Le New-York Times saisit la justice européenne pour obtenir les SMS d’Ursula von der Leyen et du PDG de Pfizer
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Le New-York Times saisit la justice européenne pour obtenir les SMS d’Ursula von der Leyen et du PDG de Pfizer

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1828, Publiée le 21/02/2023 - Photo : Ursula von der Leyen et Albert Bourla lors d'une visite d'un laboratoire Pfizer en Belgique, en avril 2021 (AFP / POOL / John Thys)
Le New York Times a saisi la Cour de justice des Communautés européennes après le refus de la Commission de l’UE de transmettre les SMS échangés entre sa présidente, Ursula von der Leyen, et le PDG de l’entreprise pharmaceutique Pfizer, Albert Bourla (déposée le 25 janvier, la requête du New-York Times a été signalée par le site américain Politico le 13 février, dès son apparition sur le registre public de la Cour de justice des Communautés européennes). Il s’agit de vérifier si ces textos contiennent des informations sur l’achat à Pfizer/BioNTech par la Commission, agissant au nom des États de l’UE, de 1,8 milliard de doses de vaccins contre le Covid-19 (en plus des 600 millions de doses d’abord commandées, et au prix unitaire de 19,50€ au lieu de 15,50€ initialement). Le New York Times avait été le premier à signaler, en avril 2021, en pleine crise sanitaire, que la présidente de la Commission européenne traitait directement avec le patron de Pfizer/BioNTech pour commander des doses en grandes quantités -au total 4,6 milliards de doses que les États membres de l’UE ne parviennent pas à écouler (la Pologne refuse carrément de les payer, assumant un bras-de-fer juridique avec Pfizer et la Commission).

L’article 42 du droit européen stipule que « tout citoyen de l'Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d'accès aux documents des institutions, organes et organismes de l'Union, quel que soit leur support. » C’est en s’appuyant sur cet article qu’un journaliste du site d’investigation allemand Netzpolitik avait réclamé, lui aussi, de pouvoir lire les textos échangés (il y en aurait une centaine). Mais la Commission avait botté en touche, arguant qu’il ne s’agissait pas de documents officiels, et que leur recherche n’avait donné « aucun résultat ». Netzpolitik avait alors saisi la médiatrice européenne, Emily O’Reilly qui avait demandé, en janvier 2022, au cabinet d’Ursula von der Leyen de rendre publics ces textos. Sans plus de succès... « Cette façon d'agir ne répond pas aux attentes en matière de transparence et de normes administratives au sein de la Commission » avait déploré la médiatrice européenne, en juillet 2022, après avoir constaté que « la façon limitée avec laquelle cette demande d'accès public a été contrôlée signifie qu'aucune tentative n'a été faite pour identifier si les textes en question existaient ». Emily O'Reilly avait ajouté que la Commission européenne laissait une « regrettable impression d’une institution européenne qui n’est pas franche sur des questions d’intérêt public majeures ». Avant l’action en justice du New-York Times, le quotidien allemand Bild avait lui aussi attaqué la Commission. Il avait obtenu des e-mails et des documents relatifs à la négociation des contrats de vente des vaccins de Covid-19 de Pfizer/BioNtech et d’AstraZeneca, mais pas les fameux SMS. En octobre dernier, le Parquet européen a annoncé diligenter une enquête... dont on attend des nouvelles.

Le blocage de l’information sur les contrats passés avec Pfizer se poursuit non seulement à la Commission européenne mais au Parlement européen : le 16 février dernier, les présidents des groupes politiques du Parlement européen ont refusé de contraindre la présidente de la Commission à se soumettre à une audition publique devant le Parlement sur son rôle dans les négociations. La même instance a refusé de sanctionner Pfizer en retirant le badge d’accès à ses représentants, après qu’Albert Bourla, le PDG du laboratoire, avait refusé de répondre en personne aux questions des parlementaires. Cette double réclamation du groupe des Verts avait pourtant été approuvée le 11 janvier par les eurodéputés de la commission Covid-19.

L’ensemble de cette affaire, qui éclate en pleine instruction du « Qatar gate » (cf. LSDJ n°1772), prend la désagréable allure d’arrangements entre amis. En novembre 2021, à Washington, Ursula van der Leyen avait remis au patron de Pfizer, Albert Bourla, le prix du meilleur business man. En septembre 2022, Bill Gates a décerné à Ursula von der Leyen le prix du Global Goalkeeper, alors que la Commission européenne avait déboursé 300 millions d’euros pour sa fondation Gavi, l'Alliance du Vaccin (présidée par l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Durão Barroso). En outre, le média allemand Weld.de se fait l’écho du trouble que crée au Parlement européen le financement de 320 millions de dollars accordé par la Commission au laboratoire Orgenesis, dirigé par Heiko von der Leyen, le mari de la présidente...

Il est surprenant que ce soit un quotidien américain qui relance l’affaire des SMS échangés entre la présidente de la Commission et le PDG de Pfizer. Les grands médias européens, français notamment, sont d’une pudeur de gazelle à ce sujet. Avec toutefois des exceptions notables, telle cette savoureuse chronique de Vincent Hervouet sur Europe 1 (en lien ci-dessous).
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