Santé
La saga de Joe Rogan, Jimi Hendrix des podcasteurs : "are you experienced?"
Comment se fait-il qu’un ancien champion d’arts martiaux, commentateur sportif et humoriste se trouve actuellement au centre d’un grand débat aux États-Unis sur la censure, les limites de la liberté d’expression et le rôle du Big Tech dans la dissémination d’information… ou de désinformation ? C’est le cas du podcasteur controversé Joe Rogan, star de la plateforme Spotify, critiqué non seulement par la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki mais aussi par des figures iconiques de la musique populaire américaine (Neil Young et Joni Mitchell) et même le Prince Harry et Meghan Markle. Mais qu’est-ce qui a provoqué la tempête médiatique autour de Rogan ?
La Joe Rogan Experience (JRE – clin d'œil à Jimi Hendrix) est devenue un vrai phénomène de société aux USA au cours des dernières années, les épisodes du podcast (qui peuvent durer jusqu'à 3 heures) atteignant en moyenne 11 millions d’auditeurs. Rogan offre un cocktail assez déroutant de populisme pur (l’humour frise un niveau de vulgarité apparemment toléré dans l’espace public américain mais qui détonnerait en Europe) et de contenu plus intellectuel, ses podcasts incluant notamment des entretiens avec Elon Musk ou l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson. C’est ce deuxième aspect de la JRE qui a mis le feu au poudre suite à deux épisodes – assez techniques et relativement sobres – sur le Covid-19 avec le cardiologue Peter McCullough, spécialiste des traitements précoces, et Robert Malone, un des inventeurs de la technologie ARN messager, tous les deux très critiques envers la politique sanitaire américaine. Rogan lui-même avait utilisé le protocole de McCullough (comportant l’ivermectine) pour guérir du covid, comme il a expliqué le 13 octobre 2021 au médecin Sanjay Gupta de CNN lors d’une discussion qui avait déjà défrayé la chronique, Rogan obligeant Gupta à admettre que CNN avait induit le public en erreur en dénigrant l’ivermectine.
Suivant le podcast avec Malone, Spotify a reçu une lettre de 270 chercheurs et médecins demandant des mesures disciplinaires contre la JRE, qualifiée de « menace pour la santé publique » (Malone n’a pas manqué de rétorquer que sa propre position était soutenue par 17 000 signataires de la Déclaration de Rome au sujet des traitements précoces). L’affaire a pourtant pris de l’ampleur quand le célèbre chanteur Neil Young (After the Gold Rush, Rockin’ in the free world…) a rejoint cette protestation en menaçant de quitter Spotify si la plateforme ne censurait pas la JRE pour désinformation médicale, l'exemple de Young étant notamment suivi par la non moins célèbre Joni Mitchell. La première réaction de Spotify a été de retenir Rogan – ayant un contrat exclusif avec lui depuis 2020, valeur estimée $100 million – mais de mettre en place un « covid information hub » représentant la ligne de pensée plus officielle. Face à la critique, Rogan a initialement cherché un compromis, défendant ses invités mais promettant d’inclure des voix plus favorables aux autorités américaines. Par contre, quand une autre chanteuse, India.Arie, s'est alignée avec Young et Mitchell, publiant par ailleurs une compilation de plusieurs extraits des podcasts anciens où Rogan s’était livré à des commentaires ouvertement racistes, Rogan a dû faire un vrai mea culpa (accepté par la vedette du R&B).
Les déboires du podcasteur sont intéressants pour les questions soulevées par ce feuilleton « all-American ». Qu’est-ce qui motive réellement ses détracteurs – un souci pour la vérité scientifique/justice sociale ? La jalousie de certains universitaires en voyant l’énorme succès populaire de cet homme du peuple haut en couleur, inclassable et imprévisible ? Ou le fait que son podcast échappe visiblement au contrôle des partenaires de la Trusted News Initiative tels que la BBC ou le New York Times, soucieux de présenter un récit unique de la pandémie ? Accusé de désinformation (pour avoir donné de la place à Malone et McCullough), Rogan a répondu en disant que certaines idées considérées hérétiques dans un passé récent (par exemple l’affirmation que les masques en tissu ne seraient pas efficaces ou que les vaccinés pourraient transmettre le SARS-CoV2) sont désormais des faits reconnus. Un argument difficile à réfuter. Et même les inconditionnels de Harvest ou American Stars’n Bars auraient du mal à expliquer pourquoi l’avis de Neil Young sur le covid suffirait pour qualifier de désinformation les opinions de Malone ou McCullough, rédacteur en chef de Reviews in Cardiovascular Medicine et auteur de quelques 650 articles scientifiques…
Pour l’instant, le CEO de Spotify Daniel Ek a refusé de lâcher Rogan, procédant néanmoins à la suppression de 113 épisodes de la JRE, tout en disant que le réduire au silence ne serait pas la bonne réponse et qu'effacer des voix serait une "pente glissante". Décision de principe ou souci commercial ? Dans un développement intrigant, la plateforme vidéo canadienne Rumble a annoncé qu’elle pourrait récupérer Rogan pour $100 million sur quatre années – promettant un accueil sans censure…
La Joe Rogan Experience (JRE – clin d'œil à Jimi Hendrix) est devenue un vrai phénomène de société aux USA au cours des dernières années, les épisodes du podcast (qui peuvent durer jusqu'à 3 heures) atteignant en moyenne 11 millions d’auditeurs. Rogan offre un cocktail assez déroutant de populisme pur (l’humour frise un niveau de vulgarité apparemment toléré dans l’espace public américain mais qui détonnerait en Europe) et de contenu plus intellectuel, ses podcasts incluant notamment des entretiens avec Elon Musk ou l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson. C’est ce deuxième aspect de la JRE qui a mis le feu au poudre suite à deux épisodes – assez techniques et relativement sobres – sur le Covid-19 avec le cardiologue Peter McCullough, spécialiste des traitements précoces, et Robert Malone, un des inventeurs de la technologie ARN messager, tous les deux très critiques envers la politique sanitaire américaine. Rogan lui-même avait utilisé le protocole de McCullough (comportant l’ivermectine) pour guérir du covid, comme il a expliqué le 13 octobre 2021 au médecin Sanjay Gupta de CNN lors d’une discussion qui avait déjà défrayé la chronique, Rogan obligeant Gupta à admettre que CNN avait induit le public en erreur en dénigrant l’ivermectine.
Suivant le podcast avec Malone, Spotify a reçu une lettre de 270 chercheurs et médecins demandant des mesures disciplinaires contre la JRE, qualifiée de « menace pour la santé publique » (Malone n’a pas manqué de rétorquer que sa propre position était soutenue par 17 000 signataires de la Déclaration de Rome au sujet des traitements précoces). L’affaire a pourtant pris de l’ampleur quand le célèbre chanteur Neil Young (After the Gold Rush, Rockin’ in the free world…) a rejoint cette protestation en menaçant de quitter Spotify si la plateforme ne censurait pas la JRE pour désinformation médicale, l'exemple de Young étant notamment suivi par la non moins célèbre Joni Mitchell. La première réaction de Spotify a été de retenir Rogan – ayant un contrat exclusif avec lui depuis 2020, valeur estimée $100 million – mais de mettre en place un « covid information hub » représentant la ligne de pensée plus officielle. Face à la critique, Rogan a initialement cherché un compromis, défendant ses invités mais promettant d’inclure des voix plus favorables aux autorités américaines. Par contre, quand une autre chanteuse, India.Arie, s'est alignée avec Young et Mitchell, publiant par ailleurs une compilation de plusieurs extraits des podcasts anciens où Rogan s’était livré à des commentaires ouvertement racistes, Rogan a dû faire un vrai mea culpa (accepté par la vedette du R&B).
Les déboires du podcasteur sont intéressants pour les questions soulevées par ce feuilleton « all-American ». Qu’est-ce qui motive réellement ses détracteurs – un souci pour la vérité scientifique/justice sociale ? La jalousie de certains universitaires en voyant l’énorme succès populaire de cet homme du peuple haut en couleur, inclassable et imprévisible ? Ou le fait que son podcast échappe visiblement au contrôle des partenaires de la Trusted News Initiative tels que la BBC ou le New York Times, soucieux de présenter un récit unique de la pandémie ? Accusé de désinformation (pour avoir donné de la place à Malone et McCullough), Rogan a répondu en disant que certaines idées considérées hérétiques dans un passé récent (par exemple l’affirmation que les masques en tissu ne seraient pas efficaces ou que les vaccinés pourraient transmettre le SARS-CoV2) sont désormais des faits reconnus. Un argument difficile à réfuter. Et même les inconditionnels de Harvest ou American Stars’n Bars auraient du mal à expliquer pourquoi l’avis de Neil Young sur le covid suffirait pour qualifier de désinformation les opinions de Malone ou McCullough, rédacteur en chef de Reviews in Cardiovascular Medicine et auteur de quelques 650 articles scientifiques…
Pour l’instant, le CEO de Spotify Daniel Ek a refusé de lâcher Rogan, procédant néanmoins à la suppression de 113 épisodes de la JRE, tout en disant que le réduire au silence ne serait pas la bonne réponse et qu'effacer des voix serait une "pente glissante". Décision de principe ou souci commercial ? Dans un développement intrigant, la plateforme vidéo canadienne Rumble a annoncé qu’elle pourrait récupérer Rogan pour $100 million sur quatre années – promettant un accueil sans censure…