Écologie
La saga du béluga : le cétacé, c'est assez ?
L’emballement aura duré huit jours, du 2 au 10 août, où l’histoire finit en queue de poisson. Mercredi, l'ONG de défense des océans Sea Shepherd écrivait sur Twitter : « C'est la mort dans l'âme que nous annonçons que le béluga n'a pas survécu à la translocation. (...) Les vétérinaires ont pris la décision de l'euthanasier » à son arrivée à Ouistreham (Calvados), où il devait être relâché au large. Victime d'anoxie (baisse de la quantité d'oxygène, ndlr), « la souffrance était évidente pour cet animal », confiait Françoise Ollivet-Courtois, vétérinaire du Sdis.
Repérée le 2 août dans la Seine, la baleine blanche était retenue depuis vendredi dans le bassin d’une écluse à Saint-Pierre-La-Garenne (Eure). Amaigri, l’animal ne s’alimentait plus. Dans une eau douce et chaude, les méandres du fleuve lui infligeaient 220 km pour rallier la Manche. Une gageure.
En l’absence de structure adaptée, l’opération de sauvetage fut épique, « particulièrement sensible et lourde en logistique », indiqua Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd. La translocation mobilisa 80 personnes (pompiers et gendarmes inclus) mais elle avait peu de chance de réussir. Les berges de la Seine n’étaient pas accessibles aux véhicules à l’endroit prévu pour l’extraction du cétacé et tout devait être transporté à la main. Le béluga mesurait quatre mètres pour 800 kg. Le transfert en camion vers le port normand lui fut fatal.
En plus, il fallait agir vite : s'il n’était pas remis à la mer avant aujourd’hui, le blocage de l’écluse de Ouistreham aurait coûté 100.000 euros par jour et l’État ne voulait pas les payer. L’opération s’élève aujourd'hui à 40.000 euros. « Grâce à une levée de fonds, Sea Shepherd en récolta les trois-quarts en moins de 5 heures et dans 18 pays », se réjouit Lamya Essemlali.
Que ne fit-on pas pour sortir de son errance cette espèce protégée ! Dix membres de l'ONG se relayaient H24 pour prendre sa respiration toutes les cinq minutes. Le temps médiatique était suspendu au vol de ce « canari des mers », surnom du béluga, capable de produire une gamme de sons très étendue.
On ne sait pas pourquoi la baleine blanche s’est égarée dans les eaux douces de la Seine, d'autant que son front bulbeux possède un sonar très développé pour s'orienter et qu’il s’agit d’une espèce grégaire, comme le souligne le magazine Géo, contrairement au rorqual dont un individu fut observé début juillet dans l'estuaire du Havre. En mai, on avait aussi retrouvé une orque en difficulté entre Rouen et Le Havre. On n'avait pu la sauver et l'animal était mort de faim.
De la même famille que le cachalot, l'orque et le dauphin, le béluga vit dans les régions arctiques et dans l’estuaire du Saint-Laurent. Interrogé par l’AFP, l’océanographe François Sarano parle « d'individus qui quittent le clan et font des escapades plus ou moins longues pour explorer d'autres lieux » mais qui, une fois « embarqués dans une direction, reviennent très difficilement en arrière ».
Autres hypothèses : l'influence des pôles magnétiques aurait amené le béluga « à ne pas prendre le bon chemin au départ ». La modification des courants marins due au réchauffement climatique aurait pu aussi l'égarer, les changements de températures agissant sur la masse et la densité de l'eau. Sans oublier la pollution sonore. Les orques gardent le contact acoustique entre elles à 15 km. Si le béluga s’égare si bas en latitude, faut-il y voir une interférence humaine ? Lamya Essemlali estime que « le futur parc éolien au large de Courseulles-sur-Mer (Calvados) a pu aussi le perturber ».
La saga du béluga pose plusieurs questions :
Fallait-il ne rien faire ? C’était le condamner à mort. On aurait vu l’animal s’échouer ou bien une péniche l’aurait percuté. Les ONG se seraient vu reprocher leur inaction.
Fallait-il l’euthanasier ? « Seul l’intérêt de l’animal prévalut », affirme Lamya Essemlali. En détresse respiratoire, il serait mort agonisant. Si l’ONG n'avait vu que son intérêt médiatique, elle aurait privilégié un happy end.
Fallait-il en faire autant ? Ce déploiement d’énergie permit de sensibiliser l’opinion mieux qu’une campagne de communication, et certainement à moindres frais. Le béluga est à présent un ambassadeur sympathique des océans en danger. Sea Shepherd reçut des messages d’enfants. S'ils se disent tristes que le cétacé soit mort, ils sont sensibles à tout ce qui a été fait pour lui.
La vie d'un homme vaut-elle moins que celle d'un cétacé ? Jacques Attali tweetait : « 80 personnes pour sauver un béluga, c’est magnifique. Combien pour sauver de la faim chaque enfant du monde ? » La question ne se pose pas ainsi. Cette séquence médiatique vise à bouger la plupart des gens qui ne font rien et dont l'action serait nécessaire. On ne peut disqualifier un combat particulier au prétexte que d'autres causes jugées plus importantes ne mobilisent pas autant qu'on le voudrait. En outre, l'un n'empêche pas l'autre : Sea Shepherd, par exemple, lutte aussi contre la pêche illégale pratiquée par des chalutiers chinois en Afrique de l'Ouest et dont les populations sont les premières victimes.
Repérée le 2 août dans la Seine, la baleine blanche était retenue depuis vendredi dans le bassin d’une écluse à Saint-Pierre-La-Garenne (Eure). Amaigri, l’animal ne s’alimentait plus. Dans une eau douce et chaude, les méandres du fleuve lui infligeaient 220 km pour rallier la Manche. Une gageure.
En l’absence de structure adaptée, l’opération de sauvetage fut épique, « particulièrement sensible et lourde en logistique », indiqua Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd. La translocation mobilisa 80 personnes (pompiers et gendarmes inclus) mais elle avait peu de chance de réussir. Les berges de la Seine n’étaient pas accessibles aux véhicules à l’endroit prévu pour l’extraction du cétacé et tout devait être transporté à la main. Le béluga mesurait quatre mètres pour 800 kg. Le transfert en camion vers le port normand lui fut fatal.
En plus, il fallait agir vite : s'il n’était pas remis à la mer avant aujourd’hui, le blocage de l’écluse de Ouistreham aurait coûté 100.000 euros par jour et l’État ne voulait pas les payer. L’opération s’élève aujourd'hui à 40.000 euros. « Grâce à une levée de fonds, Sea Shepherd en récolta les trois-quarts en moins de 5 heures et dans 18 pays », se réjouit Lamya Essemlali.
Que ne fit-on pas pour sortir de son errance cette espèce protégée ! Dix membres de l'ONG se relayaient H24 pour prendre sa respiration toutes les cinq minutes. Le temps médiatique était suspendu au vol de ce « canari des mers », surnom du béluga, capable de produire une gamme de sons très étendue.
On ne sait pas pourquoi la baleine blanche s’est égarée dans les eaux douces de la Seine, d'autant que son front bulbeux possède un sonar très développé pour s'orienter et qu’il s’agit d’une espèce grégaire, comme le souligne le magazine Géo, contrairement au rorqual dont un individu fut observé début juillet dans l'estuaire du Havre. En mai, on avait aussi retrouvé une orque en difficulté entre Rouen et Le Havre. On n'avait pu la sauver et l'animal était mort de faim.
De la même famille que le cachalot, l'orque et le dauphin, le béluga vit dans les régions arctiques et dans l’estuaire du Saint-Laurent. Interrogé par l’AFP, l’océanographe François Sarano parle « d'individus qui quittent le clan et font des escapades plus ou moins longues pour explorer d'autres lieux » mais qui, une fois « embarqués dans une direction, reviennent très difficilement en arrière ».
Autres hypothèses : l'influence des pôles magnétiques aurait amené le béluga « à ne pas prendre le bon chemin au départ ». La modification des courants marins due au réchauffement climatique aurait pu aussi l'égarer, les changements de températures agissant sur la masse et la densité de l'eau. Sans oublier la pollution sonore. Les orques gardent le contact acoustique entre elles à 15 km. Si le béluga s’égare si bas en latitude, faut-il y voir une interférence humaine ? Lamya Essemlali estime que « le futur parc éolien au large de Courseulles-sur-Mer (Calvados) a pu aussi le perturber ».
La saga du béluga pose plusieurs questions :
Fallait-il ne rien faire ? C’était le condamner à mort. On aurait vu l’animal s’échouer ou bien une péniche l’aurait percuté. Les ONG se seraient vu reprocher leur inaction.
Fallait-il l’euthanasier ? « Seul l’intérêt de l’animal prévalut », affirme Lamya Essemlali. En détresse respiratoire, il serait mort agonisant. Si l’ONG n'avait vu que son intérêt médiatique, elle aurait privilégié un happy end.
Fallait-il en faire autant ? Ce déploiement d’énergie permit de sensibiliser l’opinion mieux qu’une campagne de communication, et certainement à moindres frais. Le béluga est à présent un ambassadeur sympathique des océans en danger. Sea Shepherd reçut des messages d’enfants. S'ils se disent tristes que le cétacé soit mort, ils sont sensibles à tout ce qui a été fait pour lui.
La vie d'un homme vaut-elle moins que celle d'un cétacé ? Jacques Attali tweetait : « 80 personnes pour sauver un béluga, c’est magnifique. Combien pour sauver de la faim chaque enfant du monde ? » La question ne se pose pas ainsi. Cette séquence médiatique vise à bouger la plupart des gens qui ne font rien et dont l'action serait nécessaire. On ne peut disqualifier un combat particulier au prétexte que d'autres causes jugées plus importantes ne mobilisent pas autant qu'on le voudrait. En outre, l'un n'empêche pas l'autre : Sea Shepherd, par exemple, lutte aussi contre la pêche illégale pratiquée par des chalutiers chinois en Afrique de l'Ouest et dont les populations sont les premières victimes.