Les États-Unis font face à une crise migratoire sans précédent
International

Les États-Unis font face à une crise migratoire sans précédent

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1237, Publiée le 31/03/2021
Plus de 100 000 migrants ont été arrêtés à la frontière mexicaine en février dernier dont 10 000 étaient des mineurs non accompagnés. Il s’agit d’une hausse significative par rapport au mois précédent (78 000 personnes arrêtées). Seulement 60% de ces migrants ont été renvoyés de l’autre côté de la frontière. Le mois de mars montre une tendance exponentielle avec une moyenne de 5000 arrivées par jour, soit une projection de plus de 150 000 migrants pour le mois. Les images d’enfants entassés dans des enclos font scandale. On avait reproché à Donald Trump de « mettre des enfants dans des cages ». Voilà que son successeur, qui avait promis une approche « humaniste » de l’immigration illégale, laisse la situation se dégrader.

Les autorités des États frontaliers, les forces de l’ordre qui patrouillent, sont débordées. Ni le Président Biden, ni sa Vice-Présidente Harris n’ont prévu de se rendre sur place. « Il ne s’agit pas d’une crise, mais d’une situation d’urgence humanitaire » affirme l’Associated Press et les médias soutenant la Maison Blanche. 67% des Américains considèrent qu’il s’agit bien d’une crise et 57% désapprouvent la gestion de la situation par les autorités fédérales (ABC News/Ipsos). Donald Trump, qui avait fait du combat contre l’immigration illégale, symbolisé par la construction d’un mur le long de la frontière mexicaine, un axe majeur de sa politique, a sauté sur l’occasion en déclarant qu’il se rendrait sur place.

L’immigration clandestine de masse ne coïncide pas avec l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, mais c’est un phénomène récent dans l’histoire américaine. Comme en Europe occidentale, le mouvement migratoire venant du Sud a fortement augmenté depuis les années 80 à cause de l’instabilité politique en Amérique Centrale, des catastrophes climatiques successives, et de la montée en puissance de cartels pour lesquels le trafic d’êtres humains est un « business » lucratif. Alors qu’il y a 40 ans, 2000 personnes en moyenne étaient détenues chaque jour côté américain de la frontière, leur nombre a dépassé les 20 000 dans les années 2000 pour atteindre 50 000 en 2019. Dans le même temps, la répression a baissé : 1 676 438 clandestins étaient appréhendés en 2000, contre 859 501 en 2019 pour un volume migratoire en hausse. Les entreprises en ont profité pour employer une main d’œuvre bon marché et non syndiquée.

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016, avec le slogan « America First », a changé la donne. De grands principes du libéralisme ont été remis en question pour privilégier la production locale et protéger l’emploi. Après le pic de mai 2019 (100 000 migrants appréhendés), l’administration Trump a négocié des accords contraignants avec les États d’Amérique Centrale (« Migration Protection Protocols »). L’effet a été significatif : les arrestations à la frontière sont tombées à 36 000 en janvier 2020. Puis, avec la montée de l’épidémie Covid-19, le gouvernement américain a invoqué en avril 2020 une disposition (« Title 42 ») d’une loi de santé publique datant de 1944 (Public Health Act) pour permettre le renvoi systématique de tous les immigrants illégaux.

La nouvelle administration Démocrate n’a pas remis en question cette disposition restrictive alors que l’épidémie sévit toujours, à une exception près : les mineurs non accompagnés ne sont plus renvoyés – ce qui explique leur très grand nombre (10 000 en février). Car les trafiquants ont vu la brèche : les familles renvoyées l’année dernière font repartir leurs enfants seuls. Le pouvoir actuel porte donc une lourde responsabilité dans le spectacle désolant d’enfants massés dans des enclos exigus.

Les Démocrates au pouvoir refusent de parler de crise. Il s’agit, selon eux, d’un « défi humanitaire » largement dû à la précédente administration. Mais dans The American Conservative (voir l’article en lien ci-dessous), Michael Volpe dénonce la pression idéologique venant des mouvements pro-immigration selon lesquels il ne faudrait pas chercher à contrôler l’immigration, inévitable voire souhaitable. Le 19 mars, une conférence réunissant des associations sous l’égide du « Border Network for Human Rights » a demandé la création d’un réseau de « centres d’accueil ». Il s’agit de rappeler fermement à Joe Biden son engagement de campagne : octroyer la citoyenneté à tous les clandestins. Les groupes d’activistes considèrent qu’ils ont joué un rôle clé dans le basculement de l’Arizona et de la Géorgie du côté Démocrate lors de la présidentielle, et ne comptent pas lâcher prise. Les radicaux de gauche tout comme Donald Trump voient dans la crise actuelle une occasion de faire avancer leur agenda…

En attendant, le trafic humain fait gagner 14 millions de dollars US par jour aux cartels et des milliers d’enfants se trouvent à la merci de dangereux délinquants avant d’être entassés dans des centres.
La sélection
Les États-Unis font face à une crise migratoire sans précédent
More border radicalism from an emboldened left
The American Conservative
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