International
Le bras de fer entre la Pologne et l’UE est crucial pour tous les États-membres
Ça sent le roussi au sein de l’Union Européenne ! Le 7 octobre, le Tribunal constitutionnel de Varsovie a affirmé la primauté du droit national polonais sur le droit communautaire. En réplique, la Commission européenne a soutenu que le droit de l'Union européenne primait non seulement sur les lois mais sur les Constitutions des États-membres. Ce conflit majeur ébranle l’UE déjà fort mal en point depuis le Brexit.
Selon le Tribunal constitutionnel polonais, plusieurs dispositions des traités européens sont contraires à la loi fondamentale polonaise, s’agissant notamment du rôle de la Cour de justice de l’UE (CJUE). « La tentative d’ingérence de la CJUE dans le système judiciaire polonais remet en cause les principes de l’État de droit, de la primauté de la Constitution polonaise ainsi que le principe de sauvegarde de la souveraineté dans le processus d’intégration européenne », a expliqué Julia Przylelska, la présidente du Tribunal constitutionnel polonais. La réplique n’a pas tardé : dès le lendemain, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est montée au créneau en promettant d’utiliser contre la Pologne « tous les pouvoirs » prévus dans les traités : « Nous ferons respecter les principes fondateurs de l’ordre juridique de notre Union », a-t-elle assuré. Une menace qui ne sera pas facile à exécuter sans faire exploser l’UE.
Pour Varsovie, l’enjeu est clair : s’affranchir de la justice de l’UE car « un État souverain et démocratique » doit préserver sa « souveraineté juridique ». Depuis plus de quatre ans, la Pologne fait l’objet de condamnations de la CJUE à propos de sa réforme judiciaire. Rappelons qu’en 2016, les Polonais ont élu un gouvernement de droite nationaliste et conservatrice, dominé par le parti Droit et justice (PiS). Celui-ci a entrepris de réformer le système judiciaire pour écarter des juges qu’il estime « corrompus ». Mais ces réformes sont dénoncées par la CJUE qui accuse le PiS de mettre à mal l'indépendance de la justice. La CJUE multiplie les arrêts défavorables à Varsovie, arrêts auxquels se réfèrent les magistrats polonais hostiles aux réformes du PiS. Excédé, le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a saisi le Tribunal constitutionnel de son pays en mars dernier. Celui-ci vient donc de trancher : selon le Tribunal, certaines dispositions du traité sur l’Union européenne sont incompatibles avec la Constitution polonaise.
« C’est le pas le plus avancé vers une sortie juridique de l’UE jamais franchi par un tribunal national », estime René Repasi, professeur de droit international et européen à l’université Erasmus de Rotterdam, interrogé par Le Figaro (8 octobre). La plupart des capitales européennes ont fait chorus contre Varsovie, Berlin et Paris en tête. « C’est gravissime. Ce n’est pas un sujet technique ou un sujet juridique. C’est un sujet éminemment politique qui s’inscrit d’ailleurs dans une longue liste de provocations à l’égard de l’UE », a déclaré notamment le ministre français en charge des Affaires européennes, Clément Beaune. À Bruxelles, on brandit la menace de rétorsions financières, alors que la Commission européenne était sur le point de valider, sous conditions strictes, le plan de relance polonais de 57 milliards d’euros (dont 23 milliards de subventions).
Le sujet est en effet éminemment politique : il s’agit de savoir si « le droit de l'Union prime le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles », comme l’a affirmé la Présidente de la Commission européenne dans son communiqué du 8 octobre. Le fait est que des lois particulières des États-membres sont actuellement soumises au droit européen. Par exemple, l'article 55 de la Constitution française dispose que « les traités ou accord régulièrement ratifiés (...) ont une autorité supérieure à celle des lois » (françaises). C’est bien la Constitution qui autorise cette soumission : la France comme chaque État-membre, conserve donc sa Constitution, une loi fondamentale, hiérarchiquement supérieure aux lois particulières. « Par définition, aucun texte n'est supérieur à une constitution. Si le droit européen s'impose sur le droit national, c'est parce que les constitutions nationales le permettent, ou plutôt ne s'y opposent pas explicitement » explique David Cayla, coauteur de « La fin de l'Union européenne », dans l’hebdomadaire Marianne (en lien ci-dessous). Une Constitution, c’est pour ainsi dire l’âme d’une nation : il ne faut y toucher qu’avec des gants de velours et en tremblant. Si Éric Zemmour veut modifier certains articles de la Constitution française, c’est précisément pour affranchir le pays d’un « État de droit » supranational qu’il juge antidémocratique. En revanche, soumettre la Constitution d’un pays aux instances de l’Union européenne, comme prétend le faire Ursula von der Leyen, revient à nier la souveraineté des États-nations. Pouvoir supranational contre souveraineté nationale, deux conceptions de l’UE et de la démocratie s’affrontent !
Selon le Tribunal constitutionnel polonais, plusieurs dispositions des traités européens sont contraires à la loi fondamentale polonaise, s’agissant notamment du rôle de la Cour de justice de l’UE (CJUE). « La tentative d’ingérence de la CJUE dans le système judiciaire polonais remet en cause les principes de l’État de droit, de la primauté de la Constitution polonaise ainsi que le principe de sauvegarde de la souveraineté dans le processus d’intégration européenne », a expliqué Julia Przylelska, la présidente du Tribunal constitutionnel polonais. La réplique n’a pas tardé : dès le lendemain, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est montée au créneau en promettant d’utiliser contre la Pologne « tous les pouvoirs » prévus dans les traités : « Nous ferons respecter les principes fondateurs de l’ordre juridique de notre Union », a-t-elle assuré. Une menace qui ne sera pas facile à exécuter sans faire exploser l’UE.
Pour Varsovie, l’enjeu est clair : s’affranchir de la justice de l’UE car « un État souverain et démocratique » doit préserver sa « souveraineté juridique ». Depuis plus de quatre ans, la Pologne fait l’objet de condamnations de la CJUE à propos de sa réforme judiciaire. Rappelons qu’en 2016, les Polonais ont élu un gouvernement de droite nationaliste et conservatrice, dominé par le parti Droit et justice (PiS). Celui-ci a entrepris de réformer le système judiciaire pour écarter des juges qu’il estime « corrompus ». Mais ces réformes sont dénoncées par la CJUE qui accuse le PiS de mettre à mal l'indépendance de la justice. La CJUE multiplie les arrêts défavorables à Varsovie, arrêts auxquels se réfèrent les magistrats polonais hostiles aux réformes du PiS. Excédé, le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a saisi le Tribunal constitutionnel de son pays en mars dernier. Celui-ci vient donc de trancher : selon le Tribunal, certaines dispositions du traité sur l’Union européenne sont incompatibles avec la Constitution polonaise.
« C’est le pas le plus avancé vers une sortie juridique de l’UE jamais franchi par un tribunal national », estime René Repasi, professeur de droit international et européen à l’université Erasmus de Rotterdam, interrogé par Le Figaro (8 octobre). La plupart des capitales européennes ont fait chorus contre Varsovie, Berlin et Paris en tête. « C’est gravissime. Ce n’est pas un sujet technique ou un sujet juridique. C’est un sujet éminemment politique qui s’inscrit d’ailleurs dans une longue liste de provocations à l’égard de l’UE », a déclaré notamment le ministre français en charge des Affaires européennes, Clément Beaune. À Bruxelles, on brandit la menace de rétorsions financières, alors que la Commission européenne était sur le point de valider, sous conditions strictes, le plan de relance polonais de 57 milliards d’euros (dont 23 milliards de subventions).
Le sujet est en effet éminemment politique : il s’agit de savoir si « le droit de l'Union prime le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles », comme l’a affirmé la Présidente de la Commission européenne dans son communiqué du 8 octobre. Le fait est que des lois particulières des États-membres sont actuellement soumises au droit européen. Par exemple, l'article 55 de la Constitution française dispose que « les traités ou accord régulièrement ratifiés (...) ont une autorité supérieure à celle des lois » (françaises). C’est bien la Constitution qui autorise cette soumission : la France comme chaque État-membre, conserve donc sa Constitution, une loi fondamentale, hiérarchiquement supérieure aux lois particulières. « Par définition, aucun texte n'est supérieur à une constitution. Si le droit européen s'impose sur le droit national, c'est parce que les constitutions nationales le permettent, ou plutôt ne s'y opposent pas explicitement » explique David Cayla, coauteur de « La fin de l'Union européenne », dans l’hebdomadaire Marianne (en lien ci-dessous). Une Constitution, c’est pour ainsi dire l’âme d’une nation : il ne faut y toucher qu’avec des gants de velours et en tremblant. Si Éric Zemmour veut modifier certains articles de la Constitution française, c’est précisément pour affranchir le pays d’un « État de droit » supranational qu’il juge antidémocratique. En revanche, soumettre la Constitution d’un pays aux instances de l’Union européenne, comme prétend le faire Ursula von der Leyen, revient à nier la souveraineté des États-nations. Pouvoir supranational contre souveraineté nationale, deux conceptions de l’UE et de la démocratie s’affrontent !