Médias
Le soir du premier tour, TF1 vote Jacquouille la Fripouille
Une première sur la une : le 10 avril, TF1 arrêtera à 21h30 sa soirée électorale du premier tour de la présidentielle pour passer… Les Visiteurs ! Multidiffusée, la comédie de Jean-Marie Poiré (1993) enregistre chaque fois des succès d'audiences.
La première chaîne motive ainsi sa décision : « Dans la partie chaude d'une heure et demie (à partir de l'officialisation des résultats à 20h00, ndlr), on peut avoir donné l'intégralité des faits, des résultats, des réactions, des commentaires », indique Thierry Thuillier, directeur général adjoint du pôle Information du groupe TF1. Traditionnellement, lors des longues soirées électorales, observe-t-il, « vous aviez le plateau du 20h00 de TF1 qui arrivait sur le plateau de France 2 à 21h00 et vice-versa, et vous aviez encore des commentaires et des plateaux politiques, mais honnêtement sans beaucoup avancer ».
La sentence est rude : que la première soirée électorale du premier tour du premier rendez-vous politique en France sur la première chaîne soit rétrécie n’est pas anodin et quand ça se passe sur TF1, ça l’est encore moins. La plupart des Français ne s’informent pas via les réseaux sociaux ou les chaînes d’info continue. Le numéro un de la télévision en France demeure un lieu fédérateur et un rouleau compresseur de l’opinion. Aujourd’hui, TF1 dit qu'avec les politiques, on épuise vite le sujet. Si on la prolonge, une soirée électorale vide la salle !
Un tel format est une première « pour la présidentielle, mais pas pour les autres élections, y compris législatives », avance TF1. Mais il n’y a pas de raisons que ce changement de format n’ouvre pas la voie à une nouvelle ère. « Quand les Français ne viennent pas voir un certain nombre de rendez-vous politiques, c'est peut-être qu'ils ne sont pas adaptés aux attentes des téléspectateurs », observe Thierry Thuillier.
Comment expliquer cette évolution ? Il y a plusieurs raisons, aux racines plus ou moins profondes et lointaines :
La première, c’est qu’il n’y a (presque) pas de campagne. Ce qui est aussi une première. Pas de déplacements, pas de bains de foule, pas de débat télévisé : c’est service minimum pour le président-candidat. Son camp excipe de la guerre en Ukraine. Sauf que dès le mois de janvier, le chef de l’État choisit de se délier de toute obligation de s’expliquer, en particulier sur sa gestion de la crise sanitaire. Il saisit l'occasion de la présidence française de l'UE pour délaisser le champ clos de la concurrence interne. TF1 en tire la leçon. Si le président ne fait pas campagne lui-même, pourquoi la TV le ferait-elle à sa place ?
La deuxième raison découle de la première : l'absence de suspens. On se dit que c’est déjà plié. Emmanuel Macron avoisine les 30% des intentions de vote au premier tour, devançant la candidate du RN Marine Le Pen, créditée de 20%. On se dirige vers le scénario souhaité par l’exécutif, même si l’incertitude sur la deuxième place perdure. Faire campagne se serait justifié si un autre scénario ressortait des études d’opinion.
La troisième raison découle de la deuxième, même paradoxalement : c’est la peur de l’imprévu. L’opinion étant indéchiffrable, personne ne bouge. Dans Le Figaro, Guillaume Peltier se dit persuadé qu’Éric Zemmour sera au second tour. Le vice-président exécutif de Reconquête! estime que « la crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont bouleversé la fiabilité des données ». Le jeu reste ouvert pour quatre raisons : « l’incertitude de la participation, le différentiel de sociologie électorale, le moment, très retardé, de la cristallisation et bien sûr, le vote caché. » Mais tous ces éléments sont si peu mesurables que TF1 préfère ne pas capitaliser dessus.
Quatrième raison : le temps médiatique. Et si la campagne commençait maintenant ? Á deux semaines du scrutin, 4 électeurs sur 10 hésitent encore. On ne parle même pas des abstentionnistes. L’indice de volatilité est de 39 %. Á la même échéance en 2017, il était de 38 %. « Cette hésitation en fin de parcours n'est donc pas propre à 2022, en revanche c'est quelque chose qui monte en puissance », estime Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion. Cette fébrilité traduit l’influence des réseaux sociaux et du facteur émotionnel. Un rien peut faire changer de bulletin au dernier moment.
Cinquième raison : la crise de l’offre et de la demande. « On a des choix de moins en moins déterminés par des appartenances collectives et plus par des vécus individuels », relève Adélaïde Zulfikarpasic. Le vote n’est plus porté par des corps intermédiaires. Les bulles sur Internet ne reconstituent pas les affiliations partisanes. TF1 se désengage doucement d’un marché politique qui semble en apesanteur. Ce spectacle se retrouve relégué sur les chaînes d’info continue.
Ce n’est pas un hasard si TF1 préfère Les Visiteurs. Jacquouille la Fripouille, c’est un peu la Grande Vadrouille : une valeur sûre et familiale. Mais, à qui saura décrypter ce film, celui-ci recèle un message politique, un conflit de valeurs et de loyauté entre une société démocratique et aristocratique.
Mais ce genre de considération échappe sans doute à TF1.
La première chaîne motive ainsi sa décision : « Dans la partie chaude d'une heure et demie (à partir de l'officialisation des résultats à 20h00, ndlr), on peut avoir donné l'intégralité des faits, des résultats, des réactions, des commentaires », indique Thierry Thuillier, directeur général adjoint du pôle Information du groupe TF1. Traditionnellement, lors des longues soirées électorales, observe-t-il, « vous aviez le plateau du 20h00 de TF1 qui arrivait sur le plateau de France 2 à 21h00 et vice-versa, et vous aviez encore des commentaires et des plateaux politiques, mais honnêtement sans beaucoup avancer ».
La sentence est rude : que la première soirée électorale du premier tour du premier rendez-vous politique en France sur la première chaîne soit rétrécie n’est pas anodin et quand ça se passe sur TF1, ça l’est encore moins. La plupart des Français ne s’informent pas via les réseaux sociaux ou les chaînes d’info continue. Le numéro un de la télévision en France demeure un lieu fédérateur et un rouleau compresseur de l’opinion. Aujourd’hui, TF1 dit qu'avec les politiques, on épuise vite le sujet. Si on la prolonge, une soirée électorale vide la salle !
Un tel format est une première « pour la présidentielle, mais pas pour les autres élections, y compris législatives », avance TF1. Mais il n’y a pas de raisons que ce changement de format n’ouvre pas la voie à une nouvelle ère. « Quand les Français ne viennent pas voir un certain nombre de rendez-vous politiques, c'est peut-être qu'ils ne sont pas adaptés aux attentes des téléspectateurs », observe Thierry Thuillier.
Comment expliquer cette évolution ? Il y a plusieurs raisons, aux racines plus ou moins profondes et lointaines :
La première, c’est qu’il n’y a (presque) pas de campagne. Ce qui est aussi une première. Pas de déplacements, pas de bains de foule, pas de débat télévisé : c’est service minimum pour le président-candidat. Son camp excipe de la guerre en Ukraine. Sauf que dès le mois de janvier, le chef de l’État choisit de se délier de toute obligation de s’expliquer, en particulier sur sa gestion de la crise sanitaire. Il saisit l'occasion de la présidence française de l'UE pour délaisser le champ clos de la concurrence interne. TF1 en tire la leçon. Si le président ne fait pas campagne lui-même, pourquoi la TV le ferait-elle à sa place ?
La deuxième raison découle de la première : l'absence de suspens. On se dit que c’est déjà plié. Emmanuel Macron avoisine les 30% des intentions de vote au premier tour, devançant la candidate du RN Marine Le Pen, créditée de 20%. On se dirige vers le scénario souhaité par l’exécutif, même si l’incertitude sur la deuxième place perdure. Faire campagne se serait justifié si un autre scénario ressortait des études d’opinion.
La troisième raison découle de la deuxième, même paradoxalement : c’est la peur de l’imprévu. L’opinion étant indéchiffrable, personne ne bouge. Dans Le Figaro, Guillaume Peltier se dit persuadé qu’Éric Zemmour sera au second tour. Le vice-président exécutif de Reconquête! estime que « la crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont bouleversé la fiabilité des données ». Le jeu reste ouvert pour quatre raisons : « l’incertitude de la participation, le différentiel de sociologie électorale, le moment, très retardé, de la cristallisation et bien sûr, le vote caché. » Mais tous ces éléments sont si peu mesurables que TF1 préfère ne pas capitaliser dessus.
Quatrième raison : le temps médiatique. Et si la campagne commençait maintenant ? Á deux semaines du scrutin, 4 électeurs sur 10 hésitent encore. On ne parle même pas des abstentionnistes. L’indice de volatilité est de 39 %. Á la même échéance en 2017, il était de 38 %. « Cette hésitation en fin de parcours n'est donc pas propre à 2022, en revanche c'est quelque chose qui monte en puissance », estime Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion. Cette fébrilité traduit l’influence des réseaux sociaux et du facteur émotionnel. Un rien peut faire changer de bulletin au dernier moment.
Cinquième raison : la crise de l’offre et de la demande. « On a des choix de moins en moins déterminés par des appartenances collectives et plus par des vécus individuels », relève Adélaïde Zulfikarpasic. Le vote n’est plus porté par des corps intermédiaires. Les bulles sur Internet ne reconstituent pas les affiliations partisanes. TF1 se désengage doucement d’un marché politique qui semble en apesanteur. Ce spectacle se retrouve relégué sur les chaînes d’info continue.
Ce n’est pas un hasard si TF1 préfère Les Visiteurs. Jacquouille la Fripouille, c’est un peu la Grande Vadrouille : une valeur sûre et familiale. Mais, à qui saura décrypter ce film, celui-ci recèle un message politique, un conflit de valeurs et de loyauté entre une société démocratique et aristocratique.
Mais ce genre de considération échappe sans doute à TF1.