Santé
L’automne de Pfizer
Après les bénéfices record de 2021, les nouvelles des dernières semaines ont été plus mitigées pour Pfizer. L'année en cours a certes apporté d’énormes profits au géant pharmaceutique ainsi que les éloges des autorités publiques pour le vaccin produit par Pfizer avec BioNTech, mais des révélations concernant à la fois son efficacité et l’aspect éthique des pratiques de Pfizer ont dernièrement amené un nombre croissant de personnes à poser des questions des plus sérieuses.
36 milliards de dollars de revenus annuels grâce au vaccin : voila les résultats que le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a présentés le 2 novembre dernier. Les perspectives financières semblent tout aussi prometteuses pour 2022, notamment en raison de la soumission imminente de la pilule antivirale Paxlovid de Pfizer pour approbation par des régulateurs américains. Les données d'essai suggèrent que cette pilule peut réduire de 89% l'hospitalisation des cas graves de covid-19 lorsqu'elle est prise conjointement avec le médicament anti-VIH ritonavir. Les actions de Pfizer ont bondi de 8% aux États-Unis suite à l’annonce de ces nouvelles le 5 novembre.
Néanmoins, l’avenir de Pfizer dépend aussi de la perception par le grand public d’une entreprise dont l’image a reçu plusieurs coups cet automne. Tout d'abord, Project Veritas a sorti plusieurs vidéos controversées mais très suivies, mettant en cause la transparence de Pfizer, comportant le témoignage de la lanceuse d'alerte Melissa Strickler ainsi que des employés de Pfizer enregistrés en caméra cachée en train d’affirmer la supériorité de l'immunité naturelle (*) contre le SARS-CoV2 par rapport à celle induite par injection. De telles opérations d’infiltration (‘sting operations’) de Project Veritas sont certes discutées, mais la vidéo de Vanessa Gelman, directrice principale de la recherche chez Pfizer, filmée en train de s'enfuir devant le journaliste James Lalino, a été très largement diffusée.
Une deuxième polémique a été déclenchée par la révélation des contrats signés par Pfizer avec plusieurs pays pour son vaccin. Rassemblés par citizen.org, puis disséminés par le Washington Post et la chaîne indienne WION, ces contrats comportent des conditions extraordinairement favorables au producteur. Ils stipulent notamment le droit pour ce dernier de contrôler, voire d’empêcher les dons de vaccins entre les pays et de modifier les calendriers de livraison sans pénalités. Plusieurs gouvernements ont accepté l’obligation contractuelle de défendre Pfizer et de payer les frais de justice en cas de poursuites contre le fabricant de vaccins. Dans le cas du Brésil, du Chili, de la Colombie et de la République dominicaine, les États concernés ont même accepté de renoncer à leur immunité souveraine contre la saisie de tous leurs actifs (qui, dans les tribunaux américains, peuvent inclure les compagnies aériennes et pétrolières) en cas de non-paiement envers Pfizer.
Les essais cliniques menés par Pfizer ont aussi été critiqués, le British Medical Journal publiant un article accusant Ventavia, un sous-traitant de Pfizer, de ne pas avoir respecté les normes scientifiques pendant ces essais et même d'en avoir falsifié des données. La mesure dans laquelle ces révélations constituent véritablement le "Pfizergate" dont parlent les médias est une question d'interprétation : pour l’instant on ne sait pas s’il s’agit d’un incident isolé ou un exemple troublant indiquant un phénomène plus général. Par contre, nul ne conteste le sérieux du British Medical Journal, qu’on ne peut pas assimiler à une revue complotiste.
Il est par ailleurs intéressant de noter que l’un des rédacteurs en chef du BMJ, Peter Doshi, a également pris la parole pour dénoncer le mercantilisme des laboratoires lors d'un événement organisé par le sénateur Ron Johnson à Washington DC. Cet événement a donné lieu à plus de trois heures d'analyses d'experts et de témoignages de victimes de blessures suite à la vaccination contre le covid. Parmi ces derniers figurait Maddie de Garay, 13 ans, en fauteuil roulant après avoir participé aux essais de Pfizer à l'hôpital pour enfants de Cincinnati. Des effets adverses décrits par Pfizer comme n'étant rien de plus que des "douleurs abdominales" dans son rapport aux autorités de la santé américaine.
Qu’en est-il finalement des performances du vaccin de Pfizer-BioNTech lui-même ? Un article publiée dans Science le 4 novembre a donné les résultats d'une vaste étude (780 225 participants) menée entre le 1 février et 1 octobre 2021 concernant l’efficacité des vaccins de Moderna, Pfizer et Janssen (Johnson & Johnson) chez les vétérans américains. L'étude note que l’efficacité contre l'infection avait considérablement baissé en septembre, Moderna se situant à 58%, Janssen à 13,1% et Pfizer-BioNTech à 43,3%. Pour ce dernier, l’efficacité contre la mort entre juillet et octobre 2021 était de 84,3% pour les vétérans âgés de moins de 65 ans et 70,1% au-delà de 65.
(*) Dans ce contexte, "immunité naturelle" dénote les anticorps / mémoire cellulaire acquis suite à une infection avec le SARS-CoV2
36 milliards de dollars de revenus annuels grâce au vaccin : voila les résultats que le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a présentés le 2 novembre dernier. Les perspectives financières semblent tout aussi prometteuses pour 2022, notamment en raison de la soumission imminente de la pilule antivirale Paxlovid de Pfizer pour approbation par des régulateurs américains. Les données d'essai suggèrent que cette pilule peut réduire de 89% l'hospitalisation des cas graves de covid-19 lorsqu'elle est prise conjointement avec le médicament anti-VIH ritonavir. Les actions de Pfizer ont bondi de 8% aux États-Unis suite à l’annonce de ces nouvelles le 5 novembre.
Néanmoins, l’avenir de Pfizer dépend aussi de la perception par le grand public d’une entreprise dont l’image a reçu plusieurs coups cet automne. Tout d'abord, Project Veritas a sorti plusieurs vidéos controversées mais très suivies, mettant en cause la transparence de Pfizer, comportant le témoignage de la lanceuse d'alerte Melissa Strickler ainsi que des employés de Pfizer enregistrés en caméra cachée en train d’affirmer la supériorité de l'immunité naturelle (*) contre le SARS-CoV2 par rapport à celle induite par injection. De telles opérations d’infiltration (‘sting operations’) de Project Veritas sont certes discutées, mais la vidéo de Vanessa Gelman, directrice principale de la recherche chez Pfizer, filmée en train de s'enfuir devant le journaliste James Lalino, a été très largement diffusée.
Une deuxième polémique a été déclenchée par la révélation des contrats signés par Pfizer avec plusieurs pays pour son vaccin. Rassemblés par citizen.org, puis disséminés par le Washington Post et la chaîne indienne WION, ces contrats comportent des conditions extraordinairement favorables au producteur. Ils stipulent notamment le droit pour ce dernier de contrôler, voire d’empêcher les dons de vaccins entre les pays et de modifier les calendriers de livraison sans pénalités. Plusieurs gouvernements ont accepté l’obligation contractuelle de défendre Pfizer et de payer les frais de justice en cas de poursuites contre le fabricant de vaccins. Dans le cas du Brésil, du Chili, de la Colombie et de la République dominicaine, les États concernés ont même accepté de renoncer à leur immunité souveraine contre la saisie de tous leurs actifs (qui, dans les tribunaux américains, peuvent inclure les compagnies aériennes et pétrolières) en cas de non-paiement envers Pfizer.
Les essais cliniques menés par Pfizer ont aussi été critiqués, le British Medical Journal publiant un article accusant Ventavia, un sous-traitant de Pfizer, de ne pas avoir respecté les normes scientifiques pendant ces essais et même d'en avoir falsifié des données. La mesure dans laquelle ces révélations constituent véritablement le "Pfizergate" dont parlent les médias est une question d'interprétation : pour l’instant on ne sait pas s’il s’agit d’un incident isolé ou un exemple troublant indiquant un phénomène plus général. Par contre, nul ne conteste le sérieux du British Medical Journal, qu’on ne peut pas assimiler à une revue complotiste.
Il est par ailleurs intéressant de noter que l’un des rédacteurs en chef du BMJ, Peter Doshi, a également pris la parole pour dénoncer le mercantilisme des laboratoires lors d'un événement organisé par le sénateur Ron Johnson à Washington DC. Cet événement a donné lieu à plus de trois heures d'analyses d'experts et de témoignages de victimes de blessures suite à la vaccination contre le covid. Parmi ces derniers figurait Maddie de Garay, 13 ans, en fauteuil roulant après avoir participé aux essais de Pfizer à l'hôpital pour enfants de Cincinnati. Des effets adverses décrits par Pfizer comme n'étant rien de plus que des "douleurs abdominales" dans son rapport aux autorités de la santé américaine.
Qu’en est-il finalement des performances du vaccin de Pfizer-BioNTech lui-même ? Un article publiée dans Science le 4 novembre a donné les résultats d'une vaste étude (780 225 participants) menée entre le 1 février et 1 octobre 2021 concernant l’efficacité des vaccins de Moderna, Pfizer et Janssen (Johnson & Johnson) chez les vétérans américains. L'étude note que l’efficacité contre l'infection avait considérablement baissé en septembre, Moderna se situant à 58%, Janssen à 13,1% et Pfizer-BioNTech à 43,3%. Pour ce dernier, l’efficacité contre la mort entre juillet et octobre 2021 était de 84,3% pour les vétérans âgés de moins de 65 ans et 70,1% au-delà de 65.
(*) Dans ce contexte, "immunité naturelle" dénote les anticorps / mémoire cellulaire acquis suite à une infection avec le SARS-CoV2