
L’Eglise et les migrants : un effort de pédagogie s’impose !
Il rappelle d’abord le contexte : le message annuel pour la journée mondiale du migrant n’est pas le discours programmatique d’un politique. Le pape y souligne la centralité de la personne humaine : « Les migrants ne sont ni des pions, ni une espèce de masse informe, une main d'œuvre ou bien une menace. Ils sont avant tout des personnes » résume Marc Fromager. Ils sont même des frères à évangéliser, les flux migratoires offrant une opportunité d’évangélisation comme le rappelle le pape François dans son message. Reste à savoir comment nous répondons en France aux musulmans qui frappent à la porte des églises ? (A-t-on vraiment rompu avec l’époque où on les renvoyait poliment en leur conseillant d’être « de bons musulmans » ?)
Marc Fromager salue donc la place essentielle que l’Eglise donne à la personne du migrant, au cœur du message du pape. Mais il le trouve pessimiste dans son approche du phénomène des migrations, comme s’il s’agissait d’une fatalité qui n’aurait pour seule solution que l’ouverture des frontières. C’est seulement en analysant les causes des flux migratoires que l’Eglise sera « prophétique » en osant par exemple parler de l'ingérence des occidentaux en Afrique ou au Moyen-Orient ou bien du suicide démographique occidental. »
Evoquant le cas de la Syrie, le directeur de l’AED souligne que seulement la moitié des migrants venus en Europe depuis deux ans sont des réfugiés syriens, les autres étant principalement des réfugiés économiques. Surtout, il constate que sur 22 millions de Syriens que comptait le pays au début de la guerre, 9 millions se sont déplacés à l'intérieur du pays et 5 millions ont trouvé refuge dans les pays voisins (Liban, Jordanie, Turquie) : « 9 millions de Syriens déplacés : cela signifie bien qu'on n'est pas forcément obligé de quitter son pays lorsqu'il est en guerre mais qu'il est possible de rejoindre pour un temps des régions non-exposées. » C’est aussi ce qu’ont fait dans leur majorité les chrétiens du nord de l'Irak, lors de l'invasion de la plaine de Ninive par Daech en 2014, encouragés par l’Eglise locale à ne pas immigrer, ce qui aurait consacré la victoire de l’Etat islamique dont l’un des buts principaux est de vider le Moyen-Orient des chrétiens.
« Quitter son pays n'est donc pas une fatalité » conclut Marc Fromager qui souligne que l'Aide à l'Eglise en Détresse (AED) a déjà dépensé plus de 35 millions d'euros dans le nord de l'Irak. « On pourrait même se demander s'il est charitable de favoriser les départs quand on pense à la reconstruction des pays touchés par la guerre » ajoute-t-il. Aux Européens, et pas seulement aux gouvernants, de s’interroger sur ce qu’ils font concrètement pour aider ces populations menacées par la guerre ou par la misère à rester ou à revenir dans leur pays.