Le retour des loups en Europe
Écologie

Le retour des loups en Europe

Par Jean-David Ponci. Synthèse n°1817, Publiée le 08/02/2023 - Photo Shutterstock
Réapparus en Europe centrale dans les années 90, les loups sont en train de recoloniser les Alpes et le Jura. Si de nombreux médias accueillent cette nouvelle positivement comme un retour bienvenu de la nature sauvage, les éleveurs peinent à faire entendre que cela complique leur travail et pose des problèmes de sécurité. C’est notamment le cas de Kim Berney, un éleveur bio du village des Bioux, situé dans la vallée de Joux en Suisse, non loin de la frontière française. Kim lutte depuis des années pour que les autorités prennent les mesures nécessaires devant la multiplication des loups. Les bêtes seraient déjà une cinquantaine rien que dans sa région et elles en viennent à s’attaquer à des proies de plus en plus grosses. Kim a déjà perdu neuf vaches et plusieurs dizaines d’ovins ces deux dernières années...

Le prédateur pourrait devenir dangereux pour l’homme lui-même. Juste avant Noël, deux cerfs se sont fait dévorer en plein centre du village des Bioux. Désormais, les mamans craignent de laisser leurs enfants jouer dans la neige. Même inquiétude à Masein, dans les Grisons : le loup a traversé à plusieurs reprises le chemin qu’empruntent les enfants pour aller à l’école, si bien que les élèves sont dorénavant incités à s’y rendre en faisant du bruit et en restant groupés (cf. notre sélection).

La présence du carnivore perturbe aussi beaucoup le bétail, qui devient plus agressif. Récemment, un berger de longue date et ami de Kim Berney a été grièvement blessé en pleine nuit par une vache qui l’a piétiné. S’il n’avait pas à déplorer d’incident jusqu’alors, Kim doit désormais faire face, depuis deux ans, à des plaintes de promeneurs inquiets du comportement de ses bovins sur les alpages du Mont-Tendre. L’éleveur a dû installer des écriteaux pour les prévenir du danger...

Du côté des institutions touristiques de la région, le constat est beaucoup moins alarmiste. Selon un employé de Noa Guides, une entreprise qui organise des excursions autour de Mouthe, la ville française voisine connue comme étant la plus froide de France, le loup ajoute du piment à ses excursions : c’est devenu le sujet favori des randonneurs qui espèrent avoir la chance de l’observer. Le guide explique que, contrairement au XIXème siècle, ces loups ne se sentent pas menacés : ils n’ont donc aucune raison de s’attaquer à l’homme.

Certains bergers trouvent même que ce prédateur redonne du sens à leur métier. C’est le cas de David Gerke qui confie au grand quotidien suisse de langue allemande, la Neue Zürcher Zeitung : « Le loup nous oblige à regarder vers les moutons d’alpage et à mettre en œuvre une conduite cohérente du troupeau. » Le loup vient ainsi raviver la culture pastorale. Même discours chez un berger français travaillant depuis de nombreuses années dans la zone de présence de l’animal : « Le loup a redonné leur place aux bergers. »

Si le gouvernement suisse ne se montre pas aussi positif, il estime tout de même que la cohabitation entre l’homme et le loup doit être possible, à condition toutefois d’abattre de manière ciblée les bêtes qui peuvent devenir dangereuses. Une vision des choses partagée par les grandes organisations environnementales, telles que Pro Natura et le WWF, qui ont décidé de ne pas recourir au référendum populaire pour s’opposer à la loi adoptée par le Parlement suisse en décembre dernier, permettant, sous certaines conditions, d’abattre les loups à titre préventif. C’est dans ce sens qu’ont réagi les autorités fédérales pour les loups de Masein : elles ont donné la permission d’abattre, au maximum, la moitié des louveteaux nés cette année.

Une telle politique sera-t-elle suffisante ? Pas pour les éleveurs, en tout cas. Kim Berney s’exprime sans rancœur, avec une certaine résignation : la production locale de viande et de lait va de toute façon diminuer, car il est très difficile de protéger les troupeaux. L’éleveur bio a pourtant bien appliqué ce qu’on lui recommandait – faire surveiller les alpages la nuit – mais l’animal s’est adapté et a attaqué ses bêtes de jour. Et il est illusoire de recourir à des clôtures, car le loup peut sauter une barrière d’un mètre cinquante !

Qu’en est-il de la sécurité des humains ? Selon Kim, il y a trois fois plus de loups que ce qu’il faudrait pour une cohabitation sûre. Il estime que les médias sont loin d’avoir saisi l’ampleur du problème et que ce n’est qu’une question de temps avant que le prédateur ne s’attaque aussi aux êtres humains les plus faibles, surtout en hiver, lorsque le bétail est à l’écurie. Et de citer l’exemple de l’Oural, une région pourtant peu habitée où, lorsqu’un loup attaque, on éradique toute la meute.

Tout semble donc être une question de régulation du nombre de prédateurs. Avec le risque que nos populations à majorité citadine et influencée par une vision romantique de la nature aient de la peine à prendre la juste mesure du danger. Espérons qu’il ne faille pas attendre la mort d’un enfant pour réévaluer la situation et adopter la politique adéquate...
La sélection
Le retour des loups en Europe
Faites du bruit et restez groupés, les conseils à des écoliers grisons face aux loups
RTS
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