International
La Turquie d’Erdogan sur les traces de l’Empire ottoman
Recep Tayyip Erdogan multiplie les actions expansionnistes en Syrie et en Libye, anciens territoires de l’Empire ottoman. Le dictateur turc n’a guère à craindre les réactions occidentales, tant l’Europe semble paralysée, et l’OTAN, dont la Turquie est toujours membre, divisée. C’est du bout des lèvres que le secrétaire général de l’OTAN, concède un « désaccord entre alliés » à propos de la Turquie. Emmanuel Macron avait carrément accusé l’OTAN de « mort cérébrale » en novembre 2019 pour dénoncer le mutisme de l’Alliance atlantique à propos de l’offensive militaire turque contre les milices kurdes en Syrie, alliées des Occidentaux. Depuis, Macron a réutilisé la formule de « mort cérébrale » pour dénoncer la passivité de l’OTAN après l’intimidation pratiquée par un navire turc contre la frégate française « Courbet », le 10 juin au large des côtes libyennes. Pour protester contre l’absence d’arbitrage de l’organisation atlantique dans le différend avec la Turquie, la France s’est retirée de l’opération « Sea Guardian » conduite en Méditerranée par l’OTAN.
En Libye, la Turquie s’est lancée depuis le début de l’année dans une action militaire de grande envergure. Elle soutient le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli et reconnu officiellement par l’ONU, contre l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, maître de la Cyrénaïque, appuyé, lui, par la Russie, l’Égypte, et les Émirats arabes unis. La France, quant à elle, ne soutient officiellement ni le GNA, ni l’ANL, mais affirme œuvrer pour une paix « durable ». Il est vrai qu’elle a du mal à faire oublier sa responsabilité dans le déclenchement de cette guerre civile, ou plutôt clanique, qui ravage le pays depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011.
Dans l’affaire du « Courbet », la France n’a obtenu le soutien que de huit pays sur trente membres de l’Alliance Atlantique. Pourtant la liste est longue des contentieux entre la Turquie et ses alliés au sein de l’OTAN : Syrie, Libye, Chypre, Grèce, revendications de forages en Méditerranée, chantage migratoire contre l’Europe… L’immigration est l’arme la plus redoutable d’Erdogan contre l’Europe, notamment à l’encontre de l’Allemagne, premier partenaire économique de la Turquie, où vivent trois millions de Turcs. L’Union Européenne doit prendre clairement position face à l’activisme turc, estime-t-on à Paris. À la demande de la France, les ministres de l’UE sont supposés en débattre. Il y a peu de chose à en attendre, et il en sera ainsi tant que ne sera pas posée la question préalable de la légitimité même de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS (l’Alliance atlantique a été créée contre elle en 1949). Mais la question reste un tabou pour Washington et ses obligés en Europe.
Erdogan profite de la paralysie occidentale pour tenter de rendre à la Turquie l’influence qu’elle avait, aux belles heures de l’Empire Ottoman, sur ses provinces arabes et maghrébines. Il attend de son intervention libyenne, un regain de popularité nationale (d’autant que ce sont quelque 2000 supplétifs syriens qui risquent leur vie en Libye), mais aussi un retour juteux sur des contrats gaziers et pétroliers dans les champs du golfe de Syrte (récupérés dans l’hypothèse de la victoire du GNA sur Haftar) ainsi que des bases aériennes et portuaires stratégiques. L’aide militaire turque aux milices du GNA a permis de chasser de Tripolitaine les forces du maréchal Haftar, et les mercenaires russes qui les épaulent. Via leurs supplétifs respectifs, les alliés d’hier renouent en Libye comme en Syrie avec le vieil antagonisme des empires russe et ottoman. Alors que l’Europe est également menacée par les nouvelles tensions qu’exerce la Turquie sur la Grèce et sur Chypre, son intérêt est évidemment de s’entendre avec la Russie pour conjurer la menace islamique que représentent les masses de migrants contrôlées par Erdogan en Turquie et, en Libye, par ses alliés libyens. Reste à en convaincre ou à braver Washington…
En Libye, la Turquie s’est lancée depuis le début de l’année dans une action militaire de grande envergure. Elle soutient le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli et reconnu officiellement par l’ONU, contre l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, maître de la Cyrénaïque, appuyé, lui, par la Russie, l’Égypte, et les Émirats arabes unis. La France, quant à elle, ne soutient officiellement ni le GNA, ni l’ANL, mais affirme œuvrer pour une paix « durable ». Il est vrai qu’elle a du mal à faire oublier sa responsabilité dans le déclenchement de cette guerre civile, ou plutôt clanique, qui ravage le pays depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011.
Dans l’affaire du « Courbet », la France n’a obtenu le soutien que de huit pays sur trente membres de l’Alliance Atlantique. Pourtant la liste est longue des contentieux entre la Turquie et ses alliés au sein de l’OTAN : Syrie, Libye, Chypre, Grèce, revendications de forages en Méditerranée, chantage migratoire contre l’Europe… L’immigration est l’arme la plus redoutable d’Erdogan contre l’Europe, notamment à l’encontre de l’Allemagne, premier partenaire économique de la Turquie, où vivent trois millions de Turcs. L’Union Européenne doit prendre clairement position face à l’activisme turc, estime-t-on à Paris. À la demande de la France, les ministres de l’UE sont supposés en débattre. Il y a peu de chose à en attendre, et il en sera ainsi tant que ne sera pas posée la question préalable de la légitimité même de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS (l’Alliance atlantique a été créée contre elle en 1949). Mais la question reste un tabou pour Washington et ses obligés en Europe.
Erdogan profite de la paralysie occidentale pour tenter de rendre à la Turquie l’influence qu’elle avait, aux belles heures de l’Empire Ottoman, sur ses provinces arabes et maghrébines. Il attend de son intervention libyenne, un regain de popularité nationale (d’autant que ce sont quelque 2000 supplétifs syriens qui risquent leur vie en Libye), mais aussi un retour juteux sur des contrats gaziers et pétroliers dans les champs du golfe de Syrte (récupérés dans l’hypothèse de la victoire du GNA sur Haftar) ainsi que des bases aériennes et portuaires stratégiques. L’aide militaire turque aux milices du GNA a permis de chasser de Tripolitaine les forces du maréchal Haftar, et les mercenaires russes qui les épaulent. Via leurs supplétifs respectifs, les alliés d’hier renouent en Libye comme en Syrie avec le vieil antagonisme des empires russe et ottoman. Alors que l’Europe est également menacée par les nouvelles tensions qu’exerce la Turquie sur la Grèce et sur Chypre, son intérêt est évidemment de s’entendre avec la Russie pour conjurer la menace islamique que représentent les masses de migrants contrôlées par Erdogan en Turquie et, en Libye, par ses alliés libyens. Reste à en convaincre ou à braver Washington…