Imaginez pouvoir voir le passé comme si vous y étiez. C'est ce qu'une nouvelle technologie permet désormais aux archéologues : le laser LiDAR. Une véritable révolution pour les chercheurs, partout à travers le monde. Non loin de nous, dans la forêt ardennaise, elle permet de revivre la sauvagerie de ce que fut la bataille des Ardennes, durant l'hiver 1944-45. Dix semaines de combats dans la neige et le froid au bilan dramatique : des centaines de milliers de morts et de blessés dans les deux camps, alors que les armées d'Hitler livraient leur dernière offensive, dans les vastes forêts entre Allemagne, Belgique et Luxembourg. Un terrain accidenté rendant très difficile toute recherche archéologique. Mais alors que les paysages demeurent les seuls témoins des combats passés, un drone aérien équipé d'un LiDAR à haute résolution a permis de scanner une partie des champ de bataille. Grâce à ce système de détection et de télémétrie émettant des impulsions de lumière laser au lieu d'ondes radio, des milliers d'éléments cachés réapparaissent : tranchées, emplacements d'artilleries, abris souterrains, cratères de bombes… Alors que la bataille des Ardennes s'est étendue sur plus de 1 300 km², le LiDAR permet d'étudier autrement cette bataille historique.

Les succès de cette nouvelle technologie appliquée à l'archéologie ont d'ores et déjà permis de révéler des pans entiers de civilisations disparues. Ainsi, au pied de la cordillère des Andes, en Équateur, le laser LiDAR a révélé, grâce à un survol aérien, un vaste réseau de routes, de tertres et de terres agricoles façonnés il y a environ 2 500 ans. Une étude parue dans la revue Science qui aura notamment révélé la présence de 6 000 tertres, des plateformes de terre façonnées par l'homme, et ce sur près de 300 kilomètres carrés. Les vestiges d'une civilisation agraire disparue, d'un vaste réseau de cités potentiellement densément peuplées. Ce réseau d'une vingtaine de villes, d'une civilisation pré-hispanique disparue, était interconnecté par des routes, dans une vallée de 100 km de long sur 20 km de large, entre l'Amazonie et les Andes. En passant à plusieurs reprises à basse altitude, un avion équipé du LiDAR a permis de cartographier le site et de traverser la canopée avec des centaines de milliers d'impulsions lumineuses par seconde touchant le sol et revenant vers le système de télédétection. Ce nuage de points permet de recréer le relief du sol sans la végétation. Radiographiant le paysage en temps réel sur des centaines de kilomètres carrés, c'est une véritable baguette magique à remonter le temps pour les archéologues.

En 2018 déjà, le LiDAR avait permis de révéler d'impressionnantes ruines mayas au Guatemala : plus de 60 000 maisons, palais voire pyramides ainsi qu'un réseau de chaussées surélevées sur plus de 2 000 km². L'explorateur du National Geographic Albert Lin montre bien, dans un documentaire proposé sur Disney Plus, comment des dizaines d'archéologues explorent la jungle du Guatemala et ses ruines, oubliées depuis 1 500 ans, grâce aux technologies de pointe. De quoi penser désormais, en découvrant ainsi une douzaine de cités mayas reliées entre elles, que la population maya ne représentait pas 5 millions de personnes comme on l'imaginait jusque-là, mais plutôt entre 10 et 15 millions d'habitants. Ainsi, à son apogée, environ 250 à 900 après notre ère, la civilisation maya occupait un territoire deux fois plus grand que l'Angleterre médiévale, et bien plus densément peuplée. Que découvrira-t-on demain grâce au LiDAR ?