Économie
Le vertigineux trou d’air de Boeing
737 : un numéro noir pour Boeing qui cède pour 2019 la première place mondiale à Airbus. Alors que les quelque 700 exemplaires de son avion vedette, le 737 MAX, restent cloués au sol -une catastrophe industrielle sans précédent dans l’histoire de l’aéronautique ! -, c’est au tour d’une cinquantaine d’appareils du modèle précédent, le 737 NG (appartenant pour la plupart à la compagnie aérienne australienne Qantas et à la coréenne Korean Air), d’être consignés sur le plancher des vaches après la découverte de fissures structurelles. Ces fissures (la première a été découverte sur un exemplaire en Chine, déclenchant des inspections d’urgence de la FAA, l'agence fédérale américaine de l'aviation) affectent la partie de l'avion permettant de lier les ailes au fuselage et de gérer les contraintes et les forces aérodynamiques. Sur un millier d'appareils inspectés jusqu’à présent, 5%, soit une cinquantaine d’avions, ont dû être immobilisés pour être réparés. Toutefois, alors que la FAA n’avait ordonné l’inspection que des 737 NG ayant volé plus de 30 000 fois, la découverte par Qantas d’une fissure sur un appareil ayant effectué moins de 27 000 vols a provoqué des appels à l'immobilisation de toute la flotte 737, émanant d’ingénieurs en aéronautique. Si ces appels étaient entendus, les 373 avions de ce modèle seraient immobilisés pour réparation (coût : environ 275 000 dollars par avion) pendant qu'Airbus engrange des commandes importantes avec son modèle concurrent, l’A320.
Cette nouvelle tombe mal, si l’on ose dire. Elle coïncide avec l’audition au Congrès des Etats-Unis, les 29 et 30 octobre, du patron de Boeing, Dennis Muilenburg, à propos des deux crashs de 737 MAX survenus peu après le décollage en Indonésie (compagnie Lion Air, 29 octobre 2018, 189 morts) et en Ethiopie (Ethiopian Airlines, 10 mars 2019, 157 morts). Ces tragédies dues à des dysfonctionnements du MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System), un logiciel censé empêcher l'appareil de partir en piqué, ont cloué au sol depuis sept mois tous les 737 MAX. Le patron de Boeing a été « cuisiné » sans ménagement pendant plus de cinq heures par les sénateurs américains et les représentants des commissions des transports. Ses interrogateurs n’avaient que l’embarras du choix pour produire des accusations accablantes pour Boeing : dissimulation des dysfonctionnements du MCAS repérés avant même son entrée en service, absence dans le manuel d'exploitation du MCAS dont l’existence même était cachée aux pilotes (!), possibilité d'éviter le deuxième accident si l’on avait tenu compte des leçons du premier, dysfonctionnements du processus de certification, défaillances dans la culture de sécurité chez Boeing... Très ému, au bord des larmes tandis que des proches des victimes, présents dans l’assistance, brandissaient leurs portraits, Dennis Muilenburg n’a pas nié sa responsabilité dans ces accidents, tout en affirmant maladroitement sa conviction que le 737 MAX était « l'un des avions les plus sûrs à avoir jamais volé ». Il a assuré que les défauts identifiés étaient sur le point d’être corrigés : activation du système à partir de deux capteurs d'incidence au lieu d’un seul, équipement en série d'un système d'alerte (jusque-là en option !) en cas de divergence dans les données d'angle d'attaque (AOA) fournies par ces capteurs, limitation du MCAS à une seule activation par vol, des activations répétées du système à intervalles réduits ayant contribué aux deux crashs du 737 MAX, faculté donnée aux pilotes d’ « outrepasser le MCAS à n'importe quel moment », autrement dit de ne plus assister, impuissants, aux diktats d’une informatique devenue folle…
« Nous sommes dans la phase finale », a assuré le directeur général de Boeing. Il a précisé que ses équipes avaient réalisé plus de 100 000 heures de travail d'ingénierie et de tests, mené 814 vols d'essais en collaboration avec la FAA, et multiplié les sessions en simulateurs avec des représentants de 99 compagnies et de 41 autorités de régulations mondiales. Il reviendra ensuite à la FAA d’ouvrir la voie à des vols de certification et de publier une directive de navigabilité (AD). Toujours selon le patron de Boeing, cela pourrait encore prendre plusieurs semaines, voire quelques mois. Reste à savoir si le conseil d'administration de Boeing (dont le bénéfice net trimestriel est en recul de 51% mais dont le carnet de commandes total s’élève malgré tout à 470 milliards de dollars), aura maintenu Dennis Muilenburg aux commandes de Boeing d’ici-là…
Une équipe de chercheurs français du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) à laquelle furent confiés les paramètres de vol et les conversations dans le cockpit du Boeing 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines, a retracé son vol de six minutes jusqu’au crash. En lien, ci-dessous, cette séquence reconstituée en 3D.
Cette nouvelle tombe mal, si l’on ose dire. Elle coïncide avec l’audition au Congrès des Etats-Unis, les 29 et 30 octobre, du patron de Boeing, Dennis Muilenburg, à propos des deux crashs de 737 MAX survenus peu après le décollage en Indonésie (compagnie Lion Air, 29 octobre 2018, 189 morts) et en Ethiopie (Ethiopian Airlines, 10 mars 2019, 157 morts). Ces tragédies dues à des dysfonctionnements du MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System), un logiciel censé empêcher l'appareil de partir en piqué, ont cloué au sol depuis sept mois tous les 737 MAX. Le patron de Boeing a été « cuisiné » sans ménagement pendant plus de cinq heures par les sénateurs américains et les représentants des commissions des transports. Ses interrogateurs n’avaient que l’embarras du choix pour produire des accusations accablantes pour Boeing : dissimulation des dysfonctionnements du MCAS repérés avant même son entrée en service, absence dans le manuel d'exploitation du MCAS dont l’existence même était cachée aux pilotes (!), possibilité d'éviter le deuxième accident si l’on avait tenu compte des leçons du premier, dysfonctionnements du processus de certification, défaillances dans la culture de sécurité chez Boeing... Très ému, au bord des larmes tandis que des proches des victimes, présents dans l’assistance, brandissaient leurs portraits, Dennis Muilenburg n’a pas nié sa responsabilité dans ces accidents, tout en affirmant maladroitement sa conviction que le 737 MAX était « l'un des avions les plus sûrs à avoir jamais volé ». Il a assuré que les défauts identifiés étaient sur le point d’être corrigés : activation du système à partir de deux capteurs d'incidence au lieu d’un seul, équipement en série d'un système d'alerte (jusque-là en option !) en cas de divergence dans les données d'angle d'attaque (AOA) fournies par ces capteurs, limitation du MCAS à une seule activation par vol, des activations répétées du système à intervalles réduits ayant contribué aux deux crashs du 737 MAX, faculté donnée aux pilotes d’ « outrepasser le MCAS à n'importe quel moment », autrement dit de ne plus assister, impuissants, aux diktats d’une informatique devenue folle…
« Nous sommes dans la phase finale », a assuré le directeur général de Boeing. Il a précisé que ses équipes avaient réalisé plus de 100 000 heures de travail d'ingénierie et de tests, mené 814 vols d'essais en collaboration avec la FAA, et multiplié les sessions en simulateurs avec des représentants de 99 compagnies et de 41 autorités de régulations mondiales. Il reviendra ensuite à la FAA d’ouvrir la voie à des vols de certification et de publier une directive de navigabilité (AD). Toujours selon le patron de Boeing, cela pourrait encore prendre plusieurs semaines, voire quelques mois. Reste à savoir si le conseil d'administration de Boeing (dont le bénéfice net trimestriel est en recul de 51% mais dont le carnet de commandes total s’élève malgré tout à 470 milliards de dollars), aura maintenu Dennis Muilenburg aux commandes de Boeing d’ici-là…
Une équipe de chercheurs français du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) à laquelle furent confiés les paramètres de vol et les conversations dans le cockpit du Boeing 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines, a retracé son vol de six minutes jusqu’au crash. En lien, ci-dessous, cette séquence reconstituée en 3D.