
L'heure de la vérité vraie
Quelles leçons peut-on tirer de cet imbroglio politico-judiciaire ?
Au risque de froisser la conscience de certains lecteurs, il y a de quoi trouver cette histoire touchante. Les époux Balkany sont de remarquables storytellers : ils en font des tonnes, vous obligent à les suivre, à s’intéresser à leur vie : elle raconte son suicide, lui est une star en prison, alors que la politique, j’entends les intrigues des partis politiques, ne fabriquent que du dégoût et de l’indifférence. Patrick Balkany correspond tellement au cliché que Les Inconnus exploitent à fond dans leur parodie de la célèbre émission L’Heure de Vérité. Henri Langlois (Didier Bourdon) assume tout avec une effronterie où la vacuité et la préciosité du langage s’accouplent à la vulgarité et à la crapulerie des actes. Le voyou en col blanc. Une sorte de pistoleros des urnes, dépourvu de toutes les barrières du surmoi. Le fric des Riad et des 4x4, soit l’exacte sociologie de Levallois-Perret, avatar des années 80. Les morts de cette ancienne banlieue ouvrière, dont le magnifique cimetière perpétue la mémoire autour de Louise Michel, doivent se demander ce qui justifie encore leur présence en ces lieux. Qu’il serait plaisant de les faire parler !
Ce couple devrait être honni de tous. Ils ne sont mis au ban (et encore) que d’un système dont ils passent pour être les victimes, en jouant à merveille sur la rhétorique du complot judiciaire. Qu’ont-ils d’exceptionnel, Patrick et Isabelle ? Rien ou si peu. Mais une chose joue en leur faveur : ils restent ensemble. Il est là, leur devoir d’exemplarité et l’opinion y est sensible à l’heure où on divorce au moindre coup de grisou sentimental. Et ils ont raison de se battre : la politique n’illusionne plus personne et plus personne n’attend quoi que ce soit des politiques. La justice les rattrape mais qu’est-ce que la justice dans ce domaine ? La morale est récusée à tous les étages de la société. Au nom de quoi les Balkany se conformeraient-ils à un ordre puisque la cupidité, l’accumulation et la jouissance sont les principes de fonctionnement du monde économique ? Pourquoi se tenir à l’écart du festin quand il suffit d’y prendre part ? Les électeurs de Levallois le savent et ne leur en tiennent apparemment pas rigueur dès lors que la ville est gérée conformément à leurs intérêts. La moralisation de la vie publique n'est qu'un discours de surface dans la bouche de tous les Henri Langlois, n'en déplaise à Laurence Vichnievsky, aujourd'hui députée MoDem. L'ex-magistrate affirme que « si les femmes et hommes politiques sont plus souvent mis en examen que par le passé, ça ne tient pas à leurs vertus ou à leur corruption, mais parce que la société veut davantage de transparence et le journalisme d'investigation est plus en avant ». Peut-être. Mais la société fait-elle vraiment de la transparence sa priorité ? Ce concept creux et vicieux à la fois ne mobilise pas l'électeur, lequel veut flinguer son ennui avec des personnages de western : Pasqua, Chirac, Balkany, qu’étaient-ils d’autre ? Des Dalton aux Tontons flingueurs, c'est ça, la politique.