International
La publication des « Lockdown Files » en Grande Bretagne : opportunisme journalistique ou bombe politique ?
L'opinion publique britannique a été secouée ces derniers jours par la publication des « Lockdown Files » par le journal The Telegraph, 2,3 millions de mots échangés sur WhatsApp par des ministres du gouvernement et leurs conseillers concernant la gestion de la pandémie du Covid-19. Documents passés au journal par Isabel Oakeshott (rédactrice internationale chez la chaîne Talk TV), à qui l’ancien ministre de la santé Matt Hancock avait confié le matériel afin de l'aider à co-écrire son livre Pandemic Diaries. Malgré sa signature d’un accord de non divulgation, la journaliste a livré les messages WhatsApp au Telegraph, les jugeant d'intérêt public. Comme on pouvait s'y attendre, elle a fait l'objet de vives critiques, M. Hancock parlant d’une « trahison » motivée par les opinions « anti-confinement » d'Oakeshott, tandis que d'autres journalistes (dont Cathy Newman lors d'une interview particulièrement acrimonieuse sur Times Radio) l'ont accusée d'être motivée par l'appât du gain. Ses détracteurs ont notamment fait valoir que le matériel aurait dû être laissé à l'enquête publique actuellement en cours sur la gestion du Covid-19, mais la journaliste a justifié sa décision en objectant que cette enquête n'a pas de calendrier précis et n’est pour l’instant arrivée à aucune conclusion.
Pour beaucoup, cependant, ces questions de déontologie journalistique restent secondaires, étant donné que la lecture des échanges parfois assez crus des « lockdown files » soulève des questions troublantes concernant l’attitude des élites politiques envers la population britannique pendant la pandémie. On accuse Hancock ainsi que ses conseillers et des hauts fonctionnaires d'avoir cherché à manipuler l'opinion publique pour avancer ce qu'on a appelé « Project Fear » (« projet peur »), en exagérant la dangerosité de la situation sanitaire pour que les Britanniques acceptent les restrictions avec plus de docilité. Il est également allégué que les messages montrent un souci constant de la part de Hancock de soigner sa propre image en subordonnant l’aspect médical des mesures sanitaires à leur intérêt politique dans le contexte de sa stratégie de communication. Malgré le refrain qu’il s’agissait avant tout de « suivre la science », on trouve des situations où Hancock paraît avoir ignoré l’opinion scientifique pour des raisons politiques : en novembre 2020, il a notamment choisi de ne pas remplacer les 14 jours de confinement imposés aux cas contacts par 5 jours de tests (option préconisée par le conseiller médical Chris Whitty), considérant entre autres que cela « impliquerait que nous nous sommes trompés ».
L'un des échanges les plus controversés concerne la gestion de l'apparition de la variante « Alpha » ou « Kent » du SARS-CoV2 en décembre 2020. Une conversation avec son conseiller Damon Poole donne l’impression que Hancock regardait la variante comme un outil utile pour renforcer l’adhésion du public à la politique gouvernementale. Hancock déclare qu'il souhaite « effrayer tout le monde » et Poole répond que cela permettrait effectivement « d'obtenir un changement de comportement adéquat » (un plus grand respect des restrictions sanitaires). Hancock demande alors : « Quand allons-nous déployer la nouvelle variante ? » (c’est-à-dire en informer le public). Un mois plus tard, Simon Case – chef de la fonction publique britannique – a affirmé que le « facteur peur/culpabilité » était un élément « vital » du message gouvernemental visant à arrêter le virus. Case, dont certains prédisent la démission imminente, a également été fortement critiqué pour avoir qualifié d’« hilarante » la mise en quarantaine des voyageurs revenant en Grande-Bretagne. Ces propos ont suscité la colère de nombreux lecteurs, qui ont trouvé le ton de certains messages WhatsApp désinvolte et inapproprié par rapport à la dureté de la vie quotidienne sous confinement en Grande Bretagne. Comme Isabel Oakeshott l'a elle-même déclaré, l’évaluation reste à faire des conséquences à long terme pour les jeunes de la fermeture prolongée des écoles (proposée par le ministre de l'éducation Gavin Williamson). Tout comme la question du coût social de la solitude des personnes âgées dans les maisons de retraite, séparées de leurs êtres chers par des mesures rigoureuses de distanciation sociale.
La fin du mandat de Matt Hancock en juin 2021 a défrayé la chronique. Le ministre de la santé a été contraint de démissionner suite à la publication de preuves photographiques venant de son bureau d'une liaison extraconjugale... en violation de ses propres règles en matière de distanciation. Quelques mois après ce départ peu glorieux, sa participation très médiatisée au concours télévisé Je suis une célébrité a fait couler beaucoup d'encre. Critiquant la politique gouvernementale à la lumière des « lockdown files » au parlement, Liz Kendall, porte-parole du parti travailliste en matière de santé publique, a appelé à « plus d'humilité, moins de célébrité ».
Pour beaucoup, cependant, ces questions de déontologie journalistique restent secondaires, étant donné que la lecture des échanges parfois assez crus des « lockdown files » soulève des questions troublantes concernant l’attitude des élites politiques envers la population britannique pendant la pandémie. On accuse Hancock ainsi que ses conseillers et des hauts fonctionnaires d'avoir cherché à manipuler l'opinion publique pour avancer ce qu'on a appelé « Project Fear » (« projet peur »), en exagérant la dangerosité de la situation sanitaire pour que les Britanniques acceptent les restrictions avec plus de docilité. Il est également allégué que les messages montrent un souci constant de la part de Hancock de soigner sa propre image en subordonnant l’aspect médical des mesures sanitaires à leur intérêt politique dans le contexte de sa stratégie de communication. Malgré le refrain qu’il s’agissait avant tout de « suivre la science », on trouve des situations où Hancock paraît avoir ignoré l’opinion scientifique pour des raisons politiques : en novembre 2020, il a notamment choisi de ne pas remplacer les 14 jours de confinement imposés aux cas contacts par 5 jours de tests (option préconisée par le conseiller médical Chris Whitty), considérant entre autres que cela « impliquerait que nous nous sommes trompés ».
L'un des échanges les plus controversés concerne la gestion de l'apparition de la variante « Alpha » ou « Kent » du SARS-CoV2 en décembre 2020. Une conversation avec son conseiller Damon Poole donne l’impression que Hancock regardait la variante comme un outil utile pour renforcer l’adhésion du public à la politique gouvernementale. Hancock déclare qu'il souhaite « effrayer tout le monde » et Poole répond que cela permettrait effectivement « d'obtenir un changement de comportement adéquat » (un plus grand respect des restrictions sanitaires). Hancock demande alors : « Quand allons-nous déployer la nouvelle variante ? » (c’est-à-dire en informer le public). Un mois plus tard, Simon Case – chef de la fonction publique britannique – a affirmé que le « facteur peur/culpabilité » était un élément « vital » du message gouvernemental visant à arrêter le virus. Case, dont certains prédisent la démission imminente, a également été fortement critiqué pour avoir qualifié d’« hilarante » la mise en quarantaine des voyageurs revenant en Grande-Bretagne. Ces propos ont suscité la colère de nombreux lecteurs, qui ont trouvé le ton de certains messages WhatsApp désinvolte et inapproprié par rapport à la dureté de la vie quotidienne sous confinement en Grande Bretagne. Comme Isabel Oakeshott l'a elle-même déclaré, l’évaluation reste à faire des conséquences à long terme pour les jeunes de la fermeture prolongée des écoles (proposée par le ministre de l'éducation Gavin Williamson). Tout comme la question du coût social de la solitude des personnes âgées dans les maisons de retraite, séparées de leurs êtres chers par des mesures rigoureuses de distanciation sociale.
La fin du mandat de Matt Hancock en juin 2021 a défrayé la chronique. Le ministre de la santé a été contraint de démissionner suite à la publication de preuves photographiques venant de son bureau d'une liaison extraconjugale... en violation de ses propres règles en matière de distanciation. Quelques mois après ce départ peu glorieux, sa participation très médiatisée au concours télévisé Je suis une célébrité a fait couler beaucoup d'encre. Critiquant la politique gouvernementale à la lumière des « lockdown files » au parlement, Liz Kendall, porte-parole du parti travailliste en matière de santé publique, a appelé à « plus d'humilité, moins de célébrité ».