toutes les barrières du surmoi. Le fric des Riad et des 4x4, soit l’exacte sociologie de Levallois-Perret, avatar des années 80. Les morts de cette ancienne banlieue ouvrière, dont le magnifique cimetière perpétue la mémoire autour de Louise Michel, doivent se demander ce qui justifie encore leur présence en ces lieux. Qu’il serait plaisant de les faire parler !
Ce couple devrait être honni de tous. Ils ne sont mis au ban (et encore) que d’un système dont ils passent pour être les victimes, en jouant à merveille sur la rhétorique du complot judiciaire. Qu’ont-ils d’exceptionnel, Patrick et Isabelle ? Rien ou si peu. Mais une chose joue en leur faveur : ils restent ensemble. Il est là, leur devoir d’exemplarité et l’opinion y est sensible à l’heure où on divorce au moindre coup de grisou sentimental. Et ils ont raison de se battre : la politique n’illusionne plus personne et plus personne n’attend quoi que ce soit des politiques. La justice les rattrape mais qu’est-ce que la justice dans ce domaine ? La morale est récusée à tous les étages de la société. Au nom de quoi les Balkany se conformeraient-ils à un ordre puisque la cupidité, l’accumulation et la jouissance sont les principes de fonctionnement du monde économique ? Pourquoi se tenir à l’écart du festin quand il suffit d’y prendre part ? Les électeurs de Levallois le savent et ne leur en tiennent apparemment pas rigueur dès lors que la ville est gérée conformément à leurs intérêts. La moralisation de la vie publique n'est qu'un discours de surface dans la bouche de tous les Henri Langlois, n'en déplaise à Laurence Vichnievsky, aujourd'hui députée MoDem. L'ex-magistrate affirme que « si les femmes et hommes politiques sont plus souvent mis en examen que par le passé, ça ne tient pas à leurs vertus ou à leur corruption, mais parce que la société veut davantage de transparence et le journalisme d'investigation est plus en avant ». Peut-être. Mais la société fait-elle vraiment de la transparence sa priorité ? Ce concept creux et vicieux à la fois ne mobilise pas l'électeur, lequel veut flinguer son ennui avec des personnages de western : Pasqua, Chirac, Balkany, qu’étaient-ils d’autre ? Des Dalton aux Tontons flingueurs, c'est ça, la politique.