Économie
Les menaces sur Taïwan secouent les puces du monde
Le 2 août dernier, Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine, s’est rendue en visite officielle à Taïwan. Une visite qui a suscité la colère des autorités chinoises, et d’impressionnantes manœuvres militaires simulant l’invasion de l’île. Mais le retour de Taïwan dans le giron chinois permettrait aussi, voire surtout, de mettre la main sur un marché très convoité : celui des semi-conducteurs. Des composants indispensables à la fabrication de produits chaque jour plus nombreux : ordinateurs, smartphones, mais aussi avions ou voitures.
En effet, à elle seule, Taïwan représenterait 59% des parts de marché mondiales, selon les chiffres de la Semi conductor Industry association, loin devant la Corée du sud (16%), les États-Unis (12%), l’Europe (10%) et la Chine (3%). La majeure partie des semi-conducteurs les plus avancés sont ainsi fabriqués par la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC). D’ailleurs, au-delà de ses déploiements de troupes, la Chine a aussi, on l’a peu souligné, gelé ses exportations de sable vers Taïwan. Or le sable est la matière première indispensable à la production du silicium...
Hasard ou conséquence, la visite de Nancy Pelosi, et la réaction chinoise se sont déroulées au lendemain de la signature du Chips Act aux États-Unis. Un vaste plan prévoyant d’investir 52 milliards de dollars d’argent public sur cinq ans pour relancer la production de semi-conducteurs sur le sol national. La pénurie de semi-conducteurs dont souffre le monde à l’heure actuelle, et notamment l’industrie automobile, a remis en lumière leur importance cruciale. Si le risque de rupture de la chaîne logistique des semi-conducteurs est connu depuis longtemps, la prise de conscience à ce sujet, elle, est toute récente. Il aura fallu une pandémie pour mesurer l'ampleur de cette dépendance de l’Occident à l’Asie. Une dépendance européenne et américaine aux puces taïwanaises qui montre à quel point nous avons abandonné notre outil industriel au fil de ces dernières décennies. Et ce au nom des profits et du mythe du «fabless», l’entreprise sans usine sous-traitant toute sa fabrication au bout du monde. Qui se souvient qu’Alain Juppé avait jadis évalué Thomson à 1 euro symbolique, ou que Serge Tchuruk, alors n°1 d'Alcatel, présentait en juin 2001 ce concept comme l’avenir de son entreprise ? Résultat : Alcatel et Thomson sont devenues des marques exploitées par des sociétés chinoises…
Aujourd’hui, à l’inverse du « Fabless », l’Europe travaille également à son propre Chips Act, avec un plan de 42 milliards d’euros, visant à relocaliser des usines de semi-conducteurs sur le Vieux Continent. Objectif : 20% du marché mondial de la production de puces en 2030,selon Mme Von der Leyen. Intel a pour sa part annoncé 17 milliards d’euros d’investissement en Allemagne pour y construire une nouvelle unité de production. En France, STMicroelectronics a dévoilé un investissement de 5,7 milliards d'euros dans une nouvelle usine à Grenoble, avec l’américain GlobalFoundries.
Construire une usine de semi-conducteurs et assurer une production stable prend environ trois ans. Son accomplissement suppose donc que Taïwan demeure indépendante au moins jusqu’en 2026. Et après ? Le plan américain vise également à délocaliser le leader Taïwanais TSMC aux États-Unis. Sous l’administration Trump, TSMC s’était d’ailleurs déjà engagé à investir 12 milliards de dollars en Arizona. En parallèle, début 2022, il annonçait aussi consacrer 44 milliards rien que sur cette année à l’accélération de son développement sur le sol taïwanais, afin de faire face à la demande. Il faut dire qu’une délocalisation totale n’inciterait guère les États-Unis à défendre bec et ongles l’île contre les appétits chinois. Mais difficile de dire si la délocalisation de TSMC dans la patrie d’Intel serait perçue comme une bonne ou une mauvaise chose d’un point de vue chinois. D’un côté, la Chine ne pourrait plus menacer l’Occident d’être privée de semi-conducteurs. De l’autre, la moindre importance stratégique de Taïwan lui permettrait alors de l’intégrer à sa sphère de contrôle. Taïwan sera-t-elle abandonnée par les États-Unis d’ici quatre ans ? Heureusement pour l’île, d’autres impératifs, militaires et stratégiques, laissent supposer que ce ne sera pas le cas.
En effet, à elle seule, Taïwan représenterait 59% des parts de marché mondiales, selon les chiffres de la Semi conductor Industry association, loin devant la Corée du sud (16%), les États-Unis (12%), l’Europe (10%) et la Chine (3%). La majeure partie des semi-conducteurs les plus avancés sont ainsi fabriqués par la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC). D’ailleurs, au-delà de ses déploiements de troupes, la Chine a aussi, on l’a peu souligné, gelé ses exportations de sable vers Taïwan. Or le sable est la matière première indispensable à la production du silicium...
Hasard ou conséquence, la visite de Nancy Pelosi, et la réaction chinoise se sont déroulées au lendemain de la signature du Chips Act aux États-Unis. Un vaste plan prévoyant d’investir 52 milliards de dollars d’argent public sur cinq ans pour relancer la production de semi-conducteurs sur le sol national. La pénurie de semi-conducteurs dont souffre le monde à l’heure actuelle, et notamment l’industrie automobile, a remis en lumière leur importance cruciale. Si le risque de rupture de la chaîne logistique des semi-conducteurs est connu depuis longtemps, la prise de conscience à ce sujet, elle, est toute récente. Il aura fallu une pandémie pour mesurer l'ampleur de cette dépendance de l’Occident à l’Asie. Une dépendance européenne et américaine aux puces taïwanaises qui montre à quel point nous avons abandonné notre outil industriel au fil de ces dernières décennies. Et ce au nom des profits et du mythe du «fabless», l’entreprise sans usine sous-traitant toute sa fabrication au bout du monde. Qui se souvient qu’Alain Juppé avait jadis évalué Thomson à 1 euro symbolique, ou que Serge Tchuruk, alors n°1 d'Alcatel, présentait en juin 2001 ce concept comme l’avenir de son entreprise ? Résultat : Alcatel et Thomson sont devenues des marques exploitées par des sociétés chinoises…
Aujourd’hui, à l’inverse du « Fabless », l’Europe travaille également à son propre Chips Act, avec un plan de 42 milliards d’euros, visant à relocaliser des usines de semi-conducteurs sur le Vieux Continent. Objectif : 20% du marché mondial de la production de puces en 2030,selon Mme Von der Leyen. Intel a pour sa part annoncé 17 milliards d’euros d’investissement en Allemagne pour y construire une nouvelle unité de production. En France, STMicroelectronics a dévoilé un investissement de 5,7 milliards d'euros dans une nouvelle usine à Grenoble, avec l’américain GlobalFoundries.
Construire une usine de semi-conducteurs et assurer une production stable prend environ trois ans. Son accomplissement suppose donc que Taïwan demeure indépendante au moins jusqu’en 2026. Et après ? Le plan américain vise également à délocaliser le leader Taïwanais TSMC aux États-Unis. Sous l’administration Trump, TSMC s’était d’ailleurs déjà engagé à investir 12 milliards de dollars en Arizona. En parallèle, début 2022, il annonçait aussi consacrer 44 milliards rien que sur cette année à l’accélération de son développement sur le sol taïwanais, afin de faire face à la demande. Il faut dire qu’une délocalisation totale n’inciterait guère les États-Unis à défendre bec et ongles l’île contre les appétits chinois. Mais difficile de dire si la délocalisation de TSMC dans la patrie d’Intel serait perçue comme une bonne ou une mauvaise chose d’un point de vue chinois. D’un côté, la Chine ne pourrait plus menacer l’Occident d’être privée de semi-conducteurs. De l’autre, la moindre importance stratégique de Taïwan lui permettrait alors de l’intégrer à sa sphère de contrôle. Taïwan sera-t-elle abandonnée par les États-Unis d’ici quatre ans ? Heureusement pour l’île, d’autres impératifs, militaires et stratégiques, laissent supposer que ce ne sera pas le cas.
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Le Monde