Société
La TV n'aime pas la diversité
« On ne donne rien si libéralement que ses conseils », s’écriait La Rochefoucauld. Bien sûr, car ce type de parole – on le sait tous – n’engage pas celui qui les tient. Observez toutefois que le mot conseil prend une tournure intimidante quand il devient constitutionnel et même audiovisuel. Le CSA a autant de pouvoir qu’un arbitre de touche au football ; il peut siffler les hors-jeu. Pour le reste, il est jaloux de son autorité. Son baromètre annuel lui offre l’occasion de faire un tour de piste. Publiée mardi, cette enquête vise à moraliser la vie médiatique, sur des critères mesurables, évidemment. Il ne s’agit pas de s’en prendre à la vulgarité de Cyril Hanouna…
Ainsi, chaque année depuis 2009, le CSA analyse les programmes (tous genres confondus) d'une vingtaine de chaînes (TNT gratuite et Canal+) et ce pendant deux semaines, en mars et en septembre. 37800 personnes sont ainsi apparues à l’écran au cours des 1450 heures étudiées.
Après une telle visite médicale, tout le monde attend le diagnostic. Le voici : les personnes qu’on voit à la télévision sont plus riches, plus urbaines, plus blanches et plus masculines que la population française, et ne sont quasiment jamais en situation de handicap. Or, « la représentation de cette diversité n'est pas une œuvre de charité, c'est un devoir moral, politique et social », tance Carole Bienaimé-Besse, conseillère du CSA en charge des questions de diversité.
Ce baromètre a ceci d’intéressant qu’il souligne la contradiction entre le discours et les actes, lesquels ne vont pas en s’arrangeant : la part des personnes « perçues comme non blanches » a reculé à 15 % en 2019, contre 17 % en 2018 et 16 % en 2016. La proportion de femmes a stagné à 39 % (contre 52 % de la population française), tout comme celle des personnes en situation de handicap, qui plafonne à 0,7 % (contre 20 %) ! Autre décalage : la TV fait une part énorme aux catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+, 73 % des personnes à l'antenne contre 28 % en réalité). Quant aux habitants dits « de banlieue », ils sont toujours aussi peu visibles à l'antenne : 7 % (contre 27 %) mais leur représentation « est moins stéréotypée et plus diverse » qu'en 2018. Ces données sont quelque peu borderline, tant la République répugne aux statistiques ethniques – qui sont interdites. Pourquoi racialiser le regard ? Dans quelle spirale entrerait-on ?
Jugeant ces résultats « inacceptables », le président du CSA invite les chaînes à une « remobilisation collective ». Vœu pieu. Il n’a aucun pouvoir coercitif. Roch-Olivier Maistre va d’ailleurs engager un nouveau cycle d'auditions sur le sujet. En résumé, le CSA déplore que « les media ne représentent pas la réalité du monde tel qu'il est aujourd'hui et montrent un visage médiatique qui confine un peu à l'entre-soi ».
Cette phrase mérite d’être commentée :
Quand BFM et consorts montrent en boucle des gilets jaunes saccageant Paris, nos écrans représentent bien la réalité du monde tel qu’il est. On ne voit même que ça ad nauseam. Les chaînes d’info continue fermeraient leur boutique si on les privait de ce spectacle. Les récents propos d’Éric Zemmour sur les migrants le montrent bien : les tragédies humaines nourrissent l’audience ; elles sont le gagne-pain des marchands d’images. La pression de la rentabilité conduit les chaînes à exploiter les maux du monde, comme le filon d’une mine d’or.
Ce premier reproche est donc infondé, sauf à considérer que passer à la TV ne signifie rien en soi. C’est comme à l’église : n’est pas prêtre qui veut. Zemmour ne sera jamais qu’un chanoine. L’onction télévisuelle est réservée à un certain milieu – celui qui véhicule la norme, c’est-à-dire les idées que les dominants veulent imposer à la société. Le CSA ne pondère pas ses chiffres en fonction de l’audience et de la promotion des produits TV. Il le faudrait. Le feuilleton PBLV (Plus Belle La Vie) – qui fêta cette année son 4000e (!) épisode – témoigne de la tendance inverse, celle du plus ardent progressisme diversitaire.
Qu’elle soit américaine, chinoise, russe ou française, l’écran n’est qu’un miroir : il reflète le pouvoir comme la lune le soleil. C’est son objet : que tous regardent la lune pour rendre gloire au soleil. Ici, la TV n’est pas là pour montrer la réalité tel qu’elle est, trivialement, mais pour focaliser les regards et énoncer des messages. C’était vrai sous de Gaulle ; ça l’est encore aujourd’hui. Et ce ne sont pas les 400 chaînes du bouquet qui en changent le parfum. La question du « visage médiatique » se résout ainsi d’elle-même : l’entre-soi est celui des dominants : blancs, riches qui, pour rester au pouvoir, promeuvent le discours diversitaire. Mais il ne s’agit que d’un discours. Prenez les accents régionaux, c’est bon pour la case météo et rugby. A la télé, c’est Paris ou rien. En fait, nous vivons comme en 1789. On dit que la France est le pays des droits de l’Homme. Erreur. C’est le pays de la déclaration des droits de l’Homme. Vive Tartuffe.
Ainsi, chaque année depuis 2009, le CSA analyse les programmes (tous genres confondus) d'une vingtaine de chaînes (TNT gratuite et Canal+) et ce pendant deux semaines, en mars et en septembre. 37800 personnes sont ainsi apparues à l’écran au cours des 1450 heures étudiées.
Après une telle visite médicale, tout le monde attend le diagnostic. Le voici : les personnes qu’on voit à la télévision sont plus riches, plus urbaines, plus blanches et plus masculines que la population française, et ne sont quasiment jamais en situation de handicap. Or, « la représentation de cette diversité n'est pas une œuvre de charité, c'est un devoir moral, politique et social », tance Carole Bienaimé-Besse, conseillère du CSA en charge des questions de diversité.
Ce baromètre a ceci d’intéressant qu’il souligne la contradiction entre le discours et les actes, lesquels ne vont pas en s’arrangeant : la part des personnes « perçues comme non blanches » a reculé à 15 % en 2019, contre 17 % en 2018 et 16 % en 2016. La proportion de femmes a stagné à 39 % (contre 52 % de la population française), tout comme celle des personnes en situation de handicap, qui plafonne à 0,7 % (contre 20 %) ! Autre décalage : la TV fait une part énorme aux catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+, 73 % des personnes à l'antenne contre 28 % en réalité). Quant aux habitants dits « de banlieue », ils sont toujours aussi peu visibles à l'antenne : 7 % (contre 27 %) mais leur représentation « est moins stéréotypée et plus diverse » qu'en 2018. Ces données sont quelque peu borderline, tant la République répugne aux statistiques ethniques – qui sont interdites. Pourquoi racialiser le regard ? Dans quelle spirale entrerait-on ?
Jugeant ces résultats « inacceptables », le président du CSA invite les chaînes à une « remobilisation collective ». Vœu pieu. Il n’a aucun pouvoir coercitif. Roch-Olivier Maistre va d’ailleurs engager un nouveau cycle d'auditions sur le sujet. En résumé, le CSA déplore que « les media ne représentent pas la réalité du monde tel qu'il est aujourd'hui et montrent un visage médiatique qui confine un peu à l'entre-soi ».
Cette phrase mérite d’être commentée :
Quand BFM et consorts montrent en boucle des gilets jaunes saccageant Paris, nos écrans représentent bien la réalité du monde tel qu’il est. On ne voit même que ça ad nauseam. Les chaînes d’info continue fermeraient leur boutique si on les privait de ce spectacle. Les récents propos d’Éric Zemmour sur les migrants le montrent bien : les tragédies humaines nourrissent l’audience ; elles sont le gagne-pain des marchands d’images. La pression de la rentabilité conduit les chaînes à exploiter les maux du monde, comme le filon d’une mine d’or.
Ce premier reproche est donc infondé, sauf à considérer que passer à la TV ne signifie rien en soi. C’est comme à l’église : n’est pas prêtre qui veut. Zemmour ne sera jamais qu’un chanoine. L’onction télévisuelle est réservée à un certain milieu – celui qui véhicule la norme, c’est-à-dire les idées que les dominants veulent imposer à la société. Le CSA ne pondère pas ses chiffres en fonction de l’audience et de la promotion des produits TV. Il le faudrait. Le feuilleton PBLV (Plus Belle La Vie) – qui fêta cette année son 4000e (!) épisode – témoigne de la tendance inverse, celle du plus ardent progressisme diversitaire.
Qu’elle soit américaine, chinoise, russe ou française, l’écran n’est qu’un miroir : il reflète le pouvoir comme la lune le soleil. C’est son objet : que tous regardent la lune pour rendre gloire au soleil. Ici, la TV n’est pas là pour montrer la réalité tel qu’elle est, trivialement, mais pour focaliser les regards et énoncer des messages. C’était vrai sous de Gaulle ; ça l’est encore aujourd’hui. Et ce ne sont pas les 400 chaînes du bouquet qui en changent le parfum. La question du « visage médiatique » se résout ainsi d’elle-même : l’entre-soi est celui des dominants : blancs, riches qui, pour rester au pouvoir, promeuvent le discours diversitaire. Mais il ne s’agit que d’un discours. Prenez les accents régionaux, c’est bon pour la case météo et rugby. A la télé, c’est Paris ou rien. En fait, nous vivons comme en 1789. On dit que la France est le pays des droits de l’Homme. Erreur. C’est le pays de la déclaration des droits de l’Homme. Vive Tartuffe.