Les citadins
Société

Les citadins "déconfinés" rêvent de s’installer à la campagne

Par Philippe Oswald. Synthèse n°984, Publiée le 09/06/2020
C’est un effet spectaculaire du confinement : les maisons de campagne connaissent une vogue sans précédent auprès des citadins. Ils rêvaient depuis longtemps de nature, de silence, d’un potager, d’un verger, de quelques poules… voire d’une autarcie alimentaire « bio » quelque peu utopique. Ce rêve d’un vert paradis est devenu obsessionnel pour nombre de ceux qui sont restés confinés plus de deux mois dans un minuscule appartement. Et pour ceux qui avaient pu échapper au verrouillage du 17 mars pour se réfugier dans une résidence secondaire ou auprès de leur famille, le rêve a pris une consistance expérimentale. Le télétravail, qu’ils l’aient pratiqué depuis la campagne ou dans leur appartement, a convaincu beaucoup de ces confinés qu’ils pouvaient sauter le pas. Grâce à l’amélioration constante du réseau Internet et à l’installation dans de petites villes de « tiers lieux », de bureaux à partager, il devient envisageable de ne se rendre dans son entreprise qu’un ou deux jours par semaine.

Ce n’est pas une résidence secondaire, luxe aujourd’hui lourdement taxé, que recherchent ces citadins traumatisés, mais bel et bien une résidence principale. Ils y voient un moyen d’épanouissement et un refuge contre une ville perçue comme de plus en plus oppressante, insalubre, dangereuse. Troquer un 50m² en banlieue parisienne pour une longère en Seine-et-Marne ou dans le Vexin leur paraît un bonheur accessible. Pour moins de 400 000 euros, on peut acquérir un ensemble de deux maisons et une grange offrant 8 chambres dans un village proche de Nemours, ou une chaumière avec 7,6 ha de terrain dans le pays d’Auge, ou encore une maison de 300 mètres carrés habitables avec 200 m² de dépendances, une piscine et 2 ha de terrain, en plein cœur de la Puisaye, chère à Colette.

La progression du marché immobilier rural est spectaculaire : + de 38 % par rapport à l’an dernier. Tandis qu’à Paris, le marché chute de 12%, il explose dans les départements limitrophes (+112% en Seine-et-Marne). Même phénomène en province (ex. : +117% dans l’Ain qui attire les Lyonnais). Certaines agences immobilières enregistrent jusqu’à une centaine de demandes par jour et opèrent une transaction quotidienne. Du jamais vu ! Au rythme du boom que connaît actuellement l’immobilier rural, les professionnels estiment que 10% des Français, soit 200 000 ménages, pourraient s’installer à la campagne dans les prochains mois. Après la crise sanitaire, la boutade qu’on attribue à Alphonse Allais : « On devrait construire les villes à la campagne, car l'air y est plus pur ! », paraît moins loufoque. Il n’est évidemment pas question de recréer des rurbains, mais de repeupler nos campagnes d’une marée d’ex-citadins.
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