Santé
Le scandale des EHPAD va éclipser celui du sang contaminé
Le scandale sanitaire et financier dit « du sang contaminé » est encore dans les mémoires : au cours de la décennie 1980-1990, 1350 hémophiles furent contaminés par le VIH (sida) au cours de transfusions, et près d’un millier d’entre eux en moururent. Trois médecins furent condamnés à des peines de prison dans cette affaire : deux directeurs du Centre national de transfusion sanguine pour « tromperie », et le troisième, directeur général de la Santé, pour « non-assistance à personne en danger ». Puis vint le tour des politiques : en février 1999, pour la première fois depuis le début de la Ve République, trois ex-ministres comparaissaient devant la Cour de justice de la République pour « homicide involontaire » : l’ancien Premier ministre Laurent Fabius et les ex-secrétaires d’État Georgina Dufoix et Edmond Hervé. Dufoix et Fabius furent acquittés. Hervé fut condamné, mais dispensé de peine. Les politiques bénéficieront-ils d’une telle mansuétude quand viendra l’heure de juger la façon dont ils ont conduit les opérations dans cette crise sanitaire d’une tout autre ampleur ?
Ce qu’on peut appeler dès maintenant « le scandale des Ehpad » n’est qu’un aspect du fiasco français face à la Covid-19. Mais il concentre les principales faillites de cette tragédie nationale. L’enquête du magazine « Pièces à conviction » diffusée hier soir (18 novembre) sur France 3 (en lien ci-dessous) a levé crûment le voile sur son ampleur et sa cruauté. Sur les 46 698 personnes décédées de la Covid-19 en France, près du tiers (14 530) sont des pensionnaires d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) publics et privés. Les dysfonctionnements dont témoignent les familles, pensionnaires, soignants, responsables administratifs sont atterrants. Les plus connus concernent l’absence de tests, de masques et de moyens de protection durant les trois premières semaines du mois de mars. Faute de tests, certains établissements ont même mélangé malades et bien portants dans une « unité Covid ». Conséquence : des contaminations en chaîne des pensionnaires et du personnel (18 000 salariés contaminés). Les hôpitaux étant débordés, un tri a été opéré entre les personnes âgées dont la plupart n’ont pas été admises en soins intensifs à l’hôpital au mépris du principe d’égalité d’accès aux soins. Elles sont donc restées prisonnières des Ehpad et pour trop d’entre elles, condamnées à une mort horrible par asphyxie en raison de l’absence de dispositifs pour distribuer de l’oxygène dans la plupart des Ehpad, équipés comme des résidences hôtelières, non comme des établissements hospitaliers. Mais aussi à cause de l’absence de médecin à demeure et du manque de personnel soignant.
Non seulement les résidents ont été privés des soins que requérait leur état, mais d’absurdes et inhumaines consignes gouvernementales les ont claquemurés pendant des semaines dans leurs chambres. Ils ont été privés de toute sortie, de possibilité de marcher, de tout contact avec la nature. Censé les protéger, cet isolement en a conduits certains à se laisser « glisser ». D’autant que les visites de leurs familles étaient interdites ! En somme, comme le dit une « rescapée » dans ce reportage saisissant, on leur a refusé des droits élémentaires, accordés aux prisonniers ! Quant à leurs proches, beaucoup se sont heurtés à un mur de silence lorsqu’ils ont demandé des nouvelles de leurs parents ou grands-parents. Pire : certains ont appris l’état réel de l’être cher… en recevant un avis de décès. Sans avoir pu leur adresser, même à distance, un dernier adieu.
Dans quelles circonstances ces décès sont-ils survenus ? Souvent par asphyxie, on l’a dit. Mais pour épargner une douloureuse agonie aux pensionnaires considérés comme perdus, un « protocole compassionnel » décrété dans l’urgence a incité le personnel des Ehpad à utiliser des médicaments réservés aux soins palliatifs. Dont un sédatif, le Rivotril, habituellement interdit en médecine de ville et dans les Ehpad. Comme nous l’avions soupçonné alors (cf. LSDJ n°964), c’est bien une forme d’euthanasie que le personnel des Ehpad a été invité à pratiquer. Plusieurs cadres de santé confient dans ce reportage leur profond désarroi : « Quand on a reçu ces directives, ça nous a choqués, témoigne l’une d’elles. Là, on ne donnait aucune chance aux personnes âgées de s'en sortir. » Plus carrément, une autre, médecin en Ehpad public, accuse : « On a abrégé les souffrances des gens. Moi, j'appelle ça l'euthanasie. Qu'on ait osé nous demander de piquer nos patients pour les faire partir plus vite, c'est insupportable. » Rien d’étonnant, donc, si dans l’enquête ouverte depuis le début de l’été par la Cour de Justice de la République (CJR) contre neuf ministres ou ex-ministres (dont Edouard Phillipe et Olivier Véran), le contentieux le plus massif émane des familles des personnes placées en Ehpad.
Ce qu’on peut appeler dès maintenant « le scandale des Ehpad » n’est qu’un aspect du fiasco français face à la Covid-19. Mais il concentre les principales faillites de cette tragédie nationale. L’enquête du magazine « Pièces à conviction » diffusée hier soir (18 novembre) sur France 3 (en lien ci-dessous) a levé crûment le voile sur son ampleur et sa cruauté. Sur les 46 698 personnes décédées de la Covid-19 en France, près du tiers (14 530) sont des pensionnaires d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) publics et privés. Les dysfonctionnements dont témoignent les familles, pensionnaires, soignants, responsables administratifs sont atterrants. Les plus connus concernent l’absence de tests, de masques et de moyens de protection durant les trois premières semaines du mois de mars. Faute de tests, certains établissements ont même mélangé malades et bien portants dans une « unité Covid ». Conséquence : des contaminations en chaîne des pensionnaires et du personnel (18 000 salariés contaminés). Les hôpitaux étant débordés, un tri a été opéré entre les personnes âgées dont la plupart n’ont pas été admises en soins intensifs à l’hôpital au mépris du principe d’égalité d’accès aux soins. Elles sont donc restées prisonnières des Ehpad et pour trop d’entre elles, condamnées à une mort horrible par asphyxie en raison de l’absence de dispositifs pour distribuer de l’oxygène dans la plupart des Ehpad, équipés comme des résidences hôtelières, non comme des établissements hospitaliers. Mais aussi à cause de l’absence de médecin à demeure et du manque de personnel soignant.
Non seulement les résidents ont été privés des soins que requérait leur état, mais d’absurdes et inhumaines consignes gouvernementales les ont claquemurés pendant des semaines dans leurs chambres. Ils ont été privés de toute sortie, de possibilité de marcher, de tout contact avec la nature. Censé les protéger, cet isolement en a conduits certains à se laisser « glisser ». D’autant que les visites de leurs familles étaient interdites ! En somme, comme le dit une « rescapée » dans ce reportage saisissant, on leur a refusé des droits élémentaires, accordés aux prisonniers ! Quant à leurs proches, beaucoup se sont heurtés à un mur de silence lorsqu’ils ont demandé des nouvelles de leurs parents ou grands-parents. Pire : certains ont appris l’état réel de l’être cher… en recevant un avis de décès. Sans avoir pu leur adresser, même à distance, un dernier adieu.
Dans quelles circonstances ces décès sont-ils survenus ? Souvent par asphyxie, on l’a dit. Mais pour épargner une douloureuse agonie aux pensionnaires considérés comme perdus, un « protocole compassionnel » décrété dans l’urgence a incité le personnel des Ehpad à utiliser des médicaments réservés aux soins palliatifs. Dont un sédatif, le Rivotril, habituellement interdit en médecine de ville et dans les Ehpad. Comme nous l’avions soupçonné alors (cf. LSDJ n°964), c’est bien une forme d’euthanasie que le personnel des Ehpad a été invité à pratiquer. Plusieurs cadres de santé confient dans ce reportage leur profond désarroi : « Quand on a reçu ces directives, ça nous a choqués, témoigne l’une d’elles. Là, on ne donnait aucune chance aux personnes âgées de s'en sortir. » Plus carrément, une autre, médecin en Ehpad public, accuse : « On a abrégé les souffrances des gens. Moi, j'appelle ça l'euthanasie. Qu'on ait osé nous demander de piquer nos patients pour les faire partir plus vite, c'est insupportable. » Rien d’étonnant, donc, si dans l’enquête ouverte depuis le début de l’été par la Cour de Justice de la République (CJR) contre neuf ministres ou ex-ministres (dont Edouard Phillipe et Olivier Véran), le contentieux le plus massif émane des familles des personnes placées en Ehpad.