
Les enfants du millénaire vont-ils changer la société ?
Pour Cécile Van de Velde, ces jeunes adultes, ces "enfants du siècle" "ont une énergie très particulière. Bien sûr, il y a de très fortes inégalités internes, mais certains traits communs émergent. C’est une génération éduquée et très critique, qui peut marquer son histoire. Face à l’adversité, elle cherche un nouveau sens et défend une forme d’existentialisme, elle a envie de vivre ce présent, de redonner du sens, sans peur de la mobilité. "Si on lui laisse les clés, elle aura des choses à changer. Je pense que nous sommes à une fin de cycle, à un moment charnière. Les jeunes portent déjà un nouveau monde, un nouveau rapport au temps, une forme d’accélération de la société. C’est une génération du décalage : du décalage entre le monde dont elle hérite – un monde qui se vit en crise et en déclin –, et le monde qu’elle va porter, le monde de l’ouverture, de la connexion. D’ailleurs, je suis frappée par la forte différence entre la génération des 20 ans, qui commence à jouer sa propre carte, et celle des 30 ans, qui a cru en la promesse sociale et se sent davantage trahie."
Dans cette génération, la chercheuse voit également une évolution du rapport à l’autorité : "on passe du « chef », celui qui donne des ordres indiscutables, à « l’accompagnant », le leader, celui qui va permettre de faire éclore la créativité, l’autonomie, l’être. Ce n’est pas l’autorité en soi qui est remise en cause : quand elle est pensée comme légitime, elle est acceptée. Ce qui est rejeté, c’est l’idée d’une pression absurde, la perte de sens, la sensation d’être réduit dans son être et sa valeur, d’être « marchandisé »". On constate également une défiance de plus en plus forte à l’égard du travail salarié, avec l’apparition de « loyaux critiques » : "ils ont un travail salarié, mais ils n’y croient plus. Ils observent, travaillent, mais ne se sentent pas considérés à leur juste valeur, surtout pendant les premières années. On voit alors monter le rêve d’aller plus loin, ce qui passe souvent par l’indépendance professionnelle."