
Le chantage gagnant des contrôleurs SNCF
Cette fin d'année a vu émerger deux nouveautés inquiétantes dans le train-train des grèves rituelles de la SNCF : la fin de la "trêve de Noël", preuve qu'il n'y a plus de limite, et la constitution d'un collectif de grévistes sur Facebook, signe de la fin d'une époque. Les réseaux sociaux sont devenus une arme redoutable pour faire plier tout le monde, y compris les directions syndicales qui n'étaient pas favorables à un "mouvement social" à Noël qui ne manquerait pas d'exaspérer un maximum de Français. Mais la CGT et SUD-rail ont su tirer les marrons du feu en déposant in extremis les préavis de grève indispensables pour la rendre légale, sans y pousser… À présent, le gouvernement ayant tout lâché pour satisfaire les grévistes, les syndicats ont beau jeu de lever le préavis de grève pour le week-end du 1er janvier.
En dépit de leur faible représentativité, la CGT et SUD-rail restent les maîtres du transport ferroviaire en France, avec la complicité résignée de l'État qui est supposé en être le patron. Pour éteindre la colère des clients dont le train a été annulé, la SNCF s'est engagée à rembourser 200% du prix de leur billet ! Cette indemnité s'ajoute à la réévaluation du salaire des contrôleurs, alors que ceux-ci ont déjà été augmentés de près de 12% en deux ans, sans que cette hausse se traduise par une quelconque amélioration de la qualité du service comme le savent trop bien les passagers de TGV, de TER et de RER. Gare à la concurrence quand, aux TGV déjà en service sur Paris-Lyon de l'italien Trenitalia, s'ajouteront les offres des opérateurs privés français Le Train et Railcoop, de l'espagnol Renfe et d'opérateurs régionaux tel Transdev qui concurrence déjà la SNCF sur Marseille-Nice...
En attendant, l'État va de nouveau lâcher plusieurs dizaines de millions d'euros ("un pognon de dingue" pour parler comme le président de la République) dans le gouffre à la fois insatiable et improductif de la SNCF. Avec la paralysie due aux mesures anti-Covid, la SNCF a enregistré en 2020 une perte historique de 3 milliards d'euros, obligeant l'État actionnaire à 100% à augmenter le capital de 4 milliards d'euros. En 2021, le coût total de la société ferroviaire pour le contribuable s'est élevé à quelque 18,5 milliards d'euros, selon François Ecalle, expert des finances publiques et fondateur du site d'informations sur les finances publiques Fipeco (Le Figaro du 22/11/2022). Sans pour autant faire sortir la SNCF du rouge vif, avec une dette estimée à 36 milliards d'euros fin 2021...
Alors que l'Italie a réussi à limiter le droit de grève en interdisant les arrêts de travail dans les transports en périodes de fêtes ou de grandes migrations, cette nouvelle capitulation gouvernementale augure mal de la réforme des retraites, souligne Guillaume Tabard dans son éditorial du Figaro (en lien ci-dessous). Rappelons à ce propos que la grève menée en 2019 contre la réforme des retraites avait déjà fait perdre à la SNCF près de 800 millions d'euros.