Politique
Les députés adoptent le « toujours plus d’IVG » mais épargnent l’objection de conscience
Au terme de deux jours de débats, les députés ont adopté, en deuxième lecture, le 30 novembre, la proposition de loi Gaillot « visant à renforcer le droit à l’avortement ». Elle prévoyait notamment : – l’allongement à 14 semaines de grossesse (au lieu de 12) de l’IVG ; – l’autorisation pour les sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales (et non plus seulement médicamenteuses) ; – la suppression du délai de réflexion de 24 heures avant une IVG ; – la mise en place d’un répertoire recensant les professionnels de santé et établissements pratiquant l’IVG ; – le renforcement de la lutte contre la discrimination à la « contraception d’urgence » et au « délit d’entrave à l’IVG » ; – et, pour couronner le tout, la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG.
Seule la clause de conscience a échappé à cet arsenal « tout IVG ». Les députés ont en effet approuvé l’extension du délai légal pour pratiquer une IVG, de 12 à 14 semaines et les mesures qui lui font cortège, par 79 voix pour et 36 voix contre. Les débats furent houleux. L’opposition a eu beau souligner le traumatisme que représente un avortement tardif, tant pour la femme que pour le praticien (avec la nécessité d’écraser un crâne déjà ossifié), elle s’est heurtée à un mur : « Le sujet ce n’est pas la dimension technique de l’acte, le sujet c’est la liberté des femmes à disposer de leur corps », a lancé Albane Gaillot (Groupe Écologie démocratie solidarité, ex-LREM), comme si le corps du fœtus était celui de la mère.
Mais, à la surprise générale, la clause de conscience spécifique à l’avortement a été épargnée. Comme l’a souligné un de ses défenseurs, le député LR Patrick Hetzel, elle pose un principe absolu qui protège tout le personnel de santé, des médecins aux auxiliaires médicaux. Tandis que la clause générale de conscience ne peut pas être invoquée « en cas d’urgence » ou dans celui où le médecin « manquerait à ses devoirs d’humanité », a précisé pour sa part le député LR Thibault Bazin (LR). Ces deux clauses de conscience ne sont donc pas des doublons, comme le prétendent les partisans de la suppression de la clause spécifique. Albane Gaillot a soutenu que celle-ci est « stigmatisante » car « elle fait de l’IVG un acte médical à part ». En effet ! Etrange « acte médical » qui ne vise nullement à soigner ! Même le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, voix du gouvernement, a reconnu que cet acte ne relève pas de la « pratique des soins classiques » … Finalement, après le rejet de plusieurs amendements de l’opposition en faveur de l’objection de conscience spécifique, le coup de théâtre s’est produit : l’amendement du député LR Fabien di Filippo a été adopté. Il avait reçu l’appui d’Adrien Taquet parce qu’il maintenait le répertoire des médecins et établissements pratiquant des avortements. C’est au prix de cette concession que la liberté de conscience des médecins a été sauvée.
Il reste que cette proposition de loi est supposée faciliter davantage encore l’avortement vu comme la seule réponse possible à une grossesse non désirée. Or, avec quelque 220 000 avortements chaque année (une grossesse sur quatre), la France bat déjà des records européens. Il est donc difficile d’arguer d’une entrave à l’avortement en France. C’est plutôt le signe d’un échec de la prévention mais aussi d’une précarité croissante de la population, les femmes aux revenus les plus faibles ayant davantage recours à l’IVG.
La proposition de loi Gaillot reprend un argument utilisé depuis la loi Veil : l’obligation pour des femmes de se rendre à l’étranger pour avorter. Elles seraient aujourd’hui trois à cinq mille à franchir nos frontières pour avoir dépassé le délai légal de 12 semaines. Un chiffre « gonflé » si on le compare à celui du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) qui évalue ces cas à moins de 2 000 par an. Allonger le délai légal de deux semaines aura peu d’incidence sur ce chiffre. En outre, une fois de plus, aucun compte n’est tenu de l’avis des pères. Même remarque pour les professionnels de santé qui ont pourtant élevé la voix pour dire la répulsion que leur inspire une IVG pratiquée à 14 semaines. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français avait mis en garde les députés : « La pénibilité du geste pourrait entraîner une désaffection des professionnels qui les réalisent aujourd’hui ».
Quand la loi sera-t-elle promulguée ? Le gouvernement ne semble pas pressé de l’inscrire à l’ordre du jour. Or, à cause de l’élection présidentielle, la session parlementaire s’achèvera le 28 février prochain. Pour que la proposition de loi soit définitivement adoptée, elle devra repasser devant le Sénat qui, vraisemblablement, la rejettera, comme en première lecture ; elle sera alors examinée par une commission mixte paritaire… dont on ne voit pas comment elle pourrait s’accorder. Certes, le dernier mot reviendra aux députés. Mais entre-temps, l’élection présidentielle pourrait avoir rebattu les cartes.
Seule la clause de conscience a échappé à cet arsenal « tout IVG ». Les députés ont en effet approuvé l’extension du délai légal pour pratiquer une IVG, de 12 à 14 semaines et les mesures qui lui font cortège, par 79 voix pour et 36 voix contre. Les débats furent houleux. L’opposition a eu beau souligner le traumatisme que représente un avortement tardif, tant pour la femme que pour le praticien (avec la nécessité d’écraser un crâne déjà ossifié), elle s’est heurtée à un mur : « Le sujet ce n’est pas la dimension technique de l’acte, le sujet c’est la liberté des femmes à disposer de leur corps », a lancé Albane Gaillot (Groupe Écologie démocratie solidarité, ex-LREM), comme si le corps du fœtus était celui de la mère.
Mais, à la surprise générale, la clause de conscience spécifique à l’avortement a été épargnée. Comme l’a souligné un de ses défenseurs, le député LR Patrick Hetzel, elle pose un principe absolu qui protège tout le personnel de santé, des médecins aux auxiliaires médicaux. Tandis que la clause générale de conscience ne peut pas être invoquée « en cas d’urgence » ou dans celui où le médecin « manquerait à ses devoirs d’humanité », a précisé pour sa part le député LR Thibault Bazin (LR). Ces deux clauses de conscience ne sont donc pas des doublons, comme le prétendent les partisans de la suppression de la clause spécifique. Albane Gaillot a soutenu que celle-ci est « stigmatisante » car « elle fait de l’IVG un acte médical à part ». En effet ! Etrange « acte médical » qui ne vise nullement à soigner ! Même le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, voix du gouvernement, a reconnu que cet acte ne relève pas de la « pratique des soins classiques » … Finalement, après le rejet de plusieurs amendements de l’opposition en faveur de l’objection de conscience spécifique, le coup de théâtre s’est produit : l’amendement du député LR Fabien di Filippo a été adopté. Il avait reçu l’appui d’Adrien Taquet parce qu’il maintenait le répertoire des médecins et établissements pratiquant des avortements. C’est au prix de cette concession que la liberté de conscience des médecins a été sauvée.
Il reste que cette proposition de loi est supposée faciliter davantage encore l’avortement vu comme la seule réponse possible à une grossesse non désirée. Or, avec quelque 220 000 avortements chaque année (une grossesse sur quatre), la France bat déjà des records européens. Il est donc difficile d’arguer d’une entrave à l’avortement en France. C’est plutôt le signe d’un échec de la prévention mais aussi d’une précarité croissante de la population, les femmes aux revenus les plus faibles ayant davantage recours à l’IVG.
La proposition de loi Gaillot reprend un argument utilisé depuis la loi Veil : l’obligation pour des femmes de se rendre à l’étranger pour avorter. Elles seraient aujourd’hui trois à cinq mille à franchir nos frontières pour avoir dépassé le délai légal de 12 semaines. Un chiffre « gonflé » si on le compare à celui du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) qui évalue ces cas à moins de 2 000 par an. Allonger le délai légal de deux semaines aura peu d’incidence sur ce chiffre. En outre, une fois de plus, aucun compte n’est tenu de l’avis des pères. Même remarque pour les professionnels de santé qui ont pourtant élevé la voix pour dire la répulsion que leur inspire une IVG pratiquée à 14 semaines. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français avait mis en garde les députés : « La pénibilité du geste pourrait entraîner une désaffection des professionnels qui les réalisent aujourd’hui ».
Quand la loi sera-t-elle promulguée ? Le gouvernement ne semble pas pressé de l’inscrire à l’ordre du jour. Or, à cause de l’élection présidentielle, la session parlementaire s’achèvera le 28 février prochain. Pour que la proposition de loi soit définitivement adoptée, elle devra repasser devant le Sénat qui, vraisemblablement, la rejettera, comme en première lecture ; elle sera alors examinée par une commission mixte paritaire… dont on ne voit pas comment elle pourrait s’accorder. Certes, le dernier mot reviendra aux députés. Mais entre-temps, l’élection présidentielle pourrait avoir rebattu les cartes.