L'autre visage de l'Amérique
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L'autre visage de l'Amérique

Par Louis Daufresne. Synthèse n°977, Publiée le 01/06/2020
Samedi, SpaceX célébrait la superpuissance US en propulsant deux astronautes jusqu’à la nuit sans oxygène. La même semaine, Minneapolis étouffa le rêve américain : un homme noir, George Floyd, mourait après avoir eu le cou écrasé par le genou d’un policier blanc. En pleine pandémie de Covid-19, ce colosse de 46 ans eut pour dernière parole : « Je n’arrive plus à respirer ! » Filmée par des passants, la scène de torture fit le tour du monde. La Chine en profita pour amalgamer les situations : « Pourquoi les États-Unis traitent-ils en héros les partisans de la violence et de la soi-disant indépendance de Hong Kong, tout en qualifiant ceux qui dénoncent le racisme d'émeutiers ? » Quant à l’Iran, il pratiqua l’inversion des rôles en lançant à Donald Trump : « Arrêtez la violence contre votre peuple ! » Téhéran joua les donneurs de leçons : « Au peuple américain : le monde a entendu votre cri sur l'état d'oppression. Le monde est à vos côtés. » Drôlissime.

Comment un pays si puissant peut-il abriter de telles fragilités ? L’Amérique, entend-on parfois, est le seul pays passé de la barbarie à la décadence sans avoir connu de civilisation. Ces émeutes semblent moins relever des affrontements communautaires classiques que de la guerre de gangs qui, en miniature, sévit aussi dans nos banlieues. C'est le propre de sociétés très déculturées.

Ces éruptions de violence ne sont pas nouvelles : citons seulement les émeutes de Los Angeles après la mort de Rodney King, tabassé par des policiers (1991). Un mouvement national suivit aussi celle d'Eric Garner, tué par asphyxie lors d'une interpellation à New York (2014). « La triste réalité, c'est que ce qui s'est passé pour George Floyd, (…) arrive depuis des générations aux Noirs américains », tweeta la sénatrice Kamala Harris, elle-même noire et ancienne candidate à la primaire démocrate.

Arrêté vendredi et licencié, le policier blanc, Derek Chauvin, fut inculpé pour « homicide involontaire ». Mais cette réaction rapide ne suffit pas et la violence balaya toute idée de gestes barrière requis contre la pandémie. Des manifestations virèrent au pillage et au chaos. Dans 15 États et à Washington, des milliers de soldats de la Garde nationale patrouillèrent en tenue de combat et armés de fusils d'assaut. Des couvre-feux étaient décrétés dans la capitale et dans plusieurs mégapoles comme Houston et Los Angeles.

Ces événements surviennent à quelques mois des élections. La gauche veut se servir de George Floyd pour lancer une campagne sur le mode de « Tout sauf Trump ». « Nous allons voter pour vous chasser en novembre », s’écria sur Twitter la chanteuse Taylor Swift. Mais cette rhétorique guerrière est risquée à plus d’un titre :

1. Donald Trump ne tomba point dans le piège : « Ces casseurs déshonorent la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas faire cela », écrivait-il dans un message masqué par Twitter mais intégralement visible lorsque l'on clique dessus. Il fit la part des choses entre les minorités raciales et idéologiques. La seconde veut instrumentaliser la première. S’il existe un « racisme systémique » aux États-Unis, celui-ci est partagé par toute la société américaine. Trump n'en est pas à l'origine. Joe Biden, son rival putatif, le reconnut quand il déclara en référence à l'esclavage : « Le pêché originel de ce pays souille encore notre nation. »

2. Donald Trump oblige les démocrates à se positionner sur la violence. En annonçant hier qu’il allait inscrire la mouvance d'extrême gauche « antifa » (antifasciste) sur la liste des organisations terroristes, il se posa en garant de l’ordre social contre un activisme que le ministre de la Justice William Barr désigna sous le nom de « terrorisme intérieur ». C’est la première fois que la capacité de nuisance de l’extrême-gauche est pointée par un pouvoir occidental. Samedi à New York, une femme lança un cocktail Molotov dans un véhicule de police occupé par quatre agents. « C'est un miracle qu'aucun officier de police ne soit mort », commenta la police new yorkaise. Même à CNN, peu encline au trumpisme, on se plaignit que les journalistes fussent agressés. « Si vous êtes manifestants, faites ce qui vous semble juste, mais ne nous empêchez pas de faire notre travail pour le public », demanda la Société des journalistes de CNN. Donald Trump savoura la situation : « Ironie du sort, le siège de CNN est attaqué par des émeutiers que (la chaîne) a présenté comme nobles et justes. Oops. »

3. Quoique puissants, notamment sur les campus, les antifas n’ont rien à voir avec un Martin Luther-King. Au sein de la communauté noire, beaucoup, notamment évangéliques, cherchent à dépasser la haine par des paroles et des actes de paix, se disant que personne n’a rien à gagner à la politique du pire.
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Mort de George Floyd : Donald Trump pointe encore la responsabilité des antifas dans les émeutes
Le Figaro
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