International
L'adhésion de la Suède et la Finlande à l'OTAN : réponse émotionnelle ou peur rationnelle ?
Réaction émotionnelle ou “peur rationnelle” ? Selon des sources nordiques, la Suède et la Finlande seraient en train de préparer une déclaration commune pour le mois de mai affichant leur volonté de rejoindre l’OTAN. Comment expliquer le virage de ces deux pays historiquement non-alignés (mais qui sont déjà des partenaires de l’OTAN depuis des années) ? Il convient certes de noter certaines nuances de perspectives : pour Stockholm, la neutralité a longtemps été un choix philosophique, tandis que pour Helsinki, elle a représenté une stratégie pragmatique pour maintenir l’indépendance de l’état finlandais face à son grand voisin de l'Est. Dans les deux cas, il est néanmoins clair que l’invasion de l’Ukraine par les forces de Poutine vient de pousser l’opinion publique fortement vers l’Alliance atlantique.
Moscou n’a pas caché son hostilité envers les intentions scandinaves, menaçant de répondre en changeant l’équilibre nucléaire dans la région de la Mer Baltique. Si cette réaction a été prévisible, la position de la Suède et la Finlande a aussi été accueillie sans enthousiasme par certains commentateurs occidentaux. Dans un entretien pour The Hill, l’analyste militaire américain Daniel Davis a par exemple qualifié la volonté de rejoindre l’OTAN de « réponse émotionnelle » face à une menace qu’il juge inexistante, surtout à la lumière des piètres performances de l'armée russe en Ukraine. De l’autre côté, tout en restant prudent par rapport au timing de l’adhésion à l’Alliance, l’ex-premier ministre finlandais Alexander Stubb a plutôt parlé de « peur rationnelle », invoquant la géographie et l’expérience historique de son pays.
Stubb souligne le fait évident de l’existence d’une frontière de 1340 km avec la Russie, mais également la difficulté des relations entre Finlandais et Russes au cours des siècles. Il cite d’abord la période 1809-1917 pendant laquelle la Finlande était un Grand-Duché autonome au sein de l’empire russe, puis les deux conflits avec l’URSS en 1939-40 et 1941-1944 (quand, curieusement, la Finlande s’allia avec l’Allemagne, tout en refusant la demande des Nazis de livrer les juifs finlandais). Stubb critique notamment l’interprétation positive de la « finlandisation » de l’après-guerre, proposée par certains comme une solution possible pour l’Ukraine. Il rétorque que la neutralité de la Finlande fut imposée plutôt que voulue, impliquant dans les faits un manque de liberté en matière de développement démocratique (la publication de L’Archipel du Goulag étant par exemple interdite en Finlande) et de politique extérieure. Selon Stubb, si Helsinki veut rejoindre l’OTAN en ce moment, c’est avant tout pour ne pas se retrouver isolé lors d’un conflit éventuel avec la Russie et pour achever la réorientation du pays dans une direction résolument occidentale.
Quant à la Suède, la décision de se tourner vers l’OTAN peut paraître plus surprenante, le pays n’ayant pas de frontière avec la Russie. Jusqu'en novembre 2021, le parti social-démocrate du premier ministre Magdalena Andersson avait par ailleurs affirmé son opposition historique à l’entrée de la Suède dans l’OTAN. Pourtant, les premiers signes d’un revirement dans la politique de défense menée par Stockholm ont été visibles bien avant le déclenchement des hostilités en Ukraine, notamment en ce qui concerne l’île suédoise de Gotland, qui occupe une position stratégique dans la Mer Baltique, située à 330 km de l’enclave russe de Kaliningrad, zone fortement militarisée se trouvant entre la Lituanie et la Pologne. L’armée suédoise avait quitté Gotland (brièvement occupé par la Russie en 1808) en 2005, mais les troupes y sont revenues en 2016 suivant l'annexation de la Crimée par Moscou, provoquant des inquiétudes au sujet d’une déstabilisation de la situation géopolitique. La même année, l’île a refusé d'autoriser l’accès au port de Slite sur Gotland au gazoduc russe Nord Stream 2 suite à la désapprobation des autorités suédoises.
Quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, 4 avions militaires russes ont violé l’espace aérien suédois près de Gotland. Le lieu de l’incident n’est pas fortuit : comme l’a noté Wolodymyr Zelensky le 24 mars en s'adressant au parlement suédois par visioconférence, certains propagandistes de la télévision d’état russe ont publiquement évoqué l’occupation durable de Gotland afin d’y créer une base militaire dans le cadre d’une éventuelle prise des Pays Baltes. L’idée n’est pas nouvelle : lors d’exercices militaires en mars 2015, 30 000 soldats russes avaient déjà simulé l'assaut de Gotland ainsi que d’autres îles dans la Mer Baltique. Deux mois plus tard, 3600 militaires de 5 pays de l’OTAN ainsi que la Suisse, la Finlande et la Suède ont fait des exercices sur l’île suédoise. Si les déclarations nordiques actuelles concernant l’adhésion à l’OTAN dans un avenir très proche peuvent être surprenantes pour le grand public, elles ne le sont donc pas pour les analystes spécialisés, analystes qui, que ce soit à Stockholm ou Helsinki, sembleraient plus enclins à la « peur rationnelle » qu’aux réactions émotionnelles.
Moscou n’a pas caché son hostilité envers les intentions scandinaves, menaçant de répondre en changeant l’équilibre nucléaire dans la région de la Mer Baltique. Si cette réaction a été prévisible, la position de la Suède et la Finlande a aussi été accueillie sans enthousiasme par certains commentateurs occidentaux. Dans un entretien pour The Hill, l’analyste militaire américain Daniel Davis a par exemple qualifié la volonté de rejoindre l’OTAN de « réponse émotionnelle » face à une menace qu’il juge inexistante, surtout à la lumière des piètres performances de l'armée russe en Ukraine. De l’autre côté, tout en restant prudent par rapport au timing de l’adhésion à l’Alliance, l’ex-premier ministre finlandais Alexander Stubb a plutôt parlé de « peur rationnelle », invoquant la géographie et l’expérience historique de son pays.
Stubb souligne le fait évident de l’existence d’une frontière de 1340 km avec la Russie, mais également la difficulté des relations entre Finlandais et Russes au cours des siècles. Il cite d’abord la période 1809-1917 pendant laquelle la Finlande était un Grand-Duché autonome au sein de l’empire russe, puis les deux conflits avec l’URSS en 1939-40 et 1941-1944 (quand, curieusement, la Finlande s’allia avec l’Allemagne, tout en refusant la demande des Nazis de livrer les juifs finlandais). Stubb critique notamment l’interprétation positive de la « finlandisation » de l’après-guerre, proposée par certains comme une solution possible pour l’Ukraine. Il rétorque que la neutralité de la Finlande fut imposée plutôt que voulue, impliquant dans les faits un manque de liberté en matière de développement démocratique (la publication de L’Archipel du Goulag étant par exemple interdite en Finlande) et de politique extérieure. Selon Stubb, si Helsinki veut rejoindre l’OTAN en ce moment, c’est avant tout pour ne pas se retrouver isolé lors d’un conflit éventuel avec la Russie et pour achever la réorientation du pays dans une direction résolument occidentale.
Quant à la Suède, la décision de se tourner vers l’OTAN peut paraître plus surprenante, le pays n’ayant pas de frontière avec la Russie. Jusqu'en novembre 2021, le parti social-démocrate du premier ministre Magdalena Andersson avait par ailleurs affirmé son opposition historique à l’entrée de la Suède dans l’OTAN. Pourtant, les premiers signes d’un revirement dans la politique de défense menée par Stockholm ont été visibles bien avant le déclenchement des hostilités en Ukraine, notamment en ce qui concerne l’île suédoise de Gotland, qui occupe une position stratégique dans la Mer Baltique, située à 330 km de l’enclave russe de Kaliningrad, zone fortement militarisée se trouvant entre la Lituanie et la Pologne. L’armée suédoise avait quitté Gotland (brièvement occupé par la Russie en 1808) en 2005, mais les troupes y sont revenues en 2016 suivant l'annexation de la Crimée par Moscou, provoquant des inquiétudes au sujet d’une déstabilisation de la situation géopolitique. La même année, l’île a refusé d'autoriser l’accès au port de Slite sur Gotland au gazoduc russe Nord Stream 2 suite à la désapprobation des autorités suédoises.
Quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, 4 avions militaires russes ont violé l’espace aérien suédois près de Gotland. Le lieu de l’incident n’est pas fortuit : comme l’a noté Wolodymyr Zelensky le 24 mars en s'adressant au parlement suédois par visioconférence, certains propagandistes de la télévision d’état russe ont publiquement évoqué l’occupation durable de Gotland afin d’y créer une base militaire dans le cadre d’une éventuelle prise des Pays Baltes. L’idée n’est pas nouvelle : lors d’exercices militaires en mars 2015, 30 000 soldats russes avaient déjà simulé l'assaut de Gotland ainsi que d’autres îles dans la Mer Baltique. Deux mois plus tard, 3600 militaires de 5 pays de l’OTAN ainsi que la Suisse, la Finlande et la Suède ont fait des exercices sur l’île suédoise. Si les déclarations nordiques actuelles concernant l’adhésion à l’OTAN dans un avenir très proche peuvent être surprenantes pour le grand public, elles ne le sont donc pas pour les analystes spécialisés, analystes qui, que ce soit à Stockholm ou Helsinki, sembleraient plus enclins à la « peur rationnelle » qu’aux réactions émotionnelles.
La sélection
Gotland - île stratégique
Strato-analyse