
Le pape François maintient le statu quo
Dans la même tonalité que le Salon Beige, on trouve le vaticaniste Sandro Magister – qui écrit pour s’en réjouir que « la parole "célibat" n’y figure même pas. Le Pape François souhaite bien que "la ministérialité se configure de telle manière qu’elle soit au service d’une plus grande fréquence de la célébration de l’Eucharistie, même dans les communautés les plus éloignées et cachées" (n°86). Mais il répète (au n°88) que seul le prêtre ordonné peut célébrer l’eucharistie, absoudre les péchés et administrer l’onction des malades (parce qu’elle aussi est "intimement liée au pardon des péchés", note 129). Et il ne dit rien sur l’extension de l’ordination aux "viri probati". Sandro Magister précise ensuite que l’exhortation ne recèle « aucune nouveauté non plus pour les ministères féminins. "Si on leur donnait accès à l’Ordre sacré", écrit François au n°100, "cette vision nous conduirait à cléricaliser les femmes" et à "réduire notre compréhension de l’Église à des structures fonctionnelles" ».
Comment interpréter le fait que le pape François ne réforme pas l’institution selon la logique progressiste ? S’agit-il d’une victoire du clan conservateur et de la preuve que le saint père a du mal à s’imposer en interne, comme le pense le vaticaniste italien Marco Politi ? Cette vision paraît un peu étriquée. Interrogé par RFI, le père François Glory, prêtre des Missions étrangères de Paris, et qui vécut trente ans en Amazonie, se félicite du silence du pape sur cette question. « Non pas dans une posture conservatrice, affirme la journaliste Geneviève Delrue qui l’interroge : tout au contraire, il estime que l’ordination d’hommes mariés renforcerait le cléricalisme que le pape précisément combat, un cléricalisme qui s’exercerait en Amazonie au détriment des femmes, perçu comme le pilier de la vie de l’Église. Pour cet ancien missionnaire, l’avenir de l’Église catholique dans cette région du monde se joue dans la vitalité des petites communautés de laïcs. » Ce genre d’analyse ne plaît pas aux observateurs progressistes comme René Poujol, ancien patron du Pèlerin. S’il acquiesce à un texte très « Françoisien » et garde le sourire quand le pape fait écho au saccage de l’Amazonie (« L’économie globalisée altère sans pudeur la richesse humaine, sociale et culturelle »), rien ne va plus quand Rome parle du « risque de cléricalisme les femmes ». « Se pose-t-on la même question pour des candidats masculins au diaconat ou au sacerdoce ? Ordonner un homme célibataire, n’est-ce pas cléricaliser un laïc ? » s’interroge-t-il. Comme Sandro Magister mais pour d'autres raisons, il se réjouit que le mot « célibat » ne soit pas utilisé une seule fois dans l’exhortation apostolique. « Lorsque le pape François y réaffirme que l’Eucharistie et le sacrement du pardon sont du seul ressort du prêtre… il ne précise pas : célibataire ! » Le chapitre, à ses yeux, n’est pas clos.
